Qui a provoqué cette nouvelle naissance dans ta carrière ?
Annie, une jeune femme qui m'a regardée vivre pendant deux ans, m'admirait comme comédienne et trouvait incroyable que je ne travaille pas. Elle m'a dit : "J'ai connu Laurent Boutonnat, je vais aller le voir." C'était une époque où j'étais dans le désespoir total et ça a été une rencontre des plus magiques. Mais j'ai pris peur, car c'est quelqu'un d'important dans le show-business.
A cause de Giorgino et de tous les clips qu'il a réalisés pour M. Farmer ?
Il est cinéaste avant tout. Là, il cherchait une interprète sachant chanter en espagnol. Il m'a proposé Hasta Siempre car je suis d'origine espagnole par ma mère et sicilienne par mon père. Au départ, Hasta Siempre, c'est une complainte, c'est très doux, et on en a fait un hymne.
Boutonnat a-t-il réalisé tous les arrangements ?
Oui, et il a produit le disque. C'est un très bon guide. Là, on prépare un deuxième single et un album.
Qui va écrire ces nouvelles
chansons ? Ce seront encore des reprises ?
Non, car j'écris et je compose. La musique sera un mélange de nos écritures. Dans le même esprit que Hasta Siempre mais je veux garder mes messages, parce que la chanson a l'avantage par rapport au cinéma de pouvoir exprimer ses propres sensations avec ses mots à soi. Pas celles de personnages.
Laurent Boutonnat n'a-t-il pas cherché à travers toi une nouvelle interprète pour remplacer Mylène Farmer ?
Je ne pense pas. Le projet de Hasta Siempre existait déjà depuis quelque temps. Quelqu'un l'avait proposé à Laurent qui était parti en week-end avec. Il a tâtonné, et je suis arrivée quand ce fut prêt. Cela s'est fait très vite et très humainement, sans calcul ni de sa part ni de la mienne.
As-tu rencontré Mylène ?
Je n'ai pas eu cette chance. D'abord, elle n'habite pas ici, et puis son histoire avec Laurent ne me regarde pas.
Sa longue collaboration avec Mylène te permettait-elle de lui faire plus facilement confiance ?
Non, pas vraiment, car il y avait le danger de refaire du déjà-entendu.
Appréciais-tu l'univers noir, mystique qu'il avait créé pour elle ?
Oui ! On dit d'Hasta Siempre que c'est son clip le plus humain. C'est vrai que là, il y a la maternité qui entre en jeu, la révolution au service de la vie. Cette idée me correspond bien. Les femmes prennent chacune un chemin différent pour arriver au même endroit : la paix, avec l'idée que l'accouchement contribue à la perpétuité de la race humaine. Aujourd'hui, Laurent a défini sa vision, il reste à déterminer mon univers. Je suis quelqu'un de charnel, je travaille sur d'autres cordes que Mylène. Disons qu'elle est bergmanienne et moi fellinienne.
Le tournage du clip a eu lieu à Cuba et a été annoncé comme "le nouveau Boutonnat" avec une page de pub dans Libération.
L'accueil a été merveilleux, mais je ne suis restée là-bas que cinq jours. Vu le temps que prend un tournage, je n'ai pas vraiment eu 'occasion de découvrir le pays... Les Cubains sont des gens entiers : très méfiants au départ, mais quand ils t'adoptent, cela devient incroyable. J'ai croisé des femmes merveilleuses aussi, surtout une, Luppe, qui criait dans un hygiaphone : "Nathalie est le cœur du Che".
Boutonnat s'adapte-t-il ?
C' est un accoucheur de personnalités. Il voit très bien ce que tu veux dire : il t'aide, te donne des occasions. Cet accompagnement demande une écoute incroyable. Il filmait quand je ne le savais pas et, quand tu te lâches, quand tu crois qu'il ne tourne plus, c'est là que ça l'intéresse. Il te vole les images ! Je n'avais jamais été aussi bien filmée. Car un bon film ne tient pas qu'au jeu des acteurs, mais bel et bien au travail du réalisateur. Je ne me suis pas rendu compte sur le moment de ce que mon jeu allait rendre. Je croyais que Laurent était passé à côté de moi, qu'il ne voyait pas qui j'étais. En fait, en regardant le résultat, j'ai été extasiée.
C'est quand même travaillé, au niveau de l'image...
Je ne trouve pas que ça soit esthétisant. C'est stylisé mais sans être une séance de pose pour mannequin. J'avais été habituée à être déçue, mais après avoir visionné la vidéo, j'ai quitté le bureau en pleurant... de joie.
On dit que Boutonnat est
quelqu'un de très mystérieux...
C'est quelqu'un qui ne se dévoile jamais, mais quand tu vois le résultat de son travail, tu te demandes toujours comment il en est arrivé là. Il m'apparaît comme une sorte de magicien qui fait semblant de ne pas savoir.
