"Prenez garde à mes soldats de plomb: c'est eux qui vous tueront!"

 

 

Le Clip 

 

    Noir. Les premières secondes du clip de Sans Contrefaçon, contrairement aux autres films de Boutonnat, désorientent le spectateur qui est dans l'incapacité d'estimer à quel cinéma il a à faire. Sous la lumière précise d'un projecteur une marionnette androgyne se retourne vers un public, qu'on imagine peu nombreux et qui applaudit le spectacle (au sens propre comme le début des aventures de la marionnette) qui commence. Sur une mélodie enfantine au carillon, la voix toute aussi enfantine de la poupée nous dit :"-Dis maman, pourquoi je suis pas un garçon ?". Là se déroule déjà la première cassure, dans un film qui ne fonctionnera que par changements de rythmes : Le marionnettiste est jeté violemment hors de sa salle de spectacle par les deux  tenancières, qui sont en fait deux hommes travestis (toujours l'ambiguïté sexuelle, omniprésente ici). L'homme est jeté à terre, sous une pluie battante, l'affiche détrempée de son modeste spectacle (5 Frs l'entrée pour Les Aventures de Sans Contrefaçon) est déchirée à moitié, et il se fait cracher dessus par le couple sans  scrupules. Toujours cette hostilité des  hommes, que l'on retrouve dans tout le cinéma du réalisateur. Sa marionnette lui est jetée au visage, elle tombe dans la boue, et le marionnettiste ne peut faire que de la nettoyer approximativement en lui passant sa main sur le visage. Les travestis applaudissent le marionnettiste et sa créatures à terre, couverts de boue. Humilié, il part, dans les rues de ce petit village côtier, pour s'en évader. Ici encore, un  passage d'errance nous est conté. Le marionnettiste et sa grosse mâle et son compagnon fidèle  divaguent dans les collines, sur les plateaux sur lesquels trônent d'étranges épouvantail rappellent la crucifixion d'un Christ aux cheveux un peu longs. On retrouve ce type de silhouette dans Giorgino lorsque Giorgio rencontre pour la première fois le docteur Degrâce (plan en transtrav inventé par Hitchcock). D'ailleurs Laurent Boutonnat lui-même décrit cette silhouette comme celle d'un éventail dans son scénario original. Des avant-signes de vie semblent habiter la marionnette. La même qui répond à l'homme lorsqu'il jette sa bouteille de verre. 

 

    C'est lorsqu'il semble avoir épuisé toutes ses ressources de vie (la bouteille qui se vide et qu'il jette), que le marionnettiste arrive au sommet d'un plateau désert au centre duquel campe une petite troupe de cirque, seulement composé de quelques petites roulottes et de cages sans animaux, d'une demi-douzaine de membres, dont des handicapés physiques (cul-de-jatte), un clown et un magicien barbu au visage maquillé très étrange (Luc Jamati). C'est l'heure du repas et sur le côté, assise à l'écart des autres sur des marches d'escalier, une grosse dame en noir mange une espèce de purée insipide dans une gamelle.

 

    L'arrivée du marionnettiste à proximité de la troupe nous est montrée par un travelling vertical haut-bas (la caméra relativement élevée s'abaissant jusque ras du sol). Par ce plan, qui accompagne la marche du vagabond à proximité des roulottes, Laurent Boutonnat nous montre probablement que c'est ici réellement que va commencer l'histoire. La caméra se met à hauteur d'homme, le refrain qui passait en boucle s'arrête pour laisser la place au premier couplet. Le cinéaste nous glisse à l'oreille : "Je vais vous raconter une histoire...". La seule lueur d'hospitalité dans le film viendra de Zouc (la dame en  noir) qui se lèvera pour offrir gracieusement le contenu de sa gamelle au marionnettiste affamé. En échange, il lui prêtera la marionnette en question sur laquelle elle posait un regard émerveillé. 

