< Découvrez les coulisses du tournage de Libertine par François HANSS en cliquant ici.
Après la sortie de Libertine dans le commerce à l'automne 1987 dans la
première cassette vidéo des clips de Laurent BOUTONNAT,
l'équipe continue de construire leur oeuvre avec Sans Contrefaçon, et Ainsi
soit-je. Alors que le tournage de Pourvu Qu'elles Soient Douces se
prépare, l'équipe à l'idée de faire un reportage sur le tournage du film,
qui sera inclus dans la prochaine compilation de clips qui sortira début 1989.
Le reportage en question : Dans les coulisses de Pourvu Qu'elles soient
Douces (Notez bien l'emploi non anodin du mot "coulisses"... ) est
sans commentaire et suit Laurent BOUTONNAT pendant le
tournage des scènes d'action du film, et même un petit peu pendant le tournage
des plans nocturnes. On peut voir surtout comment le réalisateur dirige Mylène
FARMER et influe sur son jeu à l'écran. La compostion et
la marge de manoeuvre de Mylène FARMER paraît bien plus
limitée. Laurent BOUTONNAT vente d'ailleurs souvent le
talent d'actrice de la chanteuse en le motivant par le fait qu'elle "se
laisse guider".
< En cliquant ici découvrez les photos du reportage sur les coulisses de Pourvu Qu'elles Soient Douces par François HANSS.
C'est en 1989 que Laurent BOUTONNAT lui donne sa plus
grande responsabilité en lui confiant toute l'organisation du tournage de Mylène
Farmer En Concert (preuve de confiance). Dans le reportage Backstages 89',
on peut le voir souvent en train de parler avec Laurent BOUTONNAT,
ou une caméra sur l'épaule pour tourner les plans avec et sans public.
< En cliquant ici découvrez le reportage amateur à scandale lors du tournage du concert à Bruxelles.
On verra surtout François HANSS à la fin du reportage
quand le générique est tourné. On le voit en train de filmer des plans en
passant très près des flammes et surtout pas loin des explosifs dissimulés
dans le décor et qui n'avaient pas encore sauté... Les gens crient, la coordinatrice au micro, le public et Laurent
lui-même, qui dit : "- Hey regarde François où il va il est fou !"
"François! François! (au mégaphone), Non mais ça va pas ? Ca risque de
sauter maintenant !" Laurent redit :"-Coupez !, Mylène reviens".
Peu de temps après, François HANSS est de nouveau en
train de courir le long des flammes et de la fumée noire (sous les flèches
rouges). On entend de nouveau
des commentaires de la coordinatrice et de l'assistance : "François!
François!" "François journaliste sur le front (rires)"
"François au pied ! (rires)". En fait les images alors filmées par
François HANSS seront utilisées pour le clip d'Allan,
lorsque la caméra se déplace latéralement aux flammes. (extraits de la
page sur Backstages 89').
Après la grande aventure du concert 89, qui
dure pour François Hanss jusqu'au mois de juillet 1990, il décide de réaliser
seul son premier court-métrage, qu'il voudra choc... Ce film raconte l'histoire d'un
combattant pendant la première guerre
mondiale. Le court-métrage se révèle assez choquant, à l'image des thèmes
chers à François HANSS. Ce court-métrage très sanglant
passe en première partie de film au cinéma
en décembre 1990. C'est en février 1991 que François HANSS
accompagnera Laurent Boutonnat sur le tournage de Désenchantée et Regrets
en Hongrie. Il en rapportera un making-of du premier, qui figure sur la
quatrième compilation de clips du réalisateur L'Autre , ainsi que sur
les Music Vidéos I (vidéo et DVD).
avec des extraits du making-of...
Ensuite difficile de savoir ce que devient François HANSS jusqu'en 1994... On sait qu'il participera avec Laurent à la préparation des derniers clips de L'autre... Mais en revanche il ne participera pas à Giorgino, pas même au long making-of qui restera pendant 13 ans inédit... Après l'échec du film, Laurent Boutonnat a interdit en somme de parler de lui. Les coulisses restent donc depuis désespérément dans un tiroir... On aura néanmoins réussi à en voir quelques images le 5 octobre 1994, jour de la sortie du film, dans le journal de 20h00 de Fance 2.