Est-ce facile de travailler comme ça ?
Maintenant, ce sera plus facile : je vais réapprendre à faire confiance. J'ai tellementété blessée et trahie dans le passé...
Signer chez Columbia avec un
producteur qui s'appelle Laurent Boutonnat, ça doit aider ?
Laurent a géré la signature. Je bénéficie d'un prestige qui n'est pas le mien. A moi, de l'honorer et de prouver que c'est un bon choix. Ce succès, j'ai l'impression de le mériter et pourtant je m'attends à tout moment à en recevoir le contre-coup.
On célèbre l'anniversaire de la mort du Che, ce n'est pas étranger au choix de la chanson. Qu'est ce que cela représente pour toi ?
Je n'allais pas chanter cette chanson sans m'intéresser au Che. J'ai appris des tas de choses surtout sur les derniers moments de sa vie. Il a perdu sa mère très tôt parce qu'un jour, elle est allé se baigner, alors qu'il était encore bébé, et il attendait sur la plage. Elle est restée trop longtemps dans l'eau... Cette angoisse du départ de l'autre lui est restée. Le Che, pour moi, c'est combattre cette angoisse première de la perte de la mère par des sensations fortes. A la fin de sa vie, dans une petite école, une maîtresse lui a apporté de la soupe. Quand tu regardes son corps, photographié après sa mort, il a un ventre rond, parce qu'il n'a pas eu le temps de digérer. Et la tête qu'il a ! Il n'en revient pas. On dit en espagnol que de l'assiette à la bouche, il y a un long chemin, et que tu peux mourir avant d'avoir mangé la cuillerée...
Platine n°46 - décembre 1997.
Pouvez-vous raconter l'historique de la chanson Hasta Siempre ?
Nathalie Cardone : La magie de la vie, puisque j'étais à une terrasse de café, et une amie de Laurent Boutonnat m'a présenté ce producteur, qui était né le même jour que Che Guevara, et tout s'est fait très vite.
On dirait que ça raconte une histoire...
Cela se déroule dans une école qui ressemble étrangement à celle de La higuera... Par la magie des tecniques, le Che est là, agonisant. Elle repart de cet endroit, un bébé au sein et une mitraillette dans le dos. Les hommes détournent le regard... La peur a toujours permis aux pouvoirs de maintenir l'homme dans l'ignorance et l'obéissance : un homme malheureux, on en fait ce qu'on veut. Alors, les hommes ne la suivent pas, seules les femmes se lèvent, la rejoignent et se retrouvent, au final, pour danser une 'santeria'. Elle en ressort triomphante.
Comment se fait-il qu'on ne vous ai pas revue très vite après un succès tel que Hasta Siempre ?
Nathalie Cardone : Parce que mon album a mis du temps à sortir, et que le public n'a pas su qu'il était sorti. Il y a un loup là-dedans, je le trouverai un jour. (la sortie tardive de l'album sera en partie la cause de son relatif insuccès ndla)
Allez vous faire une version de Hasta Siempre en français ?
Nathalie Cardone : Ce serait dommage...
L'album international est il disponible à la vente?
Nathalie Cardone : Il est assez dur à trouver, je le conçois, mais tu peux le trouver chez le disquaire des Abbesses, à Paris XVIIIème (le magasin ABCD).
Avez-vous gardé des contacts avec Laurent Boutonnat ?
Nathalie Cardone : Oui. (Laurent Boutonnat et Nathalie Cardone ont rompu tout contact depuis le printemps 2002 ndla)
Quand on parle de Laurent Boutonnat, on pense évidemment à Mylène Farmer. Que pensez-vous de cette artiste ?
Nathalie Cardone : J'aime beaucoup l'artiste, mais je me sens différente, et en même temps assez proche.
Allez-vous retravailler avec Laurent Boutonnat pour votre second album
?
Nathalie Cardone : Peut-être. (Laurent Boutonnat et Nathalie Cardone avaient déjà cessé leur collaboration d'un commun accord avant que ne fut faite cette interview ndla)
Laurent Boutonnat travaille encore pour toi ou il ne s'intéresse plus qu' aux lolitas têtes à claques ?
Nathalie Cardone : Ne sois pas méchant comme ça. ;-)) Il va mûrir ! LOL (sic)
Nathalie, préférez-vous chanter en français, en espagnol ou en anglais ?
Nathalie Cardone : Je préfère chanter en anglais. J'adore chanter en français,et j'exulte lorsque je chante en espagnol !
Avez vous ressenti un besoin de vous retirer du star system à un
moment ?
Nathalie Cardone : Que suis-je en train de faire en ce moment, à ton avis ?
Nathalie Cardone n'a sorti aucun disque et n'a joué dans aucun film depuis cette interview.