Les Acteurs

Giorgino projeté en avant première à la rédaction de Studio, celle-ci offre une pleine couverture et deux dossiers à Mylène FARMER et Laurent BOUTONNAT à dix mois d'intervalle pour leur film. L'actrice y dévoile l'approche du rôle qu'elle interprète, ainsi que pour le dossier de presse du film... Jeff DAHLGREN  parle un peu de lui au magazine 20 ans.

INTERVIEW DE MYLENE FARMER

Qu'est ce qui vous a le plus frappée quand vous avez rencontré Laurent BOUTONNAT ?

    Ses yeux, je pense. (Rires.) A la fois des yeux très doux et des yeux de fou ! Et puis j'ai tout de suite su que j'avais à faire à quelqu'un de très très talentueux, mais de très secret, et qui a du mal à s'exprimer.

Allez-vous beaucoup au cinéma ?

    J'y vais de plus en plus. Il faut dire que maintenant, je n'ai plus cette peur que j'avais il y a quelques années, de sortir dans la rue, d'aller au cinéma, d'être regardée. Je commence à m'en débarrasser... Depuis le film.

C'est le tournage de Giorgino qui vous a libérée de cette appréhension là ?

    Le tournage, je ne sais pas, en tout cas la rencontre de certaines personnes. Et puis aussi sans que je sache vraiment l'exprimer ou le définir, c'est comme si, pendant le film, je m'étais libérée de quelque chose qui était enfoui en moi depuis très longtemps.

Quel a été votre sentiment lorsque vous avez lu le scénario de Giorgino ?

    J'aimais beaucoup l'univers. Et cette histoire sombre et tourmentée. Le titre aussi me plaisait : il y a dans ce mot quelque chose d'enfantin et de mystérieux...

Le tournage s'est déroulé dans le plus grand secret. Vous n'avez montré aucune image jusqu'à aujourd'hui. La seule chose que BOUTONNAT ait bien voulu nous dire, c'est qu'il s'agissait d'une grande histoire d'amour romantique. Comment définiriez-vous votre personnage ?

 

    C'est une jeune fille qui a du mal a quitter l'enfance, qui a quasiment le comportement d'une autiste la plupart du temps. C'est quelqu'un d'un peu perdu, et en même temps, d'une grande lucidité. Ce pourrait être une enfant de dix ans mais avec une clairvoyance étonnante. C'est quelqu'un que les gens ne comprennent pas bien, il y a donc forcément une violence à son égard.

 

Comment avez vous travaillé ? Vous y avez longtemps réfléchi toute seule ? Vous avez beaucoup parlé avec Laurent BOUTONNAT ?

    Non, très peu. Je lui ai demandé comment il voulait mon personnage, je l'ai écouté et puis on en a plus jamais reparlé. Moi, de mon côté, j'ai souhaité rencontrer des personnes en hôpital psychiatrique. Pour écouter, pour regarder... De toute façon, je suis fascinée par les enfants autistes. Par le mystère qu'ils gardent. Par leur incapacité à communiquer. (...) En tout cas, pour le film, je ne voulais pas de choses trop évidentes ou trop outrancières. Il faut faire attention : c'est si facile de se laisser porter par le spectacle de la folie... J'ai donc observer, juste pour trouver de petites choses qui seront d'ailleurs, j'imagine, totalement imperceptibles aux autres. Après, ma foi, le fait de porter un vêtement particulier vous aide mieux que tout le reste. Tout, d'un coup, on bascule dans un univers qui n'est plus le sien. Ce n'est plus le quotidien.

Le film s'est tourné en anglais, c'était un défi supplémentaire ?

    C'est une langue que j'aime beaucoup et que je trouve très belle, donc ça n'a pas été difficile. C'était encore un sentiment de décalage supplémentaire. Jouer dans une langue qui n'est pas la sienne, c'est étrange et agréable parce que c'est étrange, justement. Le film s'est fait en anglais parce que Laurent, ne trouvant pas le personnage en France est allé le chercher à l'étranger.

Vous souvenez-vous de votre état d'esprit la veille du premier jour de tournage de Giorgino ?