 

(image re-contrastée)

 

    On notera que la marionnette réagira à son sourire en tournant la tête, alors que le marionnettiste avait les deux mains déjà occupées, un peu comme si par la seule grâce de son regard, la fée de noir vêtue habitait la poupée de cire... Une fois la marionnette dans ses mains, ses comparses du cirque lui la volent pour se la renvoyer comme une vulgaire balle. Cette séquence, quand à elle est pleinement empruntée au film La Fille de Ryan (David Lean - 1976) où "l'idiot du village" (Michel) s'était fait voler sa langouste par les jeunes. Il essayait de la rattraper comme Zouc avec la marionnette dans le clip, jusqu'à ce que le curé du village vienne le sauver (comme dans Giorgino lorsque l'abbé Glaise intervient au côté des femmes qui lynchent Catherine). Zouc tourne alors sur elle-même, essayant de rattraper la marionnette chahutée de mains en mains. Comme par miracle (ou peut-être par pitié), la  poupée atterrit dans les bras de la femme en noir. Elle n'hésite alors pas un instant et part avec, laissant coi le marionnettiste qui ne peut que regarder la femme partir au loin à toute jambe, emportant sa seule compagne. Très beau plan où la femme en noir, de dos, court en direction de la plage que l'on devine au loin, avec ses longues vagues de marée basse. Petit à petit, à force de courir en contre-bas, Laurent Boutonnat nous descend dans le néant, dans cette sorte de quatrième dimension connue de lui seule où le temps se ralenti, où les lieux se font irréels et où les hommes disparaissent pour laisser seuls les héros de ses contes. Tout s'effondre pour l'homme; et la marionnette (qui cache encore le visage de Mylène, que l'on pas encore vue) va être la place centrale du reste du film.

 

 

 

 

 

 

Laurent Boutonnat ici dans le référentiel du film La fille de Ryan (David Lean - 1974) dans la scène où la langouste fétiche de Michel lui est dérobée.

 

 

 

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    Le marionnettiste paniqué à couru. Il est à présent arrivé au dessus du plateau qui domine la plage. C'est là qu'il trouve devant lui une scène inespérée : la marionnette à prit vie et joue sur la plage avec la dame en noir. Elle a pris les traits de la chanteuse, qui fait son unique apparition (tardive) dans ce clip qui ne joue que sur son absence. C'est paradoxalement ce manque qui faisait à lépoque de Mylene Farmer un mystère. Après l'avoir attendue durant 6 minutes, le spectateur peut enfin savourer sa présence à l'écran t sera surpris de la revoir disparaître définitivement quelques secondes plus tard. C'est ici qu'un autre parallèle est fait avec Ballade de la Féconductrice : C'est en  Zouc que réside la fée. Elle a donné vie à la marionnette comme la femme-clown de La Ballade a redonné vie au petit garçon-marionnette enfermé dans la valise. Le marionnettiste s'approche des filles aussi irréelles l'une que l'autre et s'accroupit pour se retrouver à la hauteur de sa marionnette à présent de chair et de sang. A sa vue elle s'enfuit, comme si elle avait associé son retour à la fin de sa (jeune) vie humaine. Elle a en face d'elle celui qui a été incapable de lui donner la vie.

 

 

    La poursuite qui s'entame sur la plage est filmée en accéléré, étrange choix qui ne privilégie aucunement le suspens qu'on attendrait à ce moment de l'intrigue. Laurent Boutonnat a très probablement choisi de construire son film sur une vision baroque du cinéma, qui ne tiendrait pas du tout au rythme du film. La scène à peine lancée, il là stoppe par un accéléré, comme ce spectacle de marionnette qui commençait au début du film et dont Laurent Boutonnat nous privait en nous focalisant sur le sort du marionnettiste. Les ralentis alternent avec les accélérés sans aucune transition, tout comme le plan du ciel au dessus de la plage où on voit les nuages défiler à une vitesse irréelle (encore un accéléré qui porte l'accent sur le temps qui passe). Le montage lie les zooms avant conjointement aux zooms arrières (lorsque le marionnettiste s'approche des deux filles, son attention se porte sur Mylène -zoom avant- et fait totalement abstraction de la fée -zoom arrière- qu'il ignore à présent). Le seul rythme régulier est celui de la chanson (seule élément conducteur du film avec le marionnettiste). 