Vous pouvez en (re) découvrir quelques images dans les pages sur Giorgino. Voici en outre quelques liens pour ces photos extraites du reportage inédit de François HANSS :
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On y voit notamment le tournage de la scène où, dans le village, Giorgio gifle Catherine, |
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celles où Giorgio tente de rattraper Catherine qui s'enfuit après la mort de sa mère, |
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Après la phase de montage du
making-of du film,
François HANSS se lance en solo dans l'aventure d'un
deuxième court-métrage cinématographique qu'il réalisera avec un ami producteur :
Nicolas MERCORELLI. L'homme qui marche debout est
son titre. La société NM productions (détenue par ce Nicolas MERCORELLI)
co-produit le film avec le ministère de la Défense, la SIRPA et l'ECPA. Le
film est présenté le 30 mars 1995 au 5e festival international du film de
Mauriac (Cantal -15) dont le sujet était cette année : Santé et
environnement. Il gagne en obtenant le grand prix de festival.
Pour la suite de la carrière de Mylène FARMER, François HANSS réalisera un making-of du tournage de California, beaucoup moins spectaculaire que les deux précédents, le seul intérêt du reportage étant de voir Mylène éclater de rire en découvrant le déplacement de perruque de son partenaire. Il co-réalisera également le film du second concert de Mylène FARMER : LIVE A BERCY...
Il réalise en mai 1999 le clip de Je Te Rends Ton Amour pour Mylène FARMER sur un scénario de cette dernière. Un clip très proche du cinéma de Laurent BOUTONNAT. Il réalisera seul Mylénium Tour, le film réussi de la tournée de Mylène FARMER qui avait parcouru l'Europe et la Russie pendant 6 mois de septembre 1999 à mars 2000. Le film tourné les 24, 25, et 26 septembre à Bercy sort dans le commerce en vidéo et surtout en DVD le 5 décembre 2000. Il réalise aussi les clips extraits de l'album live Mylénium Tour : Innamoramento qui mêle images du live et scènes représentant Mylène FARMER dans la nature, puis Dessine-moi un Mouton, remontages de la chanson présente dans le film. Enfin, il innove dans le making of en réalisant celui de Fuck them all début 2005. Il réalisera le clip de Redonne-moi, toujours extrait de l'album Avant que l'ombre avant de s'occuper du film du spectacle Avant que l'ombre... à Bercy en janvier 2006. Parallèlement à la préparation du tournage du concert, il réalisera les plans de la deuxième équipe de tournage sur Jacquou le Croquant.
En 2007 il réalise, sur une commande de la chaîne parlementaire, un court-métrage de 2 mn. sur Guy Môquet (interprêté par Jean-Baptiste Maunier), sur fond de lecture de sa celebre lettre d'adieu. Le film a été diffusé en octobre 2007, sur les chaînes publiques, dans des cinémas et dans certaines stations de métro parisien. On peut encore le voir au mémorial de Caen.
mis à jour le 30 septembre 2007.
Sous les hurlements d'un public récompensé de sa longue patience, un sarcophage transparent descend très lentement du plafond de Bercy et vient se poser sur la scène en forme de croix de Malte qu occupe une bonne partie de la fosse. A l'intérieur, on devine la silhouette de la star allongée, comme morte. L'entrée est saisissante en même temps que " signifiante ". Fidèle aux symboles et aux mystères, aux signes et aux messages, Mylène Farmer a transformé pour l'occasion l'immense salle de concert en vaste temple oriental. Sur la scène traditionnelle où la chanteuse accède par un pont amovible, deux portes monumen- tales renvoient à la " porte d'or " du Dôme de Florence. Ce décor monumental et évidemment intransportable est l'œuvre du scénographe Mark Fisher, concepteur des tournées de " U2 " et des Rolling Stones. Rien que cela. Produit par Thierry Suc, le spectacle est " à la mesure de sa démesure ".
