Concentré d'émotions du concert, un flash-back avec un recul nostalgique sur un premier spectacle

    Plus grandir Live sort 10 mois après Allan Live, afin de promouvoir la sortie du film en septembre 1990, presque un an après la fin de la tournée. Passée quasiment inaperçue en 1985, On peut imaginer que Mylène Farmer ai voulu donner une seconde chance à cette chanson, la première dont elle a écrit les paroles.

 

 

    Le pari du clip était de résumer un contenu aussi intense et complet que celui de Mylène Farmer en concert en un clip de 5mn. Plus grandir Live, tout comme Allan, ne figure pas sur le live, sûrement par soucis commercial, les clips étant exploités indépendamment des autres chansons, et vendus sur une cassette vidéo (les clips III) où figuraient aussi les clips Sans Logique et A quoi je sers. Pour servir de promotion au long métrage, Laurent Boutonnat décide de transmettre l'univers complexe de son concert par un des extraits : Plus Grandir Live. Mais comment faire passer l'ambiance, le morbide, le gigantisme, la tristesse aussi du film sans en dévoiler les extraits sonores ?...

 

 

    Laurent Boutonnat prend le parti-pris de mettre dans un bout à bout les moments forts du film selon un sens du montage qu'on lui reconnaît malgré la banalité de la méthode. Tout commence par la signature des clips extraits du live : le ciel enfumé, sur lequel se découpe la silhouette du moine capucin marchant dans l'herbe qui crisse sous ses pas. En contre-plongée, l'immense grille du cimetière vers laquelle il se dirige s'offre aux spectateurs. Dans un lapse de temps assez restreint, les grilles s'ouvrent Mylène apparaît et descend les marches de son funèbre décors. On peut voir pendant l'introduction de la chanson l'ingénieur du son mixer les sons de ce début de chanson, qui peut être aussi lu comme l'entrée en matière dans un univers dont le spectateur ne ressortira pas indemne. Les grincements des grilles se mélangent aux chants grégoriens, aux percutions et à l'introduction de la chanson originale Plus Grandir. Lors des couplets, les images sont celles de Mylène chantant, accompagnée ou non de ses danseurs. Ces moments  ont pour effet de monter une certaine tension que soutient le phrasé de Mylène Farmer dans ses plaintes. Ces instants trouvent leur réponse pour les refrains, où les moments forts du concert se succèdent à un rythme qui s'accélère. C'est ici qu'on se rend compte de la somme de moyens et  d'imagination qui a été nécessaire à la conception du spectacle : la scène s'enflammant sous les prières du moine capucin, les coups de feu du duel entre Libertine et sa rivale, Mylène riant et encourageant le public à chanter avec elle, les feux d'artifice qui se déclenchent.

 

 

     La fin du clip, quant à elle, est toute autre. Le rythme de la chanson étant assez rapide et gai, en dépit de son texte, il était difficile jusque là d'inclure les passages les plus forts, ceux appartenant à la dernière chanson du film : Je voudrais tant que tu comprennes. Plus grandir baisse alors d'intensité, la voix de Mylène Farmer se pare alors de réverbérations qui la rendent inaudible.  L'image disparaît peu à peu au profit de celle sans couleur, en gros plan, de Mylène effondrée à la fin de son concert,  en sanglot devant son public qu'elle va quitter. Laurent Boutonnat place ici des nappes  de son graves d'une tristesse profonde dont il a le secret. On a l'impression de toucher ici à la véritable quintessence du concert, une véritable émotion non prévue, cohérente au reste car tournant autour du même personnage complexe et charismatique. La chanson Plus Grandir Live continue en restant couverte, jusqu'à ce que la Mylène joyeuse réapparaisse enfin, pour terminer la chanson et dire un dernier "Bonsoir" à son public. Le clip se termine par un fondu au noir sur un plan s'éloignant rapidement de la scène, puis s'en rapprochant très lentement. On sort en effet de cet univers, pour y retourner très bientôt, lorsque le film intégral sera à disposition du public. Dans la version éditée en cassette vidéo au début 1990, suit le clip une promotion muette montrant simplement l'affiche du film En Concert au dessous de laquelle apparaît : "Sortie Nationale : Septembre 1990". Non dénué de sens, Plus Grandir Live reste quand même l'outil principal de promotion dont a usé Laurent Boutonnat pour la sortie de son film quelques mois plus tard...

 

    Le clip de Plus Grandir Live peut être lu comme la réponse à cette chanson écrite par la chanteuse cinq ans auparavant, en 1985, alors qu'elle était encore  dans un anonymat certain. Malgré ces demandes, Mylène Farmer a bel et bien grandi, elle est devenue une star, et c'est le seul clip qui le montre. Cet effet rétrospectif sur le début de sa carrière la rend attendrissante, car erronée.  Une deuxième lecture plus cohérente avec cette étape de sa carrière peut être faite : Mylène Farmer et Laurent Boutonnat ne voudraient plus grandir, au le sens figuré. Arrivés au sommet d'une oeuvre, on ne peut plus maintenant que décroître, ayant créé une oeuvre déjà complète et diverse. Le duo se trouve dans la position où il faut tout arrêter pour tout reconstruire, ou le redondance les guetterait inéluctablement. Plus Grandir n'est donc pas un choix, mais une contrainte pour eux. Cette hypothèse est vérifiée dans le sens où le Mylène Farmer en concert et A quoi je sers signent la fin de leur première carrière commune, autant dans le sens  artistique que symbolique, ainsi que sur le plan de l'écriture. Rappelons que dans le long métrage et Allan, le décor et les spectateur brûlent sous le regard sans pitié de la chanteuse, que le final est un adieu, que A quoi je sers met en scène leur suicide artistique, et que le dernier réel clip en date, Sans Logique, est le seul à se terminer par le mot "FIN".

    Fin d'une première carrière pour deux artistes qui ne veulent plus grandir, pour ne pas mourir de n'être plus achetés, pour ne pas souffrir de n'être plus aimés... si ça avait continué.

 

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