Critiques II

 

 

N'y allez pas!
(transcript de la chronique de Anne-Élisabeth Lemoine
)

    On connaît l'histoire : celle de la révolte des paysans sous Henri IV qui en avaient assez d'être surtaxés. Bon. Qui est Laurent Boutonnat ? Pour ceux qui ne le savent pas c'est quand même le plus grand fan de Mylène Farmer (il a réalisé tous ses clips). Rien d'étonnant qu'il se soit intéressé à la légende de Jacquou le Croquant car il aime tout ce qui est morbide, cruauté du monde, errance de l'enfance, la misère, la douleur, la souffrance... Tout ce qui est chouineur, pleureur, avec Mylène ils kiffent. Donc pensez bien, Boutonnat s'est rué sur le sujet.

Pas de surprise

    Pendant deux heures trente, on a droit à quoi ? A un best-of des clips de Mylène Farmer. Insupportable. De la neige à gogo, beaucoup de cimetières (très très gai), des plans interminables de lune, et beaucoup de gros plans de hiboux. Tout ça est parasité par de la musique omniprésente, des ralentis des travellings où il se fait plaisir avec une série de tableaux.

Cerise sur le gâteau

    Générique de fin : Mylène Farmer hulule sur toute la fin du film. Bravo. Notons que notre ami Laurent Boutonnat dirige beaucoup mieux les hiboux que les acteurs. D'ailleurs Gaspard Ulliel le héros n'apparaît qu'au bout d'une heure et quart. Forcément, le temps que ses parents meurent, cela prend un temps infini ; alors que la révolte qui est sensée être le sujet principal du film dure trois secondes trente et qu'avant on a droit à des scènes de danse interminables. Gaspard Ulliel est mou, mal dirigé, quant à Jocelyn Quivrin (le comte), il est totalement en roue libre ; et Albert Dupontel, on a l'impression qu'il a répété avec Christian Clavier tant il cabotine tout le long du film. 

    Bref, un ratage intégral, n'y allez pas. Je ne sais pas pourquoi on confie ce genre de film à Laurent Boutonnat, c'est une catastrophe. Il s'était déjà planté avec Giorgino, son premier film, qu'il avait fait avec sa copine chanteuse. Il en avait tellement eu honte qu'il avait alors racheté tous les droits pour que ça ne sorte surtout pas en DVD.

Anne-Élisabeth Lemoine, Ca balance à Paris, Paris Première, samedi 13 janvier 2007.

 

 

 

A la vitesse Grand V

    Laurent Boutonnat voulait faire du livre d'Eugène Le Roy un film spectaculaire ? Son cahier des charges a été parfaitement respecté. Visuellement éblouissant, ce long-métrage emmène immédiatement le spectateur dans l'univers de Jacquou le Croquant, petit paysan du XIXe en rébellion contre la noblesse du perfide comte de Nansac.

    Dans des décors dignes des plus beaux tableaux (Millet, Goya, Ingres, Rembrandt...), la fougue du héros n'en prend que plus de relief. Si le jeune Gaspard Ulliel manque parfois un peu d'épaisseur, il est entraîné par le talent de ses aînés, notamment Olivier Gourmet en curé bienveillant, et Marie-Josée Croze en mère dévouée. Les 155 minutes passent alors à la vitesse grand V.

C.G., Le Figaro Magazine, 13 janvier 2007.

 

 

Pierre Fornerod, Ouest France n°473, 14 janvier 2007.

 

L'abatage permanent

    Après Le Pacte des loups, voici Jacquou le croquant, deuxième mastodonte à vouloir moderniser nos fonds de terroir. En pisteur de ce qui ressemble à une hypothétique troisième voie du divertissement populaire, Christophe Gans cède sa place à son frère ès grand barnum visuel, le clippeur-compositeur Laurent Boutonnat dont les clips de Mylène Farmer ont lestement inspiré le premier. Inutile de préciser, donc, que ce Jacquou le croquant fait dans la fanfreluche et le lyrisme campagnard, toutefois dégraissé des sous-textes cinéphiles de son prédécesseur. L'ouverture -un gentil chien détourne la meute de l'affreux comte de Nansac vers la cabane de ses maîtres Jacquou, popa et moman- nous montre l'étendu de la grammaire du réalisateur : grands angles à gogo soulignés par un musique ronflante, amour de la fresque innervée par une poignée d'images d'Épinal, du toutou jappeur à la trogne -glamour- des péquenots.