Après la tournée 1989, le Tour 96 et le " Mylenium Tour ", "cest le quatrième spectacle que nous filmons ", explique Paul Van Parys, directeur de la société " Stuffed monkey ", société de Mylène Farmer productrice de la captation filmée. " Bercy est une salle difficile. Aux contraintes qui concernent le public et la sécurité, il faut ajouter une jauge de poids à ne pas dépasser. Ce concert est tellement énorme que la moindre caméra supplémentaire devient vite un problème… ". " Filmer un concert de Mylène Farmer revient à se poser dès le départ une mul- titude de questions ", intervient le cinéaste François Hanss pourtant rompu à ce genre de " performance ". D'abord assistant-réalisateur de Laurent Boutonnat (réalisateur, et compositeur attitré de la star) sur la captation des deux premières séries de concerts, il avait déjà fini seul dans " l'arène " au moment du " Mylenium Tour " en 1999 (450.000 spectateurs à l'époque). " Les spectacles de Mylène priment par leur scénographie, poursuit-il. Par définition, le " live " est synonyme de liberté. Il n'exclut donc jamais les impondérables. Avec elle, la mise en scène, la lumière, la gestuelle et la chorégraphie sont toujours intéressantes. C'est vraiment quelqu'un qui apporte sans arrêt des choses nouvel- les. Elle a beau multiplier les filages, les mises en place et les répétitions, c'est seulement le jour où elle entre en scène face au public qu'on découvre son spectacle. Filmer un concert de Mylène Farmer, c'est chercher à traduire sa personnalité. Il faut aimer son expression, aimer sa plastique et son visage, aimer la suivre dans des choses intimes. C'est là où le terme de " captation " devient peut-être impropre ".
" Certains endroits étaient inaccessibles et il ne fallait pas gêner le public, reprend Paul Van Parys. Il a donc fallu à François une longue observation des répétitions pour savoir comment filmer le mieux possible tous les instants du concert avec le maximum d'axes capables d'offrir un vrai montage de qualité. Avec un réalisateur, le producteur se pose la question des moyens, mais aussi de la manière de les utiliser ". " Même si au fil des années, la culture du spectacle filmé fait que les spectateurs comprennent et acceptent mieux la présence d'une Louma dans la salle ou d'une caméra dans la fosse, dit François Hanss, on n'avait pas le droit de parasiter la perception du concert par les spectateurs. Cela a toujours été notre credo avec Laurent Boutonnat et Mylène Farmer. Il n'y a ainsi jamais de caméra sur scène, jamais non plus un cadreur ne vient près de l'artiste ou des danseurs. En revanche, comme Mylène l'a toujours pratiqué dans ses films précédents, on va chercher le regard du public sur elle. Ce contrechamp est intéressant, il permet d'échapper au point de vue frontal et ajoute de la dynamique et de l'émotion. Une guitare, une expression ou un mouvement de bras sont des plans sporadiques qui insufflent de la valeur ajoutée au mon- tage. Pour les obtenir, il faut des positions de caméra très précises. Mon cahier des charges est de faire monter en puissance ce qui se passe dans la salle tout en respectant scrupuleusement la logique du déroulement du concert, la logique de la découverte des tableaux et des lumières telle qu'elle est conçue. Chaque chanson étant en soi un tableau de lumière et de chorégraphie, mon défi le plus important est de rendre logique et compréhensible ces chorégraphies dans leur déroulement sans jamais perdre de vue l'artiste, sans jamais la faire disparaître derrière les lumières ou le public. Je procède avec un découpage prévisionnel réparti sur l'ensemble du planning des concerts. Il ne s'agit jamais pour nous de " filmer pour filmer ". Ma difficulté supplémentaire ici, c'est la présence des deux scènes. Après, on ajoute toujours quelques points de vue un peu spectaculaires et très utiles. Sur un ou deux titres, nous avons ainsi une caméra télécommandée en totale plongée. Les caméras à l'épaule, c'est plus pour l'ambiance, se retrouver à l'intérieur du public ou utiliser des amorces de mains. La vraie structure du film répond forcément aussi à des nécessités de plans beauté sur Mylène. L'esthétique est importante ".
Huit mois avant le début des représentations parisiennes, la quatrième série de concerts donnée par l'artiste en dix-sept ans de carrière affichait déjà complet. Son titre ? " Avant que l'ombre… à Bercy ". Revêtue d'une tenue d'amazone lamée or surmontée d'une cape à frange, Mylène Farmer y mélange chansons nouvelles et grands classiques (" Libertine ", " Désenchantée "…). " Au total, nous avons filmé les dix premiers concerts à deux ou trois caméras, précise le producteur Paul Van Parys. Une fois le spectacle bien rodé, nous sommes passés à cinq ou six caméras pour les deux derniers ". " Nous avons principalement travaillé avec des Aaton, précise de on.côté le directeur de la photographie Dominique Fausset. Mais nous avions aussi une Arriflex pour varier la vitesse et l'obturation et une A- Minima, L'ouverture était plutôt agréable, entre 4 et 5.6 avec des profondeurs de champ intéressantes. Un concert est un spectacle vivant extrêmement parti- culier dans la mesure où on doit s'adap- ter à une multitude de lumières et d'axes différents avec obligation de cohérence au final. (La création lumière est l'œuvre de Frédérique Peveri qui aura toujours été à l'écoute de la fabrication du film).