Zoom avant sur Mylène Farmer    Zoom arrière sur Zouc

 

     Les cassures de rythme à l'image résument bien ce qu'est Sans Contrefacon, on ne peut se fier à rien dans ce film ni à personne, pas même à l'ennonciateur. La fée, à priori bienfaitrice, retire égoïstement la vie après l'avoir donnée "généreusement". Le morceau de violon à la fin du film brouille toute la musique sophistiquée entendue jusqu'à présent, en brouillant tout le champ sonore, en se laissant recouvrir par les fameux "hurlements de baleine" dont le réalisateur se servait entre 1987 et 1989. Le sens du rythme si présent dans Giorgino ne trouve pas ses bases dans un film comme celui là, qui semble, lui, fait d'un seul jet, qui semble avoir été réalisé dans la précipitation, comme pour se débarrasser hâtivement des ses phantasmes adolescents insupportables. Les plans montrés semblent être les seuls importants, chacun d'eux a une importance dans la diégèse. Rien n'est superflu (contrairement à Giorgino qui joue essentiellement sur la contemplation). La pellicule totalement décontrastée laisse se mêler les tons dans une sorte de sépia raté, vieilli et indigeste. Ce film est brouillé, sale : Le marionnettiste a besoin de mettre en catastrophe ses lunettes pour pouvoir apercevoir la plage, les forains poussent cette roulotte sur la plage comme le Christ charriait sa croix, le jeu des acteurs est expressionniste, le temps est indéfinissable et personne n'y aime personne. Sans Contrefaçon est un cri; sans aucun sens, juste pour expulser des envies de cinéma enfouies depuis l'année 1978, et qui ne demandaient qu'à sortir, pour s'étaler sur l'écran comme une traînée de boue.

La répétition de structure de plan, très fréquente chez Hitchcock ou Einsenstein, sert ici de lien affectif animé/inanimé.

 

 

      Le marionnettiste rattrape tout de même sa marionnette au bout de la plage à marée basse. Elle sera tombée en voulant fuire, se recouvrant le visage de sable. Le marionnettiste lui essuiera le visage de la même façon qu'il l'avait nettoyé quand elle avait été jetée par les tenanciers travestis, et de surcroît dans le même type de plan. On peu d'ailleurs rapproché cette scène de fuite de beaucoup d'autre mettant en scène Mylène Farmer : au début de Tristana (poursuivie par Rasoukine) et surtout lorsqu'elle est  poursuivie par Giogio dans Giorgino, en tombant elle verra son visage recouvert de neige. La poursuite se terminera d'ailleurs de a même façon. La marionnette devenue humaine tombe à présent amoureuse de son créateur, il a été certes incapable de lui donner la vie mais les sentiments d'amour qu'ils se procurent l'un à l'autre vont au delà des simples jeux d'enfants de la fée. Le marionnettiste l'embrasse, officialisant pour la première fois tous les sentiment qu'il éprouvait pour elle. Client du système de l'inversion cinématographique (dont il usera encore bien plus dans Giorgino 7 ans plus tard), Laurent Boutonnat, qui avait mis un peu d'humanité dans la marionnette lorsqu'elle était encore de cire, met un peu d'immobilisme dans le personnage lorsqu'il est vivant : Quand le marionnettiste la prend dans ses bras, un plan de coupe est fait sur les pieds de la fille qui ne touche plus le sol (car elle est plus petite que lui). Or, ce sont les pieds de la poupée qui se lèvent et non les siens. Ils restent d'ailleurs raides et à la perpendiculaire des jambes. La marionnette devenue humaine à moitié est inerte des jambes, peut-être depuis sa chute sur la plage qui l'a fragilisée...

(image re-contrastée)

    C'est alors ici que le sujet de différenciation et d'incertitude quand à l'identité sexuelle évoquée dans le texte de la chanson trouve sa réponse. Contrairement à ce qu'affirme Mylène Farmer au début de la chanson par une voix très enfantine (donc il est quasiment impossible de faire la différence des genre par la texture vocale), elle n'est "pas un garçon". En franchissant le seuil de pantin en femme (et le seuil de la vie), elle n'a pu trouvé l'amour qu'avec un homme (le marionnettiste et accessoirement son père). La liaison et l'affection qui la liait à la fée (qui est un peu sa mère depuis qu'elle lui a donné vie) n'avait de base que le jeu et non le passionnel. Mais puisque Mylène affirme haut et fort dans sa chanson qu'elle est un garçon, on serait alors en vérité plus proche d'une certaine forme d'homosexualité (réciproque puisque le marionnettiste s'éprend lui aussi du petit garçon marionnette).  Mais vu que l'homosexualité ne prend qu'une forme rarissime dans le cinéma de Boutonnat (la petite fille amoureuse de l'infirmière de Maman à tort, puis le baiser entre Giorgino et le docteur Degrâce) on est peut-être tout simplement devant une enfant, ou plutôt un enfant (né(e) il n'y a pas très longtemps d'un "coup de baguette magique" de la fée) qui passe son complexe d'Oedipe en tombant amoureux de son père. Et selon Sigmund Freud ( qui n'avait travaillé sa psychanalyse que dans la perspective des garçons), l'enfant doit (symboliquement) coucher avec sa mère et tuer son père pour bien passer son oedipe. Comme Mylène est une fille, on se rend compte que tout peut être inversé et qu'en s'énamourant de son père, elle tuera sa mère de sa trahison, en la laissant seule dans le vent, loin de l'amour qu'elle porte désormais à son père. Et comme tout est désormais inversé, la mère est désormais trop puissante et est dotée du pouvoir d'ôter la vie à celle à qui elle l'a donné... sa fille. La fée est comme la vie ici, elle a tout donner... tout repris.