    Du clip quoi, en plus long. Le rêve de Boutonnat serait de raconter la légende de Jacquou par enfilades de morceaux de bravoures, gros blocs maniérés comprenant exposition et dramaturgie, sans un mot ou presque. D'un point de vue strictement visuel, c'est plutôt bluffant, pas d'un génie criant, mais propre. Parce que le film parvient à créer un univers de toutes pièces, lequel prend rapidement forme, boosté par les certitudes stylisantes du cinéaste. Des décors finement chiadés aux acteurs, pas tous bons mais coulés dans le même moule Jérôme Bosch-Prada, l'habillage s'avère plutôt sympathique, en tout cas pas péteux pour un sou. En revanche, côté narration, la bérézina n'est pas loin. On sent bien que le cinéma n'est pas une affaire de métier pour Boutonnat, mais plutôt une sorte de promotion post-clipesque, un examen de passage perclus de stress et d'ambitions nouées. Comme si le cinéaste se condamnait à se survolter, frappé du syndrome de la performance à tout prix. Ou de la peur du sous-film, ce qui revient au même.

    Le film s'en trouve ampoulé à mort, logiquement abruti par son abatage permanent. C'est un fait : dans Jacquou le croquant, se passer le sel ou monter tout un village contre une famille d'aristocrates belliqueux requiert à peu près la même intensité. Voila qui explique 2h30 souffreteuses, apathiques où il se passe à la fois beaucoup (1/3 enfance, 1/3 bouillonnement, 1/3 passage à l'acte) et trois fois rien. Le montage initial approcherait 4 heures. On en doute pas un seul instant, tant le labeur du récit confine au poétique. Outre quelques aberrations nanardisantes (un sommet : Jacquou enfant évoque un terrible incendie de forêt qui figurera certainement en bonus DVD), on voit surtout à quel point la grandiloquence de Boutonnat ne peut que virer au mastoc. Pas de respiration sous le ripolinage, juste une kyrielle d'intentions à animer soi-même.

Guillaume Loison, Chronic'art, le 15 janvier 2007.

 

Conventionnel mais émouvant

    Déjà adapté à la télévision à la fin des années 60, le roman d'Eugène Le Roy, dont on célèbre cette année le centenaire de la mort, devient un long métrage sous la houlette de Laurent Boutonnat. Le réalisateur de "Giorgino", mais aussi des clips de la chanteuse Mylène Farmer, dont il a composé les principaux tubes, avoue avoir été frappé par "la force de l'histoire" qui s'inspire d'ailleurs de certains faits historiques.

    Les "croquants" étaient les milliers de paysans qui, en 1594 et 1595, se révoltèrent contre les impôts et les droits féodaux. Le nom de "croquants" viendrait du village de Crocq, dans le département de la Creuse.

    Pour trouver l'acteur qui joue "Jacquou" enfant, la directrice de casting a rencontré entre 300 et 400 enfants. C'est finalement Léo Legrand qui a été choisi, et qui s'acquitte parfaitement de sa tâche. Le choix a été beaucoup plus facile pour "Jacquou" adulte, Laurent Boutonnat ayant déjà pensé à Gaspard Ulliel, crédible dans son personnage. Le reste de la distribution est plus ou moins heureux. On a un peu de mal à croire au couple formé par Albert Dupontel et Marie-Josée Croze -peut-être desservi par une première partie du film moins trépidante-, alors que Tcheky Karyo, Olivier Gourmet et Jocelyn Quivrin fournissent une prestation plus convaincante. On notera aussi la présence incendiaire de la brune Bojana Panic, dont c'était le premier film. Ce superbe mannequin serbe, qui ne parlait pas français, a dû apprendre en deux mois la langue de Molière pour assurer son rôle."

    Si le début du film est un peu lent, on se passionne peu à peu pour l'histoire qui prend son rythme de croisière à partir de la scène de danse où Nansac et Jacquou, devenu adulte, se retrouvent. Avec des décors et des costumes qui restituent parfaitement l'atmosphère de l'époque, et porté par un scénario d'une grande fluidité -même s'il reste assez conventionnel-, Jacquou le Croquant est finalement très émouvant.

Associated Press, in Le Nouvel Observateur, le 15 janvier 2007.

 

Michel Bitzer, 7hebdo, Le Républicain Lorrain, 14 janvier 2007.

note : le mot "putain" a été employé pour la première fois
dans Le Bestiaire par le poète Philippe de Thaon en 1119.

 

La Revanche du gueux

    Par manque de sobriété, le «clipeur» attitré de Mylène Farmer peine à réactualiser une histoire qui fit, en 1969, le bonheur des téléspectatrices et des téléspectateurs.

    A défaut d'être exceptionnelle, l'idée de réactualiser un feuilleton télé adapté d'un roman d'Eugène Le Roy en valait bien une autre. En 1969, la saga de six épisodes réalisée par Stellio Lorenzi avait rassemblé de très nombreuses familles francophones devant leur petit écran. Il était donc de bon ton de surfer sur cette nostalgie ambiante qui file de l'urticaire à Diam's et désarçonne Vincent Delerm pour offrir à une intrigue poignante et passionnante les moyens du grand cinéma d'aventure.