    J'étais angoissée bien sûr ! (Rires.) J'avais peur d'aller jouer... Monter sur scène, c'est très différent. On est seule. Seule au monde. Même s'il y a des techniciens, même s'il y a eu préméditation. Au cinéma, il faut soudain se confronter, se heurter même, à cinquante personnes qui sont autour de vous. C'est très difficile, soudain, de faire abstraction de ses inhibitions, de ses angoisses, de soi-même. Mais une fois que c'est enclenché, on a plus le temps de réfléchir et il faut y aller... En plus, ce tournage s'est déroulé dans des conditions particulièrement éprouvantes... Physiquement d'abord. Parce que Laurent m'a toujours fait beaucoup courir ! (Rires.) Éventuellement avec des robes serrées, dans la neige par moins vingt degrés, et à perdre haleine ! Mon côté garçon manqué m'a servi... En tout cas, je voulais être là tous les jours. Même quand je ne tournais pas. J'ai donc passé cinq mois à me lever à cinq heures du matin. J'adorais voir ce puzzle se mettre en place petit à petit. Voir ces personnages qui prenaient vie.

(...) Et vos rapports complices avec Laurent  BOUTONNAT ?

    Il faut oublier les rapports complices avec Laurent ! (Rires.) Parce que, sur le tournage, c'était un autre homme. Il a changé du tout au tout. C'est quelqu'un qui pour moi était totalement nouveau. Il y avait d'un côté une confiance absolue -Laurent sait tellement ce qu'il veut et ce qu'il fait, il est tellement précis, il a l'œil tellement fait pour la caméra...- Et de l'autre côté, une absence de dialogue. Il a certainement eu besoin, pour mener cette entreprise jusqu'à son terme, de se protéger du monde. Je respecte ça. En tout cas aujourd'hui. Maintenant que c'est terminé. Et parce que c'est finalement conflictuel pour lui-même.

Le tournage a-t-il changé vos rapports à tous les deux ?

    Forcément, puisque j'ai découvert un autre homme. Il n'y a pas à se demander si c'est en bien ou en mal, ils ont simplement changé. C'était avec moi qu'il était certainement le plus dur, mais ça, c'est assez normal. Ce qui était surprenant, c'était de le voir basculer dans  une espèce de folie, dans sa propre folie, très raisonnable bien sûr mais quand même... C'était une machine de guerre ! Et parfois j'ai eu le sentiment d'être là, moi, l'être le plus fragile au monde face à une machine de guerre ! (Rires.) Ne vous y trompez pas, il n' y a pas de rancœur dans ce que je dis. C'est juste un constat. Cela sans doute, ne pouvait pas être autrement.

Simone SIGNORET disait que ce n'est pas l'acteur qui entre dans la peau du personnage, mais plus le personnage qui entre dans la sienne...

    Justement, pendant le tournage, je me demandais si c'était Mylène qui nourrissait Catherine, ou si c'était Catherine qui nourrissait Mylène... Je ne sais toujours pas. J'avais juste le sentiment pendant les scènes, que la frontière entre le normal et la folie est très mince, très mince...

Ce qui est émouvant dans l'aventure de Giorgino, c'est qu'on a véritablement le sentiment que le film est né de la conjonction de deux désirs du cinéma très forts et très anciens, le votre et celui de Laurent BOUTONNAT...

    ...C'est vrai. Dès qu'on s'est rencontrés, on a parlé cinéma. D'ailleurs, on en a toujours parlé.

...Tant est si bien que l'on ne sait pas si c'est l'aboutissement de deux démarches ou le départ d'une nouvelle aventure...

    J'ai plutôt le sentiment que c'est le départ d'une nouvelle aventure.

 

Propos recueillis par Jean-Pierre LAVOIGNAT. Studio n° 82. pp. 42-49 & 125.

INTERVIEW DE MYLENE FARMER

Voilà un désir enfin réalisé, le cinéma vous y pensiez bien avant la chanson ?


    Notre rencontre avec Laurent Boutonnat est né d’un même désir : faire du cinéma. Pourtant nous avons existé tous les deux, grâce à la chanson : un cadeau que la vie m’a fait, même si cela n’a pas été toujours facile. Cette envie de faire du cinéma, cette envie de faire ce film, a mûri près de dix ans ; c’est long dix ans...

Quelles ont été vos premières impressions à la lecture du scénario ?
 

