Clip ou film? Les deux. Mylène FARMER inaugure le genre.
Si
le mot clip reste l'argument de production, l'idée d'un court-métrage aux
allures d'une super-production est la première idée lancée à l'équipe de
tournage. Après plusieurs orientations
sur le concept de la mise en scène,
parmi lesquelles une maman entourées de plusieurs mouflets se redécouvrant
une nouvelle âme lors d'une " journée particulière" ou de Jeanne
d'Arc revisitée par une imagerie que même Hollywood n'a pas rêvée... Nous
voici plongées dans une période de l'Histoire française que peu de films ont
osé explorer.
Si la régence le fut un peu plus, le Libertinage conservait toujours ce mélange d'alibi et d'histoire ! Un e véritable galerie de personnages: une héroïne, des duellistes, une rivale vengeresse, un marquis, des débauchés, une horde de paysans mercenaires et la superbe robe d'un cheval blanc....
Laurent Boutonnat a écrit ce script en remettant au goût du jour dans la
production française son plaisir d'enfant pour les grandes aventures... Avec
cavalcades héroïques, l'amour passionnel, la bagarre où l'amant
arrachera de la mort sa bien-aimée et enfin le grand duel final.
Il garde à l'esprit le sens du spectacle et le timing d'une chanson. Le film dévoile par touches de romantisme et d'érotisme, le personnage singulier de Mylène Fermer en Libertine. Il n'en allait pas moins que le projet avec un budget qui reste en deçà des sommes allouées habituellement par les firmes américaines...
Se retrouver sur un plateau avec des figurants n'empêche pas le marquis de
dévouer toute sa passion à la jeune Libertine... avec une naïveté et un
engouement dans le jeu qui n'a rien à envier aux grands héros du cinéma
romantique. Le casting exigeait des gueules inconnues et des silhouettes
caractéristiques vu la rapidité de l'action et la diversité des
décors. Une équipe d'assistants se chargea de cette lourde tâche,
écumant le Paris noctambule et allant même jusqu'à traîner dans les couloirs
du Rex pour avoir sur le plateau de véritables seconds rôles expressifs dans
un jeu muet: ce qui redouble la difficulté! La rivale est interprétée avec
une fougue et un sens inné de l'expression du visage.
Emmanuel Sorin, le décorateur, a établi
dans le gigantesque salon XVIIéme du château de Ferrières, un ensemble de
mobilier et d'accessoires qui tout en stylisant, donne la note particulière de
cette époque décadente. Des perruques, créées spécialement,
confèrent à tous ces figurants une nouvelle allure. Le grimage et le
maquillage outranciers, réalisés par Nicolas Degennes, achèvent
définitivement pour certains personnages le look libertin. Un véritable
patchwork de costumes d'époque participe à l'ambiance.
Mylène
Fermer et le marquis se délectaient
lors des prises de vues spéciales de la répétition des chutes à cheval sous
différents axes, que tournait Laurent Boutonnat pour n'avoir au montage qu'une
illusion parfaitement orchestrée, en hommage au grand maître de la cascade:
Sam Peckinpah. Le découpage a permis une fois de plus aux coordinateurs des
cascades de résoudre rapidement sur le plateau les astuces sans prendre de
risque! Un entraînement à la bagarre se poursuit avec une doublure de Mylène
que même les assistants confondent! Cet artifice, comme d'autres effets
spéciaux, sont réalisés par une équipe explosive de jeunes bricoleurs. A la
caméra le souci majeur est de réaliser des cadres en format scope dans ces
décors naturels. Gérard Simon, le chef-opérateur, a bénéficier d'une
couverture d'éclairage qui lui permet de réaliser une photo luxueuse, et riche
en couleur stylistique.
Rambo Kowalski incarne le duelliste au sort douloureux. Les fans reconnaîtront peut-être le violeur sadique de Plus Grandir : de là à songer à un règlement de comptes...
La préparation effectuée par Movie-Box a
très vite permis de mettre en place une équipe de près de cinquante
techniciens. Le tournage se déroule sur quatre jours, près de Paris. Le
découpage technique, entièrement story-boardé permet à Laurent
Boutonnat de
réaliser en un temps record les 180 plans du film. L'ambition de la
production s'est adjointe du parti de réaliser un film bien plus cher qu'il en
a réellement coûté... Et de prouver également qu'un clip
peut-être une histoire avec des personnages traversant des décors qui sont
tout autre chose que des plateaux de télévision vaguement décorés pour
l'occasion...
François Hanss, STARFIX n°39, août 1986 pp.80-81.
< En cliquant ici découvrez le parcours de François Hanss, avec et sans Laurent Boutonnat.