    Las, Jacquou le croquant n'est pas un bon film. Il est simplement «exemplaire» dans sa difficulté à assurer le minimum de plaisir au spectateur. L'ouvrage de Boutonnat résume en plus de deux heures les limites du cinéma populaire d'aujourd'hui, incapable de se distancer du présent pour mener à bien un récit exigeant un certain réalisme historique. Du premier plan raté à la dernière scène grotesque, on peut néanmoins voir en filigrane le bon divertissement que le public aurait pu visionner si le réalisateur avait eu l'humilité d'un André Hunnebelle au lieu de s'imaginer comme la réincarnation de David Lean.

    Pour illustrer ce récit conventionnel, Boutonnat multiplie les ralentis, les effets ringards (chaque fois qu'un cavalier met pied à terre, ses éperons tintent en son Surround) et s'arrange pour plomber avec des dialogues pompeux des situations pourtant explicites. Laissons donc Jacquou la fripouille se prendre un bide et revenons à ces vieux épisodes surannés. Question plaisir, c'est infiniment moins risqué.

Jean-Philippe Bernard, 24 Heures (Suisse), 10 janvier 2007.

 

Épique époque !

    A l'aube des années 70, Jacquou le Croquant le feuilleton faisait pleurer dans les chaumières. Il n'est pas sûr qu'il en soit de même en 2007 dans les salles obscures même si l'on perçoit parfaitement ce qui a pu séduire Laurent Boutonnat dans cette histoire.

    En effet, on retrouve dans le roman d'Eugène Le Roy, tous les ingrédients et toute l'imagerie qui ont fait le succès du Pygmalion de Mylène Farmer à travers ses clips : les grands espaces, l'opposition entre noblesse et paysans dans un contexte et une ambiance de France post-révolutionnaire. Seulement voilà, à l'instar de Giorgino, son nouveau film naïf et romanesque use de tics de réalisation, comme l'utilisation de ralentis sur-signifiants et un maniérisme qui faisaient déjà le principal défaut de son précédent long métrage sorti en 1994.

    Certes, ce Jacquou 2007 n'est pas dénué d'intérêt mais s'il est difficile de nier le sens de l'image et du spectacle de Laurent Boutonnat, on est en droit de regretter que sa virtuosité technique ne soit pas mise au service d'un récit mieux maîtrisé et plus ouvert à l'émotion. Après une longue première partie consacrée à la petite enfance de Jacquou, la seconde qui capte sa détermination à mener à bien la révolte paysanne, s'avère nettement plus palpitante. Outre le beau travail du directeur de la photographie, il convient de saluer la performance de la plupart des comédiens, Gaspard Ulliel et Jocelyn Quivrin en tête, même si d'autres comme Malik Zidi et Gérald Thomassin sont cruellement sous employés.

Jean-Luc Brunet, Mcinéma, 12 janvier 2007.

 

Jacquou revu et corrigé

Indétrônable.

     Jacquou le Croquant reste une figure emblématique du Périgord. Le film de Laurent Boutonnat, présenté en avant-première, lundi soir, dans onze salles du réseau Ciné Passion, a fait un carton côté fréquentation. « Plus de 2 100 entrées, davantage de monde que pour la sortie des Bronzés 3 », constatait Rafaël Maestro, directeur. Plusieurs salles affichaient complet, certaines ont refusé du monde. Montignac, le fief « historique », recevait l'équipe du film. Laurent Boutonnat était venu avec Gaspard Ulliel, alias Jacquou, Jocelyn Quivrin, alias le comte de Nansac, et deux producteurs, Dominique Boutonnat, le frère du réalisateur, et Romain Legrand.

Quivrin, Ulliel et Boutonnat en avant-première en DordogneLes autographes.

     « Ici Jacquou, c'est un mythe, déclarait Bernard Cazeau, qui les accueillait au Prieuré. On ne pouvait pas imaginer un film sur Jacquou sans une partie tournée chez nous. » Le Département s'est engagé pour 150 000 Euros, sur un budget global de 2 millions. L'équipe, qui a fait l'essentiel des prises de vues en Roumanie, est restée dix-huit jours en Périgord. Elle en garde un bon souvenir. « C'était extrêmement plaisant », soulignait hier Laurent Boutonnat. Retrouvant les figurants, le réalisateur et les deux interprètes ont signé des autographes et se sont pliés de bonne grâce au jeu des questions-réponses. Avant puis après la projection au cinéma Vox.

Petites histoires

     Dans ce film à grand spectacle traité avec des effets spéciaux, on est loin de l'écriture d'Eugène Le Roy, du feuilleton de Stellio Lorenzi, de la vision sociale des révoltes paysannes.