    Le sujet de Giorgino m’a attiré par son étrangeté, son originalité. Pour parler plus précisément du personnage de Catherine, j’ai senti que je pouvais y mettre beaucoup d’émotions. Je crois que Laurent a puisé certaines choses de ma personnalité pour l’écriture du personnage de Catherine. Nous n’en avons jamais parlé... Je n’ai pas réellement connu la magie de la découverte du scénario parce que j’ai suivi pratiquement 24h sur 24, l’élaboration de ce projet : j’ai aussi vécu les difficultés d’écriture qu’ont rencontré Laurent Boutonnat et Gilles Laurent ( le co-scénariste ) ainsi que tous les problèmes inhérents au montage d’un tel projet. C’est malgré tout, passionnant d’apprendre tous les à-côtés d’un film. Giorgino a été un accouchement dans la douleur, mais nous vivons, Laurent et moi-même, dans ce climat depuis que l’on travaille ensemble, rien ne se fait dans la facilité. Peut-être ressentirons-nous un peu de bonheur ou plutôt de soulagement, quand nous nous déposséderons totalement du film, c’est-à-dire le jour de sa sortie sur les écrans.

 

Qui est Catherine, cette femme-enfant mystérieuse que les gens disent folle ?


    Catherine est différente des autres et elle paiera cette différence... C’est avant tout sa fragilité qui m’a émue, j’aime son innocence et sa violence intérieure. Les enfants ont ça en eux : naïveté, pureté et colère. J’aime son incapacité à être dans le monde des adultes.


 
 

Quels sont selon vous, les blessures profondes de Catherine, qu’est-ce qui a provoqué cette fragilité ?


    Catherine n’est pas intellectuellement de son âge ce n’est pas une jeune fille " retardée " mais simplement comme le dit le prêtre : " elle a l’esprit d’un enfant ". Elle est restée isolée du monde extérieur, probablement protégée par ses parents, s’occupent elle-même d’enfants retardés. Pour Catherine, le noyau de sa famille pourrait représenter la beauté, et le reste du monde la laideur... Catherine n’est pas armée pour le monde extérieur et sa violence... La disparition des enfants, de sa mère, puis de son père, sont autant de traumatismes, de blessures irréversibles. Et puis, un très jeune personne capable de dire : " et si c’était la douleur qui faisait chanter les oiseaux ?... " n’est-ce pas suffisamment éloquent ?

On a l’impression que vous êtes complètement pénétrée par cette jeune fille. Comment s’est faite l’approche de ce personnage étrange ?


    J’ai une très grande liberté par rapport au personnage de Catherine, c’est étrange, mais il n’y a pas eu de grande difficulté quant à savoir comment aborder ce rôle. Pour l’approche du personnage, j’ai simplement eu envie de m’informer un peu sur l’univers psychiatrique : j’ai pu assister à quelques entretiens antre "  ce qu’on appelle des malades " et leurs docteurs, sachant que Catherine basculait dans une dite " folie ", en tout cas dans un retrait d’avec une dite " réalité ", j’ai écouté puis j’ai regardé la gestuelle " particulière " de ces personnes très habitées, angoissées et sous médicament pour la plupart... Vous dire que je m’en suis servie pour Catherine, je ne sais pas vraiment. J’ai abordé sa personnalité à la lecture du scénario et je savais ce que je pouvais donner au personnage. D’autre part, un costume, un décor et une envie d’incarner quelqu’un d’autre que sois, sont autant de facteurs importants pour l’approche d’un rôle comme celui-ci.

Vous vous étiez auparavant intéressé aux enfants autistes. Cette observation vous a-t-elle aidée pour le rôle de Catherine ?


    Aidée, je ne sais pas, mais avoir envie de comprendre, de percer les mystères de ce silence, de ce repliement sur sois... Catherine a un trouble profondément enfoui en elle. Le comportement des enfants autistes est tellement intrigant, leur retrait du monde est inexplicable, on ne sait pas... Oui, j’ai peut-être la sensation d’être proche d’eux. Une communion dans le silence avec ces personnes-là me paraît plus enrichissante parfois qu’une conversation...

Dans votre interprétation, vous faites passer  la " folie " de Catherine de façon très subtile, les gestes, les regards sont à peine esquissés, intenses mais sans excès, sans débordement. Le trouble est plus fort encore.


    Je préfère les paroles murmurées aux mots criés. En fait, je n’aime pas imposer, je préfère proposer ; cela tient d’une pudeur et d’une timidité qui font partie de moi. C’est ma personnalité, et mon jeu s’en ressent certainement. D’autre part, Catherine me semblait plus proche de " l’introvertie " que de son contraire... je n’avais donc pas envie, quand Catherine bascule irrémédiablement, de passer soudainement à un état épileptique et voyant. Dans cet univers de conte où l’on bascule constamment entre le vrai et le faux, le réel et l’irréel, la lecture ne dois pas être trop évidente. La présence des loups, les comportements ambigus des personnages... pendant toute l’histoire on ne sait pas, et c’est pour moi toute la magie de ce film.
 

