Pourvu Qu'elles Soient Douces a intégralement été tourné au sud de la ville de Rambouillet (Yvelines), dans le parc régional de la Haute Vallée de Chevreuse, en bordure du bois de la Droue (appelé aussi "bois Saint-Benoît"). La séquence de la bagarre dans l'eau avec la rivale a été tournée au même endroit, dans une rivière nommée "La Drouette".
S'il est bien un film qui ai valu à Laurent
Boutonnat le qualificatif de "mégalo" que lui a attribué la presse, c'est bien Pourvu Qu'elles Soient Douces. Un clip de 18
mn, avec cinq jours de tournage
(nuit et jour), six cent figurants et un budget de 1,5 millions de francs (et
non 3 comme annoncés à l'époque) peut il être encore appelé un clip ? Au
delà des moyens mis en oeuvre, reconnaissons au réalisateur d'utiliser les
méthodes et le matériel d'une production cinématographique. Laurent Boutonnat
utilise de la pellicule 35 mm, couleur ou noir & blanc, il use des
travellings sur rail, des grues, des loumas et des steady-cam. Son cinéma est
identifiable, par son vocabulaire et encore plus par la grammaire qu'il applique
à l'agencement de ses plans. En ce sens, Libertine II est l'exemple type du
cinéma de Laurent Boutonnat qu'il faudrait montrer à
quelqu'un qui ne connaîtrait pas encore sa façon de le concevoir. PQSD obéit à une structure chère au cinéaste : on y retrouve l'héroïne, comme
toujours Mylène Farmer, moitié bourreau moitié victime,
on y retrouve aussi un contexte historique, daté ou non. La fin du film touche
souvent à l'onirisme (Tristana, Sans Contrefaçon). L'armée de terre a
mis a disposition de Laurent Boutonnat six cent hommes
pour jouer les troupes anglaises et françaises. Les costumes sont confectionnés
par l'équipe de Carinne Sarfati et les chevaux utiles aux
cascades proviennent de l'écurie de Mario Lurashi (auquel Boutonnat refera appel pour le cheval noir de Giorgino).
C'est d'ailleurs le célèbre dresseur qui tiens le rôle du lieutenant
français qui achète les ribaudes. Pour mener la troupe de prostituées, Sophie
Tellier est rappelée pour tenir le rôle qu'elle jouait
dans Libertine I.
Contrairement à Libertine I qui a été entièrement story-boardé, cet épisode à été lui conçu sur un découpage technique complet (méthode favorite de Laurent Boutonnat ). Voici les commentaires de la presse "jeune" de l'époque qui retracent le travail de Laurent Boutonnat.
Document : Invitation à la première de Pourvu qu'elles Soient douces sur les Champs-Elysées à Paris.
Sodomique de corps et d'esprit
Égérie
clipée, sculpturale,
allure rousse comme les interdits, Mylène la Farmer, sur laquelle on fantasme,
a réussi la galipette majuscule d'accéder au trône de la renommée sans
douleur... Révélation 1988, elle a supplanté ses consœurs, ne leur laissant
que le choix des larmes. Sulfureuse, diabolique, corrompue au champ du sexe, la
libertine qu'elle ose paraître, a récidivé dans le sens, d'un empire
des sens non recommandé par l'office catholique... "Sodomique de corps et
d'esprit...
Dans Pourvu Qu'elles Soient Douces, telle une chevalière sans honte et sans reproche, Mylène a posé sous toutes sas coutures, et via cette violence romanesque, digne des épopées d'antan, elle a flirté avec les fleurs du mâle... Androgyne, l'ambiguïté calquée à son "Moi-je", Farmer pourchasse les bonnes manières, fouette les tabous et coupe l'herbe sous le pied des lignes "bien pensantes". Iconoclaste et révoltée, l'âme entre deux désespoirs, Mylène joue dans ses clips celle qui n'est ni tout à fait elle, ni tout à fait une autre. Incandescente, irréelle et décadente.
Farmer chuchote les mots et montre les images. Laurent Boutonnat, son frère d'émotion vénère sa muse. Il lui fait chanter des notes d'auteur et lui taille des portraits à travers des clips cinématographiques. Mes chers frères prions pour elle : la pécheresse officielle de cette fin de siècle. N'est-il pas vrai qu'il y a du "Marie-madeleine" en elle, mais en doutiez-vous ? Après les mots, les photos tournées en forêt de Rambouillet avec décors et costumes... S'il vous plait... quel faste !
Graffiti, Décembre 1988. pp. 74-75.
Comme au cinéma
Voici cette semaine quelques images donc de ce nouveau clip illustrant la
chanson de Mylène : Pourvu Qu'elles Soient Douces. Oh, bien sûr cela ne
remplace pas une vision télévisée et pour cela je vous conseille d'en guetter
les passages sur votre petit écran. Mais au delà des images, au delà du film
nous avons demandé à Mylène de nous raconter un peu comment est né ce petit chef-d'œuvre.
