Voilà un album homogène. C'est sur, personne ne sera surpris par le ton de telle ou telle chanson. Après plusieurs écoutes on peut ressentir l'impression d'avoir écouté 11 fois les 2 mêmes chansons, ce qui ne n'arrive pas pour des albums comme Innamoramento ou même Gourmandises. D'autre part on peut ne pas reconnaître comme d'accoutumée les compositions de Laurent Boutonnat instinctivement dès les 2 premières notes.
En fait le tout manque singulièrement d'énergie (dans les mélodies et dans le phrasé, alors que les arrangements s'en sortent). On pouvait s'attendre à des gros tubes "bien bourrins" comme la chanson Gourmandises, mais à la place on a une espèce de divagation insipide sur les éternels thèmes de l'amour et de la solitude à la sauce What For, c'est à dire finalement assez plate et "pleine de bons sentiments". Se détachent la splendide musique de Tempête, la légèreté ludique de Toc De Mac qui amusera à coup sûr par son texte et sa mélodie entêtante encore dans un an, et dans une moindre mesure J'ai pas vingt ans, Hey! amigo!, et sûrement A contre-Courant qui promet de devenir un single-phare de l'album.
En ce qui concerne les paroles, à part A Contre-Courant et J'en ai marre, nous résumerons ça par "confus". Qu'à voulu faire Mylène Farmer ? De l'emphase ? Fragments incompréhensibles de phrases et abstraction narrative omniprésentes à l'appui, aucun univers ne se dégage vraiment de l'album, si ce n'est celui du 1er opus, par projection. Dans la majorité des chansons la poésie n'est plus au service du thème de celle-ci, mais au service d'elle même, ce qui peut donner l'impression en somme qu'Alizée chante la plupart du temps pour ne rien dire. Pourquoi par exemple ne pas être allé plus loin dans les parallèles avec le film de Jeunet ? (Amélie m'a dit) avec la vie de Napoléon ? (Tempête) Peut-être parce que Mes Courants Electriques se destine à un public différent de celui d' Innamormento, qui accepte mal le concept "d'album labyrinthe".
Si on s'attache à une chanson en particulier : L'e-mail a des ailes, on peut toutefois lire à travers les lignes un hommage à Laurent Boutonnat. Certes son nom est cité en jeu de mots au dernier vers du dernier couplet de la chanson "Son souffle qui m'entrouvre, qui déboutonna ma vie". (Des Boutonnat : ma vie)? Les rapprochements ne s'arrêtent pas là et on peut voir dans le premier vers du deuxième couplet la fonction de Boutonnat explicitement nommée : "L'au...teur, un coeur". Le "clavier" dont on parle au deuxième vers du troisième couplet est celui d'un ordinateur, c'est le thème de la chanson; mais il n'est pas difficile de penser au clavier de Laurent Boutonnat qui nappe tout l'album d'Alizée, et cette chanson en particulier, jusqu'à s'autoparodier (cf. le pont musical de la chanson).
En effet, un album bien "dans l'air du temps", à écouter, mais en faisant autre chose en même temps. Mylène et Laurent ont cherché pour Alizée un nouveau style, et l'ont (malheureusement ?) trouvé. Il plane tout au long de l'album une homogénéité suave qui fait que Mes Courants Electriques forme un tout, ou tout tourne autour du personnage d'Alizée, du moins de l'attraction qu'elle est sensée exercer sur nous. Pourtant, même si cet album a pour lui la cohérence, il lui manque cette touche Boutonnesque (et/ou Mylènienne au choix) et si attractive de morbidité noire, de mélancolie malsaine, qu'on retrouvera probablement dans le prochaine album de Mylène Farmer et dans son livre. Inabouti mais très rafraîchissant.
Jodel, le 2 avril 2003