Ce doit être troublant pour un comédienne d’approcher la folie...


    En effet, troublant, attirant... Catherine semble tellement apaisée, presque sereine, dès l’instant où le monde environnant n’a plus d’empreinte sur elle. J’ai parfois le sentiment, dans des moments d’anéantissements, de frôler cette frontière " normalité-folie ", mais ceci est tellement intime... Peut-on parler de traumatisme ?... Tout dépend de ce que l’on donne de soi dans un scène. Pour arriver à exprimer ses sentiments extrêmes, il faut puiser dans ses propres névroses, faire resurgir ses plus grandes craintes, douleurs. Puis on décide que le personnage que l’on interprète n’est pas exactement comme soi ; c’est à ce moment-là que le métier d’acteur devient passionnant. Ce serait un peu comme façonner une sculpture ; il y a la matière brute ( qui est soi-même avec son univers personnel ) et il y a le personnage, la création, l’imagination, enlever un peu de terre ici, en rajouter là...

Quelles ont été pour vous les scènes les plus délicates à tourner ?


    Il est toujours délicat de dévoiler des émotions devant plus de cinquante personnes ( l’équipe ) qui sont en fait cinquante étranger. C’est d’un impudeur totale, et l’on se déteste pour ça, mais on est engagé pour le faire et le besoins de tourner, jouer, l’emporte sur le reste.

Vous éprouvez pourtant du plaisir quand vous montez sur scène, exposée à des milliers de regards !


    C’est un plaisir suicidaire me concernant. Pourtant cela me manque terriblement, la scène, l’autre. Ce paradoxe de l’artiste est très réel : avoir un désir névrotique de lumière et cette envie de se cacher. Je bascule constamment entre ce désir et ce refus. L’un ne peut pas exister sans l’autre. L’un nourrit l’autre... La notion de plaisir semble totalement abstraite pour moi. J’ai besoins du regard de l’autre, besoins de ces deux métiers pour vivre, c’est ma vie. Je refuse la tricherie. Le jour où j’aurai la sensation de ne plus ressentir, de ne plus être capable de donner, je m’effacerai.

On retrouve dans Giorgino un univers qui est, semble-t-il très cher à Laurent BOUTONNAT et à vous-même ? Comment décrirez-vous cet imaginaire ?


    C’est un monde troublé et troublant et j’espère, plein de poésie. Avec Laurent, nous aimons les paysages enneigés ( je suis née au Canada ). Je suis attirée par les relations, les sentiments difficiles. Tous les deux, nous sommes instinctivement attirés par les contes cruels, pas l’irrationnel. Tous deux, nous refusons dans le fond le monde des adultes. J’aime les animaux, j’aime la folie, par exemple celle des paysages fracassés, où le regard ne peut pas se promener calmement. J’aime aussi la mouvance permanente, l’énergie sans repos possible. J’aime tout ce qui porte au rêve.

Quels sont les cinéastes qui ont marqués votre imagination ?


    David LEAN reste mon préféré, ou l’un de mes préférés, le personnage de Catherine ma fait parfois pensé à celui de La fille de Ryan. Jane CAMPION a fait un chef-d’œuvre, La Leçon de Piano, ses premiers films sont magnifiques aussi, David LYNCH, Witness de Peter WEIR, un film parfait, le sujet, sa façon de filmer, son choix d’acteurs, tout... J’adore le cinéma de BERGMAN, j’adore Oliver STONE. Dans un tout autre genre Batman II, Steven SPIELBERG bien-sûr... et tant d’autres... J’aime les projets ambitieux, les metteurs en scène qui ont une démesure, une folie comme KUBRICK, j’aime les fous...

En littérature, vous appréciez CIORAN ?

    C’est une homme qui parle si bien " des inconvénients d’être " et qui par son cynisme arrive à nous faire rire. J’aime son auto-dérision. Tout ce qu’il exprime est bien au-delà du désespoir, c’est si justement formulé, cruellement drôle, si bien écrit. Il a enlevé toute poésie, tout romantisme à la " dépression ", à " l’anéantissement de l’être ", ce qui rend tout plus violent encore. C’est aussi un home très séduisant.

Comment Laurent Boutonnat vous a-t-il dirigé ?