Les lumières de " live " comme on les appelle, ont de grandes variations de couleurs, de teintes, de mélanges et de puissance d'éclairage. Qui plus est, c'est un type de lumière très particulier. Dans ce contexte, l'idée est d'être le moins intervenant possible et de tout utiliser, jusqu'aux extinctions de lumière qui font partie du show. Le problème de Bercy, c'est qu'on a parfois des distances de caméra extrêmement éloignées - jusqu'à 80 mètres - ce qui crée des présences très différentes à l'image. C'est dire combien le choix du support est prépondérant ". Avec François Hanss, réalisateur de cinéma (" Corps à corps " en 2003 co- réalisé par Arthur-Emmanuel Pierre), Laurent Boutonnat, (deux longs métrages à son palmarès avec " Giorgino " en 1994 et " Jacquou le Croquant " cette année) et Mylène Farmer en personne dont les clips ont révolutionné le genre (de vrais courts-métrages, certains en cinémascope), le support de captation ne pouvait évidemment qu'être… argentique. " Il est évident que Mylène Farmer, Laurent Boutonnat et François Hanss sont des gens culturellement très attachés au cinéma, constate Paul Van Parys. Avec eux, la captation d'un concert équivaut, et tant mieux, à la réalisation d'un véritable film de cinéma, pas à l'enregistrement multi-caméras d'une émission de télévision. L'orientation film faisant partie de leur culture à tous les trois, l'alternative d'un tournage en HD a été très rapidement abandonnée. Au vision- nage de tests suivis d'un télécinéma sur HD, on s'est rendu compte, notamment au niveau de la colorimétrie, que le film apportait beaucoup par rapport à la HD ". " Dès ses débuts, l'univers musical de Mylène s'est beaucoup imposé par l'image cinéma, souligne François Hanss. Il y a une part de comédienne en elle, elle a le goût de l'image. Dans un souci de beauté autant que de respect vis-à-vis du spectateur, elle a toujours défendu l'image film.
A une époque où la vidéo pouvait se poser comme alter- native, tous ses clips étaient tournés en film. Elle a toujours recherché l'exception, elle a toujours revendiqué une production artistique ambitieuse ". Sur scène ou juchée sur une nacelle en forme de chandelier, Mylène Farmer enchaîne les costumes au fil des numéros, portant justaucorps noir et chapeau haut de forme ou robe violette à cuissardes. Dans un spectacle qui mêle la sensualité et le sacré, l'amour, la mort et la spiritualité, des danseurs habillés de noir se produisent entre deux chansons dans des chorégraphies inspirées du flamenco. De chaque côté de la scène traditionnelle, deux écrans retransmettent les images du spectacle en train de se produire. " Peut-être mon regard est-il déformé par mon goût du cinéma, mais si nous avions tourné en vidéo, reprend François Hanss j'aurais eu l'impression d'assis- ter à une super émission de télévision. Pour moi, il était impensable de monter ou pré-monter le film dans un car-régie et de le finaliser dans la foulée. C'est au montage que le film va se mettre en place ". " Techniquement, le support film est de toute façon ce qui se fait de mieux, ajoute le chef-opérateur Dominique Fausset.
Dans le genre d'exercice où l'on doit retranscrire au plus près possible les sensations du " live ", la maniabilité de la pellicule est imbattable. L'argentique offre, qui plus est, un choix très intéressant d'outils de post-production. L'avantage de tourner en film, c'est aussi de pouvoir utiliser des caméras complètement autonomes avec pour seule contrainte l'utilisation d'un code Aaton destiné à synchroniser les rushes. Cela laisse une grande liberté au cadreur qui, sur ce type de films, doit avoir beaucoup de rigueur. C'est ce qui nourrit la qualité de lumière, la qualité de présence des artistes et la cohérence indispensable pour le montage ". " L'argentique, explique Gilles Gaillard, directeur technique chez Mikros Image, agit comme un pur capteur. En dynamique, la base captée ainsi obtenue est plus large que celle d'un support numérique. C'est un cliché de dire que la capture numérique est plus sensible que la capture argentique. On voit bien que ce n'est pas vrai dès lors que les émulsions deviennent de plus en plus fines. En tirant parti des capacités de captations de la pellicule, les choix créatifs de post- production sont donc forcément plus prononcés, ce qui était nécessaire avec un projet comme celui-ci qui requiert beaucoup de travail en aval. En faveur du film, on cite souvent un plus grand rapport de contraste toléré et une captation différente des couleurs. Mais la captation film permet aussi de repousser l'étape de numérisation sans être gênée par le filtrage quasi-obligatoire de la captation numérique.
