Qu'est-ce que vous préparez ici ?
Il y a une scène avec tout les figurants, avec Mylène et le petit môme qui est avec elle. C'est un raccord en fait sur ce petit monticule. Nous, nous sommes derrière avec la caméra et on va faire brûler des pneus pour avoir une grosse fumée noire pour être raccord avec l'usine d'hier où il y avait le feu. Ils sont sensés s'échapper de l'usine, et ils vont descende de cette petite colline pour courir dans cette immense plaine.
Ce sera le dernier plan du clip ça ?
C'est l'amorce des dernier plans en fait. C'est le premier
plan où ils s'échappent de cette "prison-usine" pour partir dans la
plaine. Et après on a plusieurs plans à faire de leurs visages qui courent...
Ca a été un bonheur pour vous d'avoir eu cent figurants ? Des jeunes
hongrois comme ça ? C'est pas trop difficile à gérer ?...
Non, il y a une équipe très solide qui tient bien tout ce monde là, et ils ont des têtes extraordinaires en plus. Il y a une chose qui est formidable ici, c'est qu'ils jouent bien. Ce n'est même pas jouer d'ailleurs, parce que ça leur plait de faire ça. C'est presque naturel.
Oui, c'est peut-être mieux que des comédiens.
Ah, c'est impossible des comédiens. Mais ils ont quelque chose de naturel; et en fait comme ils n'ont jamais fait ça de leur vie, ils ont une espèce de maladresse qui est formidable. Ca devient quelque chose qui donne l'impression qu'ils ont fait ça toute leur vie, que se sont de grands professionnels.
Vous avez voulu tourner ici, ça s'appelle la Puszta, c'est la plaine
hongroise...
Absolument, c'est à dire que la Hongrie est un pays plat, où il n'y a que des plaines. Et tout le centre de la Hongrie c'est ça : sur des centaines et des centaines de kilomètres avec : Rien. C'est très impressionnant. Surtout avec la neige, on a l'impression que le ciel et la terre se rejoignent et que...
C'est une fuite.
Il n'y a rien quoi. C'est le néant et... c'est beau.
Fréquenstar - Pour un clip avec toi - M6 - Février 1991.
C'est le cinquième jour de tournage, ça fait combien de
temps que vous êtes installée ici Mylène ?
Ca fait à peu près huit jour.
Il y a des conditions climatiques qui ne sont pas évidentes, je sais qu'il a fait très froid la semaine dernière...
Oui, beaucoup plus froid qu'aujourd'hui.
Et vous vous levez très tôt et vous tournez toute la
journée, c'est ça ?
Nous avons des horaires un peu différents chaque jour mais ce matin nous nous sommes levé à cinq heure.
Il y a à peu près une centaine de figurants ici.
Pourquoi avoir choisi des enfants, et des enfants hongrois, ici à Budapest ? Il
y a une raison particulière ?
Oui, il y a plusieurs raisons pour le
choix de la Hongrie. Il y a d'abord la neige, on voulait un paysage de neige.
D'autre part on voulait beaucoup de figurants e
t surtout des enfants qui portent
quelque chose de grave dans le visage et dans le regard. Et c'est vrai que les
pays de l'Est pour ça c'est fabuleux. D'autre part il y a beaucoup de
techniciens en Hongrie qui sont performant et professionnels. Et enfin une des
dernières raisons c'est que c'est beaucoup moins chère, et qu'on peut faire
des choses grandioses avec peu de moyen finalement.
Est-ce que ça veut dire que ça va être dans la lignée
de l'imagerie Mylène FARMER ? Parce qu'on vous associe
aux clips scénarisés qui sont en fait des films. Est-ce que ça s'inscrit
toujours dans cette veine scénarisée et à grand spectacle ?
Ce sera la même chose. C'est la même écriture et le même réalisateur, et pratiquement la même équipe à chaque fois sur chaque tournage.
Est-ce qu'on peut dire aussi que si vous venez tourner ici
en Hongrie ou à Budapest -on y pense souvent quand à toi- c'est pour tes
ambitions cinématographiques et celles de Laurent ? On sait que Cyrano De
Bergerac a été tourné ici, on peut dire aussi qu'il y a les prémices d'un
futur long métrage ou le moyen aussi de repérer pour un long métrage...