    Sur le plateau, il donne des précisions techniques, en ce qui concerne le jeu, il m’a laissé une grande liberté. Il m’a donnée des indications ponctuelles. Laurent sait installer un certain climat utile pour les scènes à jouer. Il n’y a pas eu réellement de discussion sur le personnage. J’ai lu le scénario et je pense qu’il savait que je savais ce qu’il souhaitait pour Catherine. Sur le tournage, c’était " Moteur ! Action ! " et on parlait après. Après la prise, il donnait son jugement " ça va " ou " ce n’est pas tout à fait ça. On la refait ". Cela tient au fait que nous nous connaissons parfaitement. Avec les autres acteurs, Laurent était plus volubile, je crois...

 

 

A vos yeux, quelles sont les principales qualités de Laurent BOUTONNAT ?


    Sa démesure, sa perception du sentiment en général. Avec sa caméra et ses mots, il arrive à exprimer les troubles que l’on a en soi. Il est poétique. Pour moi qui ai suivi cet accouchement, je peux dire que Laurent va au bout, vraiment au bout des choses. Il travaille comme un acharné, bien-sûr, c’est pour lui qu’il le fait, mais il refuse de baisser les bras quitte à en payer le prix. J’aime ça. Et puis cette manière de filmer, il y en a si peu qui ont ce vrai talent, cette maîtrise... Laurent fera partie, je crois, de ces quelques metteurs en scène qui ne laisseront jamais indifférent.
 

Que pensez-vous de Jeff DAHLGREN ? Quels ont été vos rapports sur le tournage ?


    Magnifiques. Le choix qu’a fait Laurent ,me paraît tellement juste. C’était lui et personne d’autre. J’aime sa façon de jouer, très économe, il me faisait parfois penser à James Dean ; et puis, il est devenu mon meilleur ami.

Après Giorgino, quel sera votre prochain rendez-vous avec le public ?


    Probablement un album. Ou peut-être un autre film. J’attends que le réalisateur veuille bien délaisser ses caméras pour reprendre son piano.

Par GAILLAC-MORGUE - Dossier de presse - Bonne Question - 10/94


INTERVIEW DE JEFF DAHLGREN

S'il a l'air d'un top dans Giorgino, Jeff DAHLGREN, 29 ans, californien et vraie révélation du film, ressemble à un semi-clodo dans la vie ! Jeans troués, baskets fatiguées et cheveux gras. Ex-chanteur d'un groupe punk qui a splitté l'année dernière (Wasted Youth), le bellâtre a désormais le privilège d'être un membre permanent du cénacle FARMER/BOUTONNAT. Interview...

Vous portez Giorgino sur les épaules. Une dure épreuve ?

    Pas du tout, non. Grâce à Laurent. Il est fou et extrêmement talentueux. Et Mylène, devenue ma meilleure amie, est incroyable. Et pourtant, je n'ai jamais voulu être acteur, je veux être suffisamment cool pour que le personnage soit crédible, c'est tout. Avec eux, ça a collé immédiatement, comme si je les connaissais depuis toujours. Ce qui était terrible, c'était ce froid : on avait les lèvres gelées et quand on touchait nos oreilles, c'est comme si elles allaient tomber...

 

Avez-vous des points communs avec l'univers de tandem FARMER/BOUTONNAT ?

    On est pareils. Ce qui me fascine, se sont les ténèbres, la face cachée de chacun. Comme Giorgino, il y a du désespoir en moi. Je suis désabusé parce que j'aimerais faire quelque chose de ma vie. Souvent, je pense que l'existence est un combat perdu d'avance. Alors, j'envisage la mort, je l'attends comme une liberté, la paix enfin trouvée. Je ne veux encourager personne au suicide, surtout pas. Mais j'y pense, parfois, comme une délivrance...

Et la folie, elle vous guette ou elle vous tente ?

    Elle me préoccupe. On l'a tous en soi, nécessairement. Je suis peut-être un peu fou, ou un peu désenchanté. Je ne suis pas un combattant de la vie, plein d'espoir et tout sourire. D'ailleurs, je n'attends rien du tout de l'avenir. Quand je fais un truc, je donne le maximum. Après, j'oublie, je passe à autre chose. Je ne sais pas si je referais l'acteur. Si ça arrive tant mieux. Sinon je vais revenir au punk, à la musique. Je ne cours pas après la richesse ou la célébrité. Je me fous de toutes ces frivolités...

Propos recueillis par Luc VINCENT. 20 ans. octobre 1994.

 

 

 

 

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