Laurent Boutonnat, qui avait déjà écrit une premiere version du scénario de Giorgino, a intégré le titre à son décor, sans pour autant le retenir à l'image dans le montage final.

 

     La mort de la mère est alors inéluctable et au lieu de la faire se noyer dans l'océan comme dans la Ballade de la Féconductrice (ce qui n'aurait pas été pratique avec Zouc...), Laurent Boutonnat préfère la faire disparaître symboliquement en opérant sur elle un long zoom combiné avec un fondu enchaîné, pendant qu'elle regarde la marionnette vivante se faire embrasser par le marionnettiste. Grand sens de la composition plastique de Laurent Boutonnat qui ne centre rien, positionnant Zouc dans l'exact ligne d'Or gauche de l'image... des images dont on ne peut pas se lasser.

 

 

    On peut retrouver d'ailleurs un grand rapport ambigu à l'homosexualité dans une des scènes supprimées de Giorgino. Dans cette séquence (qui se situe lorsque Giorgio parle pour la première fois avec le Pr. Beaumont à l'asile de Ste Lucie lors de ses recherches sur le Dr. Degrâce), il prend une silhouette voilée de noir pour Catherine Degrâce, avant qu'un infirmier ne lui précise qu'il s'agit là d'un  homme ! En baissant les yeux Giorgio s'aperçoit alors que les jambes de celui qu'il avait pris pour une femme sont musclés et poilus ! Rapport évident, tout d'abord à la chanson Sans Contrefaçon qui, comme dans l'ouverture de Libertine II, établit une espèce de parallélle à l'androgynie et l'ambiguïté sexuelle du texte. Puis, après que la femme et ses infirmiers aient dépassés Giorgio, celui-ci se retournera par deux fois alors que l'homme efféminé voilé se retourne aussi et lui "envoie des baisers du bout des doigts" (source : le scénario original de Giorgino)

 
    La fée n'est plus. Comme nous l'indique le fondu enchaîné, le temps a passé, la marionnette s'est endormie dans les bras du seul homme de sa vie. Le triste cirque, lui a lui aussi regagné les rivages pour poursuivre la route, alors que le soleil se couche. Laurent Boutonnat a vraiment le don d'imposer une atmosphère au cinéma et on le remarque ici encore par la manière dont il filme l'éloignement de la troupe de cirque avec les roulottes. Tout d'abord un plan où la caméra s'élève du sol nous montre le plan d'ensemble des roulottes partant sur la plage à marée basse, un tunnel de brouillard traversant l'image de droite à gauche pour  rejoindre la mère (le plan cinématographiquement inverse à celui expliqué plus haut où le marionnettiste arrivait à proximité du campement sur le plateau surplombant le littoral, l'histoire est théoriquement finie). Les plans suivants montés en faux raccords sont en contre jour, nous dévoilant d'abord les clowns transits de froid poussant leur roulotte, le vent dans les yeux, puis, un autre personnage (le vieux magicien) poussant de son côté avec le vent dans le dos ! Cela  donne l'impression que les deux hommes tirent dans des directions opposées, qu'ils n'avancent pas. Le marionnettiste, lui, les laisse partir sans un regard, préférant porter son attention sur l'horizon qui a endormi sa marionnette. Le ciel est vide, et les couleurs utilisées très sombres. Fin inexplicable d'un conte impossible. Un très long plan, probablement le plus long du film (tranchant avec les plans précédents, brefs) nous donne à voir la roulotte s'éloignant sur la plage avec la faible lueur d'une lanterne qui se reflète sur le sable humide, dans un léger mouvement de panoramique ouest-est. Vingt mètres derrière, une large silhouette laisse deviner la fée qui part, tirant derrière elle le cul-de-jatte. Deux "exclus"du cirque. C'étaient eux qui n'avaient pas pris part à la monstrueuse parade de la marionnette lancée de bras en bras. Ils sont derrière.