Ca c'est quelque chose d'envisageable ou qui a été envisagé, mais j'avoue que pour l'instant c'est quelque chose qui n'existe pas. Et c'est quelque chose qui appartient à Laurent pour l'instant. Je ne puis rien dire, mais ce que je sais c'est qu'il avait fait effectivement des repérages avant d'envisager le clip en Hongrie pour un long-métrage.
Vous êtes un peu avares d'images sur le travail que vous faites en équipe sur le tournage d'un clip comme en ce moment.
Je ne sais pas si nous sommes avares mais
c'est assez difficile qu'une autre équipe intervienne. Parce qu'un tournage
comme celui-ci c'est une grosse machinerie. Donc s'il y a perturbation, quelque
fois cela peut perturber le metteur en scène et tout le monde. Et c'est vrai
qu'on a un soucis de garder les choses secrètes, mais parce que je suis
probablement comme les enfants, j'aime encore les surprises. Donc j'aime bien
l'effet de surprise quand on a un nouveau clip ou de nouvelles chansons. C'est
pour ça que je fais très peu écouter l'album avant qu'il ne sorte. C'est une
manière de préserver la chose.
Dans le clip on voit une centaine de jeunes enfants avec
des têtes très particulières, grimées, masquées, habillés un peu comme
toi...
Oui, tout à fait. Encore plus sales même !
...Assez minimalistes dans la tenue. D'où a été l'inspiration de ce choix ?
Là j'avoue qu'il est né d'un amour commun de Laurent et moi- même pour ce qui est DICKENS, Oliver TWIST. On aime beaucoup tout les deux David LEAN, qui avait réalisé Oliver TWIST, un de ses premiers longs-métrages. Et c'est surtout cette approche du conte qui est permanente.
Dans Désenchantée c'est quoi ? On dirait un univers carcéral mais particulier...
On a essayé d'avoir quelque chose
d'intemporel. Ce qui explique aussi le choix de ces costumes, parce qu'on ne peut
pas tout à fait situer l'époque. Ca se situe en effet dans un milieu
carcéral, il y a une autorité autour de ces enfants, et que ces enfants n'ont
plus rien à perdre donc il leur reste comme solution la révolte. Et c'est ce
qui va se passer dans le clip.
Il y a dans le clip de jeunes enfants qui
sont handicapés. Il y a une anecdote magnifique, un handicapés qui est sur le
tournage s'y est adapté en quatre jours. Son éducatrice nous a dit qu'en
quatre jours il avait fait des progrès de six mois. Donc c'est une jolie
récompense...
Comment tu échanges avec tous ces jeunes hongrois qu'on
voit ?
C'est un échange uniquement de regards puisque nous n'avons pas la même langue. Les interprètes ne sont pas toujours là pour traduire. Ce sont des regards et tous ces figurants sont très justes, ils jouent mais en aucun cas ne sur-jouent et c'est ce qui est fascinant. Ils ont une spontanéité et on a l'impression qu'ils sont nés dans ces costumes dans cette époque et c'est un plus pour le tournage.
J'ai eu l'occasion de discuter avec ce qu'on appelle un
casting-producer, qui me disait que dans le choix des gens, il y avait peu de
comédiens hors-mis la matonne. Il y a des délinquants, des jeunes enfants
d'écoles.
Oui, il y a de tout. Ce sont des gamins de
la rue...
...Avec leurs réactions. Quand on vit à Budapest, avec la vie qu'on a eu, avec l'histoire qu'on a vécu, il y a une âme mais une pression.
En tout cas habitée. Il y a une dureté réelle.
lors des scènes extérieures, deux équipes de tournages s'activent autour des figurants, tournant le double de plans dans la même durée >
Il y a une infrastructure, une équipe très importante
sur ce tournage...
Il y a à peu près 120 personnes et 12 personnes dans l'équipe technique qui viennent de Paris.
Des français avec qui vous avez l'habitude de travailler.
Oui, j'ai Jean-Pierre SAUVAIRE qui est chef-opérateur, Carine SARFATI qui est aux costumes et beaucoup d'autres. Je m'excuse de ne pas pouvoir tous les citer.
C'est une équipe de copains, on a l'impression que c'est presque une famille.
Oh oui, ce sont des gens de grande qualité humaine et professionnelle. C'est vrai que c'est un plaisir de les réunir chaque fois à nouveau.
Fréquenstar - Pour un clip avec toi - M6 - Février 1991.