Alizée en concert : Frais.
Très frais. En ce sens le concert d'Alizée
est à l'image, si ce n'est à la hauteur de ses albums avec une ambition très
honnête : ne pas en avoir. Pour sa première scène le 26 août 2003 à
l'Olympia, personne ne savait à quoi s'attendre : show intimiste ? spectacle
orienté jeunes enfants ? spectacle expérimental ? mini show à l'américaine ?
C'est cette dernière option que Alizée a choisi sans aucune prétention, multipliant les tenues de
scène, les décors, les accessoires, et les jeux de lumière. Mais l'élément
qui a fait de ce 26 août une soirée inoubliable est le public, maintes fois
remercié par la chanteuse, chauffé à blanc, qui n'est pas resté assis sur
son siège plus de dix minutes durant toute la durée du spectacle. L'Olympia
est vraiment une salle à part, quelque chose fonctionne ici à chaque fois. Le fait de
devoir (à priori) rester assis sur des
siège et de finalement s'en passer renforce indéniablement l'unité du public,
les adultes debout et les enfants debout mais sur les sièges, tout le monde à
égale hauteur en a pris plein la vue. Surtout pendant la première demi-heure
très dance du concert, avec L'Alizé, Hey Amigo, Toc De Mac, Gourmandises, et
surtout J'en ai marre, introduit pas une mélodie d'orgue de barbarie qui
laisse découvrir sur la scène un manège circulaire surmonté de poissons
géants. Le décor général, très "Hi-tech pour jeune fille"
occupait l'entièreté de la scène, débarrassée de ses parois, si bien qu'on imaginais
pas l'Olympia aussi grand. L'armature de l'immense chaussure à talon aiguille
(très utilisée) pivote régulièrement sur un plateau tournant au centre de la
scène tel le trophée d'un spectacle réussi, ou la superficialité ô combien
assumée de l'interprète (tenues extravagantes et flashy, chorégraphies
sucrées, "montrage" de culotte) met d'accord toutes les générations
présentes, le sourire jusqu'aux oreilles. Les enfants d'une dizaine d'années
dans la salle ont visiblement autant pris leur pied que les adultes, prenant le
concert à un autre degré de lecture.
Si ce spectacle s'apparente à un show grandiose adapté à une petite salle (convertissant avec habileté chacun de ses ingrédients), on peut y voir quelques trouvailles formelles comme les accessoires de chorégraphie que personne n'osait ré-utiliser depuis l'âge d'or des majorettes : Bâtons de dynamite allumés pour J.B.G, foulards multicolores pour Youpidou ! et supports de manège pour A Contre-Courant. On sera aussi reconnaissant à Alizée d'avoir évité le plus possible le recours au play-back, quitte à sacrifier certaines chorégraphies de refrain.
Côté musical, l'introduction (très Boutonnesque) du concert a fait monter la pression en une dizaine de secondes, les refrains claquent à la guitare électrique, et les arrangements très dance transforment à une rapidité folle la vieille Olympia en une "giga boum adolescente". Bien sûr les jeunes adultes présents étaient l'héritage d'une chanteuse rousse avec quelques années de plus, mais ce soir là il n'y avait qu'une reine, applaudie pour ce qu'elle est : une bonne interprète en devenir. Tout le monde aura pourtant vu Laurent Boutonnat sur une rampe avant que ne commence le concert en train de donner ses dernières indications, deviné Mylène Farmer cachée derrière la paroi du carré VIP.
Comment ne pas parler de la première
partie du concert, peut-être à moitié responsable de l'ambiance de feu de la
salle : One-T (le jeune DJ français qui veut "niquer la french Touch").
Le mystérieux rappeur n'est sans doute pas une pièce rapportée à la
dernière minute à un concert de 1h30 qui n'en avait pas besoin. C'est d'un
même jeu ludique avec son public à la Boutonnat que se livre le jeune DJ. On
ne le verra pas : seulement sa silhouette en train de mixer sur un écran blanc
obstruant la scène. Les quatre chansons s'enchaînent comme les clips les
illustrant sur l'écran, et lors du tube final The Magic Key, la scène
et l'écran jouent à un jeu de correspondances : les bruitages du clip se font
entendre, Nine-T (éblouissant danseur) envoie du pied un ballon de foot dans la
salle, immédiatement sanctionné sur l'écran par un carton rouge brandit par
le dessin animé de One-T. Un mini-show hip-hop très ludique donc, à double
saveur puisque les personnages animés des clips de One-T prennent vie sur la
scène en deux marionnettes dansantes à tête de mousse. Selon la formule
consacrée, un vrai divertissement pour petits et grands (dessins animés,
marionnettes, manèges, paroles et danses à double sens) qui hisse la soirée
d'Alizée à la médaille d'or du podium des prêts-à-consommer pour enfants.
Mais puisque toute médaille à son revers, comment expliquer qu'une pareille fraîcheur
fonctionne aussi bien, et même mieux que les ambiances des autres concerts conçus par
les mêmes auteurs ? Peut-être parce que, ce que Alizée s'est permise sur
scène, Mylène Farmer ne le peut plus, écrasée par un statut devenu lourd et
un personnage trop contraignant. Alizée, Laurent Boutonnat et Mylène Farmer
ont eu l'intelligence de pratiquement tout miser sur les chansons rythmées, en
ne parsemant que Lui ou toi, Tempête, l'inévitable Parler
tout bas et le mal placé Mon Maquis (l'ambiance retombe brutalement,
il faudra deux autres chansons pour que la surboum ne reprenne son souffle
effréné). Pas de réflexion, pas de symbolique, pas de larmes, la franchise
d'un tel postulat ne peut que jouer en faveur de la jeune chanteuse, alors bien
plus libre que sa pygmalionne. Bien sûr, Alizée était visiblement terrifiée
par son public pendant les trois ou quatre premières chansons. La fin du
concert, résonant comme une promesse de ne pas être jugée l'a rendue
épanouie, et dans son élément. C'est gagné, et ça promet pour les années à venir !
Dr.Jodel, 28 août 2003.