En numérique, on est contraint de choisir la balance des blancs et le tronçon sur lequel on va tra- vailler au définitif (encore que certaines caméras commencent à mettre de côté ce type de réglages) et du coup, les choix d'image proviennent à 90% de la prise de vues. Ce n'est pas le cas en argentique. Avec une capture argentique, on peut faire des choix différents en post-production, privilégier les ombres ou les hautes lumières. En choisissant le spectre sur lequel on va travailler, on a davantage de liberté sur le rendu de l'image définitive. Si le placement des acteurs est relativement défini quand il s'agit d'un concert, l'emplacement des caméras définit aussi des gammes de rapports de contraste différents. Un personnage qui passe de l'ombre à la lumière se trouve dans une configuration qui fait que le contrôle des rapports de surexposition varie énormément. La latitude étant plus grande au moment de la prise de vues, il devient intéressant de pouvoir effectuer un travail sur le télécinéma au moment de la numérisation pour aller chercher des détails sur l'image plutôt que d'avoir un rendu homogène qui placerait systématique- ment des gens dans l'ombre. Cela permet de placer le spectateur entre " back- stage " et pur concert ".
Au service de la captation, Dominique Fausset a choisi d'expérimenter la toute nouvelle (à l'époque) pellicule Kodak Vision2 7299. " C'est une pellicule qui va plus loin que ses consœurs de la gamme Vision2 dans les contrastes et les saturations de couleurs, précise-t-il. Pour le type de lumière et la configuration de tournage d'un concert, c'est une pellicule parfaite. Très malléable, elle emmagasine beaucoup d'informations. Il faut simplement la poser le plus " plat " possible dans la courbe pour obtenir un maximum de rendu dans les hautes et basses lumières. Le plus surprenant, ce sont les détails qu'elle conserve dans les basses lumières. C'était d'autant plus important pour nous que le stylisme comportait pas mal de noir (certaines tenues, beaucoup de chapeaux…). Malgré ce noir qui présentait parfois des densités très fortes, elle a en permanence continué de faire preuve de finesse. C'est une pellicule qui, malgré des mélanges de textures de néon et de lumière traditionnelle, valorise les natures d'arrière-plans et la profondeur de champ ". " C'est une pellicule qui pré- sente un possible écart de contraste spectaculaire que les supports numériques ont encore du mal à posséder ", ponctue Gilles Gaillard. " Quand on filme un concert, il n'est pas question de trouver tel ou tel tableau trop " sombre " ou trop " lumineux ", explique encore le réalisateur. La grande force de l'argentique, c'est de " capter " les nuances d'ouverture de lumière et de ne trahir ni les carnations ni la dynami- que des couleurs dont la palette est différente pour chaque tableau. Grâce à la latitude d'acceptation de cette pellicule, on peut " partir " assez loin et garantir au public la cohérence du spectacle. Sur la performance ou le côté spectral de la Vision2 7299, on voit bien qu'au standard de ce qu'on obtient, on possède déjà une image très douce et très défi- nie. On garde le chatoyant du stylisme de Mylène, il n'y a rien d'ingrat ou de parasite, rien n'est " cramé " dans les hautes lumières. Le tableau final par exemple se devait de ressortir magnifiquement. Derrière un rideau de pluie, on découvre un escalier éclairé par différentes sources de lumière qui mettent en trompe-l'œil une perspective. Quand je vois le résultat en film, j'ai l'impression de me trouver devant un rendu technicolor. C'est plein de finesse et de demi-teintes ". " Sur ce type de tournage, l'utilisation d'une seule émulsion permet aussi d'avoir une continuité de profondeur, de grain et de texture d'image, approfondit Dominique Fausset. Il en résulte une cohérence entre les places de caméra, leurs distances et les variétés d'objectifs utilisés. En accord avec la post-production, j'avais ainsi décidé de ne rien filtrer même si avec ce type de lumière de concert, on récupère beaucoup de " flair ". Pour moi, cela donne de la vie aux images.
