"Grandir Toujours Plus" par Christophe Lemaire

 

Paru dans le magazine STARFIX en avril 1986, deux mois avant la sortie sur les écrans de Libertine, le journaliste Christophe LEMAIRE craque sur le clip de Plus Grandir et part questionner Laurent Boutonnat qui donne ici sa première interview.

    Plus grandir est la dernière chanson de Mylène Farmer(souvenez-vous de Maman à tort, ce  tube troublant d'une petite fille qui rejetait sa mère au profit de son infirmière). Mais Plus grandir est aussi un clip. Un clip dérangeant, fascinant, avec une trame, une atmosphère, un début et une fin. Si rare de nos jours : "Pour moi le clip est un moyen de raconter une histoire". Celui qui cause c'est Laurent Boutonnat, un vieux pro de 24 berges, dans le cinoche et la musique depuis l'age de dix ans. A 16 ans (il en avait 17 NDLR) et en seize millimètres, il réalise son premier long, La Ballade de la féconductrice. (...) Ensuite, Boutonnat, a, comme on dit, roulé sa bosse : assistant à la TV ou sur les cours des copains. Le grand tournant est arrivé grâce à sa rencontre avec Mylène Farmer. Après la succès de Maman à tort, il écrit le script de Plus Grandir, puis l'a fait story-boardé : "Je n'aime pas les story-boards, je préfère le découpage technique. Celui-ci m'a servi à décrocher les capitaux chez Polygram/Polydor. J'avais des facilités à négocier car j'étais producteur de Mylène et que l'on venait de signer chez Polygram pour trois albums. C'est une sorte de co-production, il y a une partie qu'on me donne et l'autre qu'on m'enlève de mes royalties. Finalement j'ai fait le clip pour 330 000 francs, ce qui est un petit budget"

    Une jeune femme (Mylène) pousse un landau dans un cimetière automnal puis s'arrête devant sa propre pierre tombale. Un flash-back nous la montre dans l'aile d'un château en proie à ses propres fantasmes : "Fantasmes principalement religieux (j'ai été longuement en pension chez les jésuites) et liés surtout au monde de l'enfance. Tu sais, toutes ces petites choses qui, petit, te font peur. J'ai tenté de les retranscrire dans mon clip comme cette statuette phosphorescente de vierge qui s'anime ou les naines. En écoutant bien on s'aperçoit que le texte parle de la mort, de l'enfance et de la perte de la virginité. En même temps on peut bien sur extrapoler et en parler en termes différents". La preuve que Boutonnat a fait mouche et que son clip a terrifié les médias : "Bonsoir les clips n'en a pas voulu parce qu'il le trouvait trop morbide, ce qui est le comble vu son créneau horaire. Refusé dans les juke-box à clips. Une compagnie américaine, qui est en train de monter un long métrage avec une sélection des meilleurs clips de tous les pays, m'ont renvoyé la cassette en disant qu'ils l'adoraient mais qu'il ne fallait pas toucher à la religion."

 

    Le tournage s'est déroulé en cinq jours, un en extérieurs (au cimetière de St Denis) et quatre en intérieurs. "On a du tourner en studio car j'ai utilisé le scope et qu'il faut énormément de recul, le double par rapport au format normal. Les studios Sets, où nous avons tourné, sont principalement réservés à la pub. Ils nous ont permis d'utiliser leur matériel de décos : panneaux, cartons, etc... Pour faire le plan de la poupée dans l'eau, on s'est fait prêter une énorme bassine de 500kg avec un grand hublot qui s'est mise à fuir pendant le tournage. Tout ça pour trois secondes de projection". La photo, superbe, est de Jean-Pierre Sauvaire, un nom à retenir selon Boutonnat. "C'est un type très doué. Comme il vient de la pub, il est habitué à tout faire (noir & blanc, couleurs, effets  spéciaux, scope). Pour moi il est encore plus pro qu'un chef-op. de cinéma. Le résultat était tellement parfait qu'il n' a presque pas fallu d'étalonnage". Fort de cette réussite, Boutonnat espère bien monter d'ici la fin de l'année, un vieux projet de long métrage. Bonne chance kid !

Christophe Lemaire, STARFIX, avril 1986.

 

 

EXTRAITS DU STORY-BOARD DESSINE PAR MYLENE FARMER

 

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