Déjà très occupé par la préparation
du tournage de Giorgino, qui lui prend tout son temps, Laurent Boutonnat prend
ltout de même quelques jours pour réaliser un dernier court-métrage avec Mylène
Farmer.
Mettre en images Pas de doute initialement prévu (suite de Libertine
et Pourvu Qu'elles Soient Douces) aurait nécessité beaucoup plus de
préparation de temps, et donc d'argent, que celui-ci. Il tournera donc Beyond
my Control en deux jours, aux studios de Stains avec Frederic Lagache,
le marionnettiste de Sans Contrefaçon, Christophe Danchaud en doublure
masculine et une danseuse. Le réalisateur dévie de sa
narratologie filmique habituelle pour se concentrer sur des images syncopées,
montées a-chronologiquement mais contant tout de même, si
ce n'est une
histoire, du moins un "rassemblement thématique". Dans un monde sur
fond noir, dénué de décors, Boutonnat fait évoluer ses
personnages autours
d'objets et d'éléments forts de son univers. Le peu d'accessoire qui sont
montrés sont en rapport avec un des deux thèmes de la chanson et du film :
soit le sexe, soit le sang. On y voit un lit à baldaquins, une meute de loups,
une proie déchiquetée, un bûcher, un baiser sanguinolent, et le vent, omniprésent
dans l'œuvre de Laurent. Tous ses symboles mis côte à côte, juxtaposés,
mélangés peuvent être interprétés de différentes façons. L'incinération
en elle même et la proie des loups peuvent être lues de manières
différentes. Le bûcher et le vent qui ne s'arrête jamais de souffler évoque
à nouveau un des films de chevet de Boutonnat : Les Diables, de Ken
Russel (1970).
Pour la
première fois après Plus
Grandir (1985), Laurent Boutonnat
est attaqué par la censure française. Ouvertement bâillonné par la chaîne M6,
par Michel Drucker (alors sur TF1) et par le C.S.A ; Beyond
my control ne passera que très peu à la télévision française. Malgré
la promesse des chaînes M6 et MCM de le diffuser après minuit, seule Canal
Plus osera le programmer à n'importe quelle heure de la journée. On rappellera
pour mémoire l'immortel verdict du C.S.A (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel): "Ce nouveau clip de Mylène Farmer n'est qu'un cocktail de sexe et de sang à la puissance
mille". (sic)
Laurent
Boutonnat oublie les adaptations cinématographiques de Roger Vadim (1959),
Stephen Frears (1988) ou Milos Forman (1989) pour s’attacher au roman lui
seul. Dans un décor épuré, seuls un bûcher et un lit à baldaquins
se détachent d’un fond noir. Dans un mélange d’images sanguinolentes et
parfois vaguement érotiques, deux amants se trompent et se vengent. Dans le rôle du mari
on reconnaîtra Frédéric Lagâche, marionnettiste dans Sans Contrefaçon.
Comme pour brouiller une histoire que tout le monde connaît ou a vécu, le réalisateur
préfère la raconter en livrant certaines images mentales. On pense au symbole
de la femme trompée, à cette image d’une Mylène Farmer ligotée sur un bûcher
qui crie la douleur de la trahison dont elle est victime. Parallèlement à
cela, une scène montrera l’époux volage dévoré par deux loups. On
comprendra plus tard qu’ils étaient les outils de la vengeance de la femme
trompée. L’histoire racontée de manière anachronique fait écho aux paroles
de la chanson qui, elles non plus, ne suivent pas l’ordre chronologique de
l’action. Le texte lui-même commence par les pensées de la femme venant
d’accomplir sa vengeance :
« Je ne comprends plus pourquoi j’ai du sang sur les doigts. Dors en paix je t’assure, je veillerais ta sépulture mon amour. »
C’est bien plus tard dans le clip qu’on découvrira la cause de tout cela,
dans les ébats crus d’une femme blonde dans les bras de l’homme infidèle.
Surpris par la femme trompée, ils se font promettre des représailles, pourtant
paradoxales :
« Lâche. C’est plus fort que toi. Toujours en cavale, tu nous fais du mal. Ne t’éloigne pas de mes bras. »
Elle
lâchera une meute de loups sur le mari volage, qui finira dévoré. Il réapparaîtra
plus tard dans une image forte de sens. Un long baiser fougueux avec Mylène
Farmer se transformera peu à peu en étreinte cannibale. Le sang sortant de la
bouche des deux amants se répand sur leurs visages, matérialisant la passion
malsaine qui les lie. Les images dans le désordre le plus complet se succèdent.
Alors qu’un loup court en leur direction, tel un vampire la chanteuse embrasse
l’épaule de son concubin, de laquelle perle une goutte de sang. Les flammes
du bûcher petit à petit baissent d’intensité, alors que les loups s’acharnent
sur une carcasse encore sanguinolente.
Dr. Jodel