Une lumière de concert, ça change tout le temps, on passe régulièrement du " chaud " au " froid " et en intensité, on va de très hautes lumières à des lumières éteintes. Cette Vision2 est une pellicule qui tient très bien les montées de grain, les surexpositions comme les sous-expositions. C'est une pellicule que j'aurais vraiment envie d'utiliser maintenant avec des lumières modernes, de travailler dans la douceur sur des clips ou en publicité. Sur ce tour- nage, elle a été pour moi un véritable confort dans ma collaboration avec le coloriste Jacky Dufresne de chez Mikros Image, lequel m'a accompagné dans ce travail depuis le démarrage des tests jusqu'à la finalisation du master au lustre ". " Son bémol, intervient Gilles Gaillard, c'est que malgré une émulsion plus douce, on se retrouve vite avec une texture de grain comparable à " l'ancienne " 500. (La montée de grain n'était pas encore traitée par la boîte Kodak au moment où nous l'avons essayée). Nous n'avons pas utilisé directement la boîte Kodak pour ce qui est de la fabrication de l'image définitive mais pendant toutes les étapes de recherche créative. En faisant des combinaisons Vision2 7299 + boîte Kodak, on s'aperçoit que si la boîte est un peu stricte en terme de rendu, elle fournit quand même des indications qui permettent de déterminer des ambiances et d'offrir davantage de propositions ".
Avec un marché du CD en chute libre un peu partout, quelle sera l'exploitation principale du film ? " Le DVD est devenu un support très important, termine Paul Van Parys, c'est la trace du travail que l'artiste a fourni, un témoignage dans sa carrière, un point de repère dans l'évolution de ses concerts. L'exploitation du DVD est notre objectif aujourd'hui avec éventuellement celle du HD DVD dans la mesure où, quand nous sortirons ce film fin 2006, les lecteurs DVD HD commenceront à se mettre en place. Le fait que le film utilise la pellicule HD Vision2 et le fait qu'on dispose d'une post-production en HD peut nous permettre d'envisager une exploitation salles… même si tout le monde sait qu'elle est difficile à obtenir. Avec la définition d'image dont le film peut aujourd'hui s'enorgueillir, c'est en tout cas une chose possible en privilégiant délibérément la qualité ".
Dominique Maillet, Actions, n°27, Automne 2006.
L'histoire : Une strip-teaseuse rêveuse et un solitaire endurci se rencontrent au cours d'un terrible accident de voiture et tombent amoureux l'un de l'autre. Un danger semble aujourd'hui menacer leur jeune fils.
Critique du film :
Premier assistant-réalisateur de Laurent
Boutonnat entre 1986 et 1994, François Hanss sort enfin son premier
long-métrage, qu'il mûrit depuis plusieurs années (le projet remonte à fin
1998). Nous sommes ici pourtant devant un film en plein dans l'air du temps,
avec une intrigue haletante au suspens très maîtrisé, dont on ne découvre la
clé qu'à la fin du film (astuce très à la mode en ce moment!). On peut
découper l'histoire en deux parties distinctes : la première où Hanss essaie
de faire croire au spectateur qu'il assiste à un film de genre bien particulier
(en accentuant même sur certains clichés, en surexploitant la musique) puis la
seconde partie où tous les éléments narratifs sont pris à contre-pied, où
la notion de genre devient totalement floue tant le film nous emmène dans une
direction à laquelle nous ne pouvions pas nous attendre, avec un ton qui change
du tout au tout.
L'intérêt principal est là : Corps-àCorps est un film de scénario (c'est sans doute pourquoi François Hanss en partage la signature avec son scénariste). Lors de l'avant-première à Lyon le 15 avril 2003, François Hanss alors présent en compagnie de Arthur-Emmanuelle Pierre et Emanuelle Seigner portait l'accent sur le revirement scénaristique de l'histoire, comme si tous ses choix avaient été guidés par cette bascule qui, pendant la demi-heure centrale, prend de terreur le spectateur lorsqu'il se doute de ce que qu'on lui a caché au début du film. Lors de son intervention, le réalisateur a regretté qu'on ne classe son film en "drame psychologique", "drame sentimentale" ou même "thriller". Pour lui, "c'est déjà trop en dire". Impossible donc de savoir vers quoi on nous emmène. Pourtant il n'y a ici aucune frustration, là où Le 6eme sens ou Incassable (qui fonctionnaient sur une astuce dramatique similaire) pouvaient provoquer une certaine incompréhension sans l'obtention de la clé finale, ici tout reste cohérent. Avec des éléments qui viennent troubler la perception de l'intrigue (tel le personnage de l'électricien qui vient relever les compteurs), ce n'est que progressivement que, par touches, l'on atteint l'intérieur du personnage masculin (décidément formidable Philippe Torreton) et même qu'on comprend le titre du film.
