L'Inédit 5

Septembre 1994. Après la projection de presse, Laurent BOUTONNAT, Jeff DAHLGREN avec l'aide d'un interprète et Mylène FARMER donnent les uns après les autres une interview au journal "L'Est Républicain".  L'entretien a lieu dans un restaurant. Un homme et une femme questionnent à tour de rôles pour la seconde fois du dîner Mylène Farmer sur le film.

Ce transcript a été fait avec la plus grande fidélité possible à partir des bandes sonores analogiques de l'enregistrement de l'interview. Cette interview en ligne depuis le 2 avril 2003 est une exclusivité; elle se rattache à la première partie de l'interview (donnée le même jour au même endroit à un confrère) mise en ligne en octobre 2001 disponible en cliquant ici.

J : Et votre rencontre avec Laurent Boutonnat ?

MF : C'est quelqu'un que j'ai tout de suite beaucoup aimé, avec lequel j'ai tout de suite eu beaucoup d'affinités. Donc ça a été un plus.

J: Par rapport à quoi ?

Mylène FARMER lors de sa première apparition dans le filmMF: Par rapport à un contact, à des tas de petites choses. Et ce film c'était la continuité logique d'un travail commun. Et surtout la volonté que de jouer.

J: Justement, de ce côté là vous avez vu beaucoup de changements sur le plateau ?

MF: Oui parce que sur un clip il n'y a pratiquement pas de répétitions, c'est à dire que le metteur en scène, Laurent donne ses indications et on tourne directement. Alors qu'au cinéma il y a des dialogues et plein de problèmes inhérents au tournage, donc en ce sens c'est différent, le ton est différent, le temps de répétition est différent, et puis il y a plus de personnages que dans mes clips. Maintenant vous dire que c'était un autre métier non, je ne l'ai pas appréhendé de cette façon là, il se trouve que c'est un film de trois heures.

J: Maintenant vous comptez donner rendez-vous à votre public sur scène ?

 
MF : Mon deuxième rendez-vous non. Je le referai sans doute une fois et j'aurais le sentiment que ce sera le dernier. Mais au jour d'aujourd'hui vous dire que je vais remonter sur scène inlassablement : jamais. Tout ça pour vous dire que c'est un moment rare et qu'il correspond réellement à une envie. En 1990 une fois que j'ai eu terminé tous les spectacles je me suis dit que je ne remonterai plus jamais sur scène. Et aujourd'hui je reviens sur mes souvenirs, mes impressions, et j'ai besoin d'un deuxième rendez-vous.

 

J: On peut dire que votre rôle dans Giorgino vous a renvoyé à votre propre enfance ?

    MF : Je ne peux pas répondre à votre question dans le sens où je n'ai pas de souvenirs de mon enfance. Ce n'est pas fabriqué, c'est plutôt quelque chose de triste, je ne dis pas que ça vient d'un passé violent, mais je ne m'en souviens pas.

J: A partir de quand êtes vous née ?

    MF: A partir du moment où j'ai pu regarder l'Autre, c'est ma vraie naissance.

J: Et donner à votre tour naissance à ce film c'est important

MF : Non non, là je dirai que le film appartient avant tout à Laurent. Avec lui on a voulu créer quelque chose et l'image, le cinéma, ça a été son mode d'expression. Je ne me présente pas pour ce film comme partenaire de Boutonnat, mais comme actrice. "J'exécute" ce qu'on me demande de faire. Je n'avais pour le film qu'une appréhension à la lecture du scénario, c'était "est-ce que le personnage va être accessible ou pas accessible". Et je l'ai accepté. Dans la même idée je me demandais comment allait rendre la scène de la réanimation, comment j'allais développer cette histoire d'amour, comment la faire renaître.

 

 

J: Alors vous ne vous êtes pas plus investi que ça dans le film ?

MF : Si, après le tournage je pense avoir été assez présente, le montage me passionne autant que l'étalonnage et que toutes ces choses qui sont très techniques. J'étais très souvent à ses côtés dans des moments difficiles, j'essayais d'aider, alors que le tournage ça n'a été qu'une histoire pour moi. 

J: Alors pourquoi cet excitation pour le cinéma ?

MF : C'est un problème moral. Il restait une schizophrénie autorisée au cinéma et qui l'est moins sur la scène, et elle est plus difficile à supporter au cinéma. Je dis autorisée parce que là c'est votre métier, vous pouvez y aller, faites-le vous êtes payée pour ça. Donc tout à coup on a plus la lourdeur de sa propre schizophrénie. Sur scène c'est différent, c'est "avec moi, avec moi, avec moi".

 

J: Pourtant le travail sur un film c'est un travail d'équipe aussi.

MF : Oui bien sûr c'est une équipe mais vous n'êtes pas portée par des musiciens. Les techniciens vous les aimez mais jamais je ne me suis sentie portée, ça a été plus pour moi un travail solitaire qu'un travail d'équipe.

J: Que vous direz-vous si le film ne marche pas du tout en salles ?

MF: Je me dirai qu'on a eu raison de faire ce qu'on a fait, d'aller jusqu'au bout. 

J: L'envie est passée par dessus tout ?

MF: (sèchement) Ce n'était pas une envie c'était un besoin.

 

J: Avec quel autre réalisateur aimeriez-vous tourner au cinéma ?

MF : Si vous voulez que je cite des noms euh... Polanski dans sa première période, Bergman, Jean-Jacques Annaud, Claude Berri.

J: A l'écran vous avez l'air très à l'aise finalement. Plus qu'ici même.

MF : Bah il eut peut-être été terrible que d'être mal à l'aise justement. Et cette retenue que j'ai depuis tout à l'heure à vous parler je crois qu'elle tient au personnage plus qu'à moi ! Je préférais dans le film les choses suggérées quand elles sont personnelles que criées. Que ce soit par exemple dans la folie, dans son côté très enfantin.

J: Alors pour illustrer cette folie vous avez puisé ces choses où ?

MF : Dans ma propre folie ! (rires)

J: (ironiquement) Oui c'est ça on dirait que c'est presque naturel, c'est ça être une bonne actrice.

MF : Alors ne me le souhaitez pas ! (rires)

Transcript : Jodel.
Merci à Anthony, et Flavien.

 

 

Le Monde le parcours Les Interviews Les Critiques Les Analyses Dossier de Censure

revenir au menu