Tout d'abord il faut préciser que celui-ci dure environ dix-sept minutes (c'est
plus long qu'un court-métrage et que tous les clips précédents de Mylène).
D'ici à l'imaginer dans un long métrage il n'y a qu'un pas qu'elle avoue avoir
drôlement envie de franchir :
"-Je ne vais pas vous cacher qu'on y pense, Laurent et moi et un jour, c'est sûr, on le ferra. Mais ça n'est pas encore tout à fait le moment. Pour l'instant toute mon énergie est tournée vers le 18 mai 1989, date à laquelle je ferais mes débuts sur la scène du Palais des Sports. Je ne me suis encore jamais produite en public donc l'enjeu est grand ! Il n'est pas question que je me disperse. D'ailleurs je n'en ai pas le temps car, dès maintenant, je me prépare moralement et physiquement à cette aventure. Toute proportion gardée, j'ai envie de dire que je me mets en condition avec autant de sérieux que Robert De Niro le fait pour tenir un rôle. Ca veut dire régime alimentaire : j'ai remplacé le coca (ma drogue avec la cigarette) par un entraînement physique. Ca n'est pas une mince affaire mais le défis est trop grand et trop important pour moi pour que je puisse me plaindre."
Cette interview que Mylène accorde est donc précieuse puisqu'elle a empiété sur son planning hyper chargé. Mais revenons au tournage de la vidéo : "-On s'est installé huit jours dans la forêt de Rambouillet car tout était tourné en extérieur. Huit jours, fin Août, au rythme de dix-huit heures par jour. Pas facile physiquement mais c'était tellement exaltant ! Je ma souviens d'une scène de bagarre en particulier qui se termine dans la boue. C'était en fin de journée, j'ai passé des heures trempée, épuisée. Mais lorsque j'ai vu le résultat à l'écran j'ai compris que ça en valait la peine." Si sur ces photos vous constatez une ressemblance avec celles qui illustrent Libertine : Pas de panique, il ne s'agit pas d'une erreur d'imprimerie mais au contraire d'une volonté délibérée de la part de Mylène et Laurent. "-Oui c'est vrai Pourvu qu'elles Soient Douces est la suite de Libertine. D'ailleurs sur l'affiche en sous-titre on a rajouté Libertine II, et le clip démarre par la dernière image de Libertine I. Ca nous a amusés de continuer à donner vie à ce personnage. L'histoire ? Je ne vais pas vous la raconter en détail, sachez simplement que cela se passe pendant la guerre de Sept Ans, trente ans avant la Révolution française, et c'est l'histoire d'un capitaine anglais qui va tomber amoureux de Libertine... Mais après une nuit d'amour, l'armée française va décimer le camp ennemi." Voilà pour la trame, le reste étant agrémenté de scènes de cascades à cheval et de bagarres.
"- Pour reconstituer ces armées on fait appel à 150 figurants (la production parlait à l'époque de 600 figurants NDLR) choisis dans l'armée française. Il y avait des soldats engagés et d'autres appelés, c'est à dire ceux qui effectuent leur service militaire. Et je peux vous dire qu'ils étaient ravis d'avoir une semaine de vacances, même si on leur a demandé beaucoup de travail. Avec Laurent, nous ne nous sommes pas lancés à la légère dans cette réalisation., on en a énormément discuté ensemble. On a pensé chaque plan en détail et on s'est même fait aider par un conseiller historique qui est resté sans cesse présent sur le plateau. Pour les costumes, il s'agissait aussi d'être dans le vrai, pas questions d'anachronismes ! Et justement à cause des costumes, quelques jours avant le premier tour de manivelle, on a failli tout annuler. Figurez-vous qu'à cause du bicentenaire de la Révolution en 1989, il y a au moins vingt films qui se tournent en ce moment sur ce sujet, et on a eu un mal inouï a trouver les habits de l'époque. La trouvaille de la moindre pair de bottines tenait du miracle !"
Mylène aurait-elle décidé de se faire le symbole de 1789 ? "-Absolument pas. D'ailleurs, quand on a commencé à penser à ce clip, l'idée que le bicentenaire était proche ne nous a pas effleurés. Ca tombe bien mais cela n'a pas été fait exprès." En tout cas, nous, fans, n'avons qu'à nous réjouir d'une telle coïncidence car ainsi on peut espérer que ce clip sera encore diffusé en 1989. Et le voir et le revoir ne sera jamais de trop car, on vous l'a dit, c'est vraiment un petit chef-d'œuvre.
Véronick Dokan, O.K. 3 octobre 1988.