Le choix de Philippe Torreton a été en
effet très judicieux. D'abord parce qu'il est évident qu'il est un des
meilleurs comédiens français, mais aussi parce que sa bonhomie et sa
composition durant la première partie du film font que le spectateur
s'identifie à lui, ce qui le déroutera par la suite pour son plus grand
plaisir. Emanuelle Seigner est tout à fait à sa place dans ce film trouble,
onirique qui se transforme en un huis clos que ne reniera pas son mari, le
génial Roman Polanski. Et surtout comment ne pas être en admiration devant
Clément Brilland (Jeannot) qui tient le rôle du petit garçon, bouleversant de
tristesse, au silence si touchant, à la terreur si communicative. Cet enfant
là, sans pratiquement rien faire, tient une bonne partie de la charge
émotionnelle du film sur ses épaules vulnérables. On en regrette même qu'il
ne soit pas plus exploité.
Malgré un suspens et une mise en scène
parfaitement maîtrisés, notre oeil ne peut ignorer les éventuelles
similitudes, les clins d'œil, les inspirations et les redites vers tout le
travail que Hanss a fait pendant si longtemps avec Laurent Boutonnat. On
retrouve par exemple à l'ouverture du film une séquence qui rappellera
immédiatement l'ouverture du film Mylenium tour, avec cette lueur
mystérieuse dans un espace clos bleuté. On pensera aussi au clip Innamoramento
(réalisé par François Hanss) dans le jardin d'hiver, où derrière la
fenêtre qui donne sur la cour, les pétales de fleur de cerisier tombent
lentement à terre sur le personnage de Marco. On retrouvera aussi le même
stock-shot de ciel nuageux utilisé pour le générique de fin de Mylenium
Tour.
Pourtant François Hanss a aucun moment ne "fait du Boutonnat". Il a son style propre, réaliste, certes moins fort, mais qui a sa cohérence et son efficacité. Le cinéma de François Hanss a sa dose de douleur malsaine, de perversion, et si à quelques moments vers le milieu du film on atteint des moments de grâce, on se dirait presque que l'univers de François Hanss commence là où s'est terminé celui de Laurent Boutonnat. Seulement certaines choses peuvent gêner : Comme par exemple la première partie du film et certaines scènes romantiques outrancières frôlant parfois le ridicule, et surtout le concept même du film qui a un drôle de goût de déjà vu boutonnesque...
En 1994 lors de la promo de Giorgino Laurent Boutonnat confiait ceci :
" Alors le premier Giorgino était une histoire en fait très simple. une histoire d'amour entre un homme et une femme. Et c'était un huis-clos entre ces deux personnes dans une maison, et en fait c'était une espèce de ... appelons ça un film de terreur un peu psychologique. Tout le film, cet homme passait de l'amour fou et du désir pour sa femme à une peur panique de sa femme. C'est à dire que tout ce qu'il aimait chez elle devenait un objet de terreur et se finissait dans un drame terrible. Et on ne savait jamais si cette femme devenait vraiment monstrueuse ou si lui devenait fou. Bon, je vous le raconte mais c'est un truc que j'aimerais bien faire un jour..." (voir l'interview inédite de Laurent Boutonnat dans la section Giorgino)
Puisqu'il ne faut pas en dire davantage, nous trouverons juste la similitude troublante. Et si, derrière ses allures de drame malsain et psychotique efficace, Corps-à-Corps n'était finalement que l'alternative récupérée du brouillon de Giorgino ?...
Parallèlement à la sortie du film, François Hanss aurait travaillé à l'adaptation du roman de Thomas Lemaire, La Justice jusqu'à l'absurde. Ce livre retrace l'histoire d'un homme innocent condamné trois fois à la perpétuité.