Critiques de la Ballade

Ballade de la Féconductrice  ne sortant que dans une salle, seules quelques critiques semblent avoir été rédigées dans la presse. La plupart la semaine de la sortie, uen autre dans une rétrospective des films sortis en 1980 et la dernière à posteriori dans les années 90.

"Exercice de lycéen avancé"

   On tache de ne pas être sérieux quand on a dix huit ans, et reconnaissons que le tout jeune réalisateur de cette promenade fantasmatique entre Paris et Etretat parvient au moins à ne pas être bavard : son film dure quatre-vingt minutes sans un mot de dialogue.

   Cela dit, Laurent Boutonnat fait de la provocation à tout va, son héroïne étant aussi bien portée sur les meurtres que sur le sexe. Un bébé passe au vide-ordures aussitôt sorti du ventre de sa mère. Un gamin est electrocuté dans son bain, une jeune fille fait l'amour avec un chien et un prêtre châtre deux fidèles à l'aide d'une paire de ciseaux.
Ce qui donne l'occasion à la censure française, toujours désireuse de manifester sa stupidité, d'interdire aux moins de dix-huit ans un exercice de style de lycéen avancé.

non signé
Le Nouvel Observateur
le 26 mai 1980
(Article retrouvé le
9 juillet 2009)

 

"Epuisant"

    En principe, c'est la quête hautement allégorique d'une créature qui sème la mort sur son passage. En fait, c'est un récital de fausses audaces et de vraies élucubrations. Laurent Boutonnat signe le scénario, la photographie, la musique. Il est aussi le ralisateur et le producteur. Un travail épuisant. Mais le plus dur, c'est d'être le spectateur.

non-signé
Le Canard Enchainé
le 21 mai 1980
(Article retrouvé le
9 juillet 2009)

 

 

 

"le spectateur-papa"

    Par tous les pores, voilà un film qui se réclame un spectateur-papa. Soit parce que le (très jeune) réalisateur ne poursuit qu'un but : celui de provoquer, de scandaliser, de choquer un spectateur présuposément ancré dans un confort bourgeois... Donc un père pantouflard. Soit encore parce que le dit spectateur ne peut voir au fond, s'il ne se laisse pas prendre au jeu de la révulsion, qu'un très grand et très profond romantisme derrière cet anarchisme absolutiste. Donc un père compréhensif. Soit enfin que face à la patente immaturité aussi bien technique que formelle (pourquoi étirer tellement en longueur ? Pour répéter trois, quatre, cinq, six fois la même ficelle ?) de la réalisation il ne lui sait qu'une attitude possible : appuyer, combler les manques, suppléer aux carences dramaturgiques... donc un père bienveillant.    Ceci étant, reconnaissons... paternellement... à cet auteur le mérite d'avoir accouché jusqu'au bout de ses fantasmes d'un ouvrage problématique : il est peut-être maintenant prêt à faire un premier film.

Jean-Louis Cros, La Revue Cinéma hors-série XIV, p. 43.

Blasphématoire

   Comme c'est très correctement filmé, l'accumulation de tant de noirceur finit presque par faire naître, en de brefs moments, une poésie sauvage et désespérée. Mais certains passags sont beaucoup plus malsains que destructeurs, et le nihilisme blasphématoire de l'ensemble est plutôt dépassé.

Bernard Genin, Télérama, n° 1583, 14 mai 1980.

 

    Provocation violente sans doute en hommage à Arrabal : on mange du vomi, émascule dans les sacristies, découpe les enfants électrocutés, achève les vieillards infirmes... et on se tue sur la plage.

René Préal, 900 Cinéastes français d'aujourd'hui, p.85.

 

"Une suite de fantasmes anarcho-cradingues qui en terrifiera plus d'un" 

STARFIX - avril 1986.

  "Il est fort..."