    Comme le font souvent remarquer les auteurs de sites sur Mylène FARMER, couper ses clips avant la fin n'a pas de sens. En effet, si on  ampute Désenchantée ou Tristana de leur dernière scène, le film perd alors une énorme partie de son intérêt. Et bien Sans Contrefaçon obéit à cette logique, sa dernière séquence donnant tout son sens à l'histoire racontée jusque là. Le marionnettiste se lève et, comme s'il s'inquiétait de la froideur et de la raideur du corps de sa bien aimée, l'éloigne un peu de son corps pour s'assurer de sa bonne santé. La femme dont il était devenu amoureux est redevenu le pantin de cire androgyne qu'il avait créé. Glacé d'effroi, le marionnettiste se retourne pour crier au cirque qui est maintenant loin de tout son désespoir. C'est en cela que le travelling vertical sur la plage nous laissant croire que le film est terminé est trompeur. L'histoire de Pinocchio pourrait en effet bien se terminer comme cela (voir la page sur la théorie de l'adaptation), le reste est bonus tragique, qui scelle définitivement cette histoire fantasmatique dans l'imaginaire et la grammaire cinématographique de Laurent Boutonnat.

    On dit souvent que Laurent Boutonnat réalisait les clips pour Mylène Farmer  sans se soucier des paroles qu'elle avait posé sur sa musique. Il n'interpréterait les paroles que très superficiellement. Même si le réalisateur, a sûrement, c'est vrai, des scénarii dans la tête dont il veut accoucher, il mêle tout de même ses histoires aux thèmes troubles des textes de Mylène Farmer. Dans Sans Contrefaçon par exemple, difficile de trouver à priori des points de convergence... Or si on relit le texte de la chanson en gardant à l'esprit la perspective du film, on se rend compte que "Sans Contrefaçon" (le nom de la marionnette dans le clip) pourrait être celui qui parle dans la chanson... On pourrait alors prendre la phrase "sans contrefaçon, je suis un garçon" comme une présentation, et la phrase du début de la chanson "Dis maman... pourquoi je suis pas un garçon ?" comme le rôle que la marionnette tient à la scène (elle prononce d'ailleurs cette phrase durant son spectacle, sous les projecteurs), ce qui expliquerait qu'elle se transforme en fille et non en homme, et ce qui lèverait toute ambiguïté quand à son sexe. On peut également prendre l'idée de contrefaçon comme cette jeune fille à la vie trop éphémère, contrefaçon de la marionnette chère au marionnettiste qui ne l'aurait jamais abandonnée (on peut voir également l'inverse, comme la marionnette étant la contrefaçon de la jeune fille). On remarque aussi bien évidemment le terme Caméléon qui lui seul justifierait la pourtant mystérieuse métamorphose de la marionnette de chiffons en fille. On pourrait également établir une multitude de parallèles entre les distinctions être animé/inanimé, garçon/fille...

 
 

    Tout le monde a tout perdu dans cette histoire. La vie, l'amour, la joie, les jeux d'enfants. La fée qui avait donné la vie à cette marionnette la reprise en repartant, à la fois chassée de sa troupe de cirque et de sa création. Zouc est partie, emportant le mystère de la vie et de la mort de sa marionnette avec elle. Le triste marionnettiste n'a plus qu'à rester sur la plage, sur laquelle la nuit est tombée en recouvrant les épaules de bois de son pantin en espérant sans réellement y croire, qu'il reprenne vie de lui même. Rien de tout cela ne serait arrivé si le spectacle avait continué normalement, si les travestis, contrefaçons de femmes n'avaient pas sali la pureté enfantine de ce couple a demi humain. "Tout seul dans mon placard, les yeux cernés de noir, à l'abri des regards je défie le hasard" peut être lu comme la protection que constituait la scène pour nos héros, c'est lorsqu'ils ont été en proie aux regards des autres (et de la troupe de cirque en particulier) que leur destin bascule. Émotionnellement et cinématographiquement, nous pourrons nous risquer à voir ici le meilleur court-métrage de Laurent Boutonnat.

 

Dr. Jodel.

 

Entrée Le contexte Le clip Zouc Le conte Pinocchio