 « J'aime beaucoup retrouver des petites histoires dans la grande histoire. Jacquou, c'est un peu ça. Dans le roman, j'ai été séduit par les pages qui traitent de la nature, de l'enfance. J'ai été touché par ce petit garçon, l'amour qu'il porte à sa mère, les relations ambiguës qu'il entretient avec la fille du comte de Nansac »

...poursuivait Laurent Boutonnat. Avis partagé par Gaspard Ulliel : « Ce qui était intéressant, c'était de suivre l'évolution du personnage à travers les années. » Tandis que Jocelyn Quivrin avouait avoir « bien aimé jouer les méchants sans pour cela racheter le comte de Nansac ».

Chantal Gibert, Sud- Ouest, 10 janvier 2007.

 

    Une très belle adaptation du roman d'Eugène Roy dont la première apparition a soulevé l'enthousiasme des téléspectateurs de 1969. Inspirés de faits réels, ce film à grand spectacle nous plonge dans la France rurale de 1815. Des images denses grâce à la beauté de la nature, des décors et des costumes. Une caméra nerveuse, parfois calme, filme des acteurs qui ont su incarner un moment d'histoire.

L.D ; Télé Z, lundi 8 janvier 2007, p.120

 

    Connu pour ses clips de Mylène Farmer,Laurent Boutonnat ne parvient que modestement à transmettre l'émotion et la fougue d'un destin romanesque , malgré l'interprétation crédible et touchante de Gaspard Ulliel.

Téléstar, le 12 janvier 2007.

    Laurent Boutonnat qui s'est fait connaître grâce aux plus spectaculaires des clips de Mylène Farmer, signe une fresque luxueuse adaptée du roman d'Eugène Le Roy. Gaspard Ulliel campe un héros charismatique dans cette reconstitution somptueuse, plus spectaculaire que la série télé qui a fait vibrer les téléspectateurs à la fin des années 60. On tombe sous le charme de ce cocktail d'aventures, de romantisme et de grands sentiments.

Télé loisirs

 

Clara Dupont-Monod, Marianne, n°508, 13 janvier 2007.


    C’est un film inégal et encore trop long que nous livre Boutonnat, mais néanmoins rempli de souffle épique et de belles vignettes.

Score


    Que les nostalgiques du feuilleton télé culte des sixties sur l'orphelin qui se rebelle contre son vilain seigneur ne se réjouissent pas trop vite. Pompier, grandiloquent, interminable, le film de Laurent Boutonnat enchaîne les scènes édifiantes et les pitreries pyrotechniques en oubliant au passage son histoire et ses personnages. Les comédiens venus de partout (Croze, Dupontel, Ulliel, etc...) semblent se demander ce qu'ils foutent là. On les comprends.

DeBryun, Première, février 2007.

 

Adaptation réussie

    13 ans après Giorgino, Laurent Boutonnat revient à la réalisation avec un nouveau long métrage ambitieux, adapté du célèbre roman éponyme d'Eugène Le Roy. Avec ce film, le réalisateur nous plonge dans la France du XIXème siècle et tout ici rappelle les grands films d'époque d'autrefois : les costumes et le décor recherchés, un héros charismatique...

    Dans la lignée du Bossu ou de Fanfan la Tulipe, Laurent Boutonnat réussit l'exercice pourtant périlleux de l'adaptation d'un classique de la littérature française. Pour le rôle de Jacquou, Gaspard Ulliel a dû se plier à une préparation physique intensive, dans un film où les combats, l'équitation et les acrobaties ont une place prépondérante.

    Le réalisateur et le décorateur ont fait référence à de nombreuses peintures d'époque afin de retracer le plus fidèlement possible l'univers paysan du XIXème siècle. Millet mais aussi Rembrandt ont été longuement observés, notamment pour la mise en lumière et les scènes d'intérieur.

    En plus d'être une description fidèle des us et coutumes des paysans du Périgord pendant la Restauration, le film, à travers le destin de Jacquou, est une dénonciation du pouvoir discrétionnaire de l'aristocratie et du Roi, et plaide pour l'égalité et une justice républicaine.

Clémence Piot, WebCity, 15 janvier 2007.

 

 

Jean-Luc Bertet, Le Journal du Dimanche, n°3131, 14 janvier 2007.

 

 

    Un film où le sort n'aura de cesse de s'acharner contre Jacquou. Et quand le sort est filmé par Laurent Boutonnat (le réalisateur des fastueux premiers clips de Mylène Farmer et du fastidieux Giorgino), on est en droit de s'attendre au pire ! Pourtant, malgré de belles longueurs, une esthétique visuelle proche des pubs de La Laitière et un goût prononcé pour la démesure mélodramatique, Laurent Boutonnat s'en tire plutôt bien, notamment grâce aux nombreuses pointures du son casting.

A nous Paris, 15 janvier 2007.

 

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