    Laurent BOUTONNAT a écrit, produit et réalisé La Ballade de la Féconductrice. Il l'a produit en dépouillant son pauvre père, en dévalisant ses pauvres maîtresses, en séduisant les quelques personnes indispensables de la profession; en me volant mon portefeuille aussi ! Il l'a écrit tout au long du tournage, selon le bulletin météorologique et la date des compositions de son petit frère qui interprète un des rôles principaux. Il l'a réalisé en noir et blanc et en moins de deux mois afin d'être prêt pour le Festival de Cannes. A 17 ans, avec 50 000 F de budget et aucune parenté avantageuse dans le spectacle, Laurent BOUTONNAT a produit, écrit et réalisé La Ballade de la Féconductrice. Il est fort.    Lors de la projection privée de son film, Laurent BOUTONNAT est arrivé au milieu d'un aréopage d'adolescents sans grâce qu'il emploie depuis la communale à des tâches obscures, comme de porter ses valises de matériel ou de décommander ses rendez- vous. Tous convaincus de leur néant, ils servent leur  "grand homme" avec gratitude, distribuant pour la circonstance des photos du film aux gens de la presse.    Tandis que le jeune maître serrait des mains importantes, de petits comédiens tentaient de l'approcher comme on prend un train en marche, et de petites comédiennes passaient et repassaient devant lui en toussant. Mais hélas pour eux, Laurent BOUTONNAT a déjà pris l'habitude de déjeuner avec Nastassia KINSKI et de dîner avec Marie TRINTIGNANT, emballée parait-il par son prochain scénario dont il a envoyé une traduction en anglais à Liv ULTMAN. Actuellement, il se propose même de demander à Alain DELON d'interpréter un rôle secondaire. Car il ne doute de rien et à l'un des producteurs en bonne santé de notre cinéma, qui émettait des réserves sur l'avenir du fantastique en France, il tape dans la main et dans le plus pur style français : "-Et moi je vous parie que mon film fera 800 000 entrées à Paris dans la première semaine, sans compter la périphérie". En attendant, La Ballade de la Féconductrice, interdite aux moins de 18 ans parce qu'une mère électrocute son fils dans la baignoire, jette un nouveau né dans le vide ordure et s'envoie en l'air avec un basset, démontre qu'avec Laurent BOUTONNAT, le cinéma fantastique français va peut-être enfin sortir de sa tombe. Ah ! J'oubliais, il a aussi composé la musique. Il est fort.

Cinématographe - n°58 - mai 1980

 

Jacqueline Nacache, Cinéma, n°258, juin 1980

  Le non-film

    Une tentative réussie de non-film et d'abstraction narrative en noir et blanc, où les séquences s'enchaînent, toujours pessimistes et provocatrices, jusqu'au final où les deux personnages principaux s'éliminent l'un l'autre. Le nihilisme du très jeune réalisateur (reconverti depuis dans les clips pour Mylène Farmer) s'exprime tout azimut et pourfend la famille, le conformisme bourgeois, la société de classe, la religion (un prêtre émascule deux jeunes gens en pleine église) avec une telle outrance que même le libertaire le plus ultra aura peine à y croire.

Jean-Pierre PUTTERS - Mad Movies  (merci à NK)

Prétentieux et idiot

    On voit, entre autres spectacles morbides, un jeune prêtre qui castre un jeune homme tout nu, un mendiant qui vomit dans une gamelle, puis mange ce qu'il vient de rendre. C'est symbolique et répugnant, mais surtout prétentieux et idiot. Quant il a réalisé son premier film, l'auteur n'avait que 17 ans. Est-ce une excuse ? Certes non.

G.S. Le Point, n°400, 19 mai 1980.

 

 

Dossier de censure

    Une anthologie de Hara-Kiri et Charlie-Hebdo. Castration, mutilations d'enfants, torture d'un mongolien adulte en petite voiture roulante. Faces tuméfiées et sanguinolentes. Une femme accouche dans sa cuisine d'un teckel, elle fait l'amour avec lui etc… Le film me paraît justifiable d'une interdiction aux mineurs en raison de l'exhibitionnisme grand-guignolesque ce film attentatoire à la dignité de la personne humaine. Cette interdiction me paraît justifiée bien qu'il s'agisse d'un 16 mm. à faibles objectifs commerciaux.

Henri Dolbois

 
 

Document inédit attestant de l'avis de la commission de censure avant la sortie du film.    S'agit-il d'un canular d'étudiants ? S'agit-il au contraire d'une espèce de pamphlet contre la vie ? Cela commence par des images de castration, sur le mode burlesque, cela continue par le meurtre d'un enfant, le rejet d'un nouveau-né dans le vide-ordure, l'acte sexuel avec un chien, et s'achève par une série d'assassinats gratuits, que clôture le suicide du personnage principal. Les dernières images semblent suggérer que la vie est la plus forte, mais ne suffisent pas à gommer l'effet morbide et grinçant de l'ensemble.

Bertand Eveno, Comité de censure cinématographique françaisle 24 septembre 1979.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Entrée Ballade de la féconductrice En Concert Giorgino LIVE à Bercy Jacquou le Croquant