Critiques III

 

Lourdeaud

    C'est la superproduction française de ce début d'année. Mais le film de Laurent Boutonnat (ancien compagnon de Mylène Farmer et réalisateur de ses clips les plus célèbres de sa période Libertine) pourrait bien être déjà le navet de l'année 2007.

    Certes, Boutonnat colle assez bien au récit d'aventures de Jacquou, ce paysan qui se révolte contre le pouvoir outrancier des nobles dans la France du XIX siècle, mais son style à la fois scolaire et kitsch (les scènes de Jacquou dans les champs de blé) plombent le film. Boutonnat nous ressert des plans sur des nobles poudrés et décadents qu'on croirait tout droit sortis d'un clip de Mylène. Comme si le réalisateur n'avait pas évolué depuis les années 80-90.

    Au centre de cette saga paysanne longue de 2h30, le mignon Gaspard Ulliel, dans le rôle titre, fait ce qu'il peut pour s'en sortir même si ses gros sabots de paysan ne l'aident pas vraiment. Les fans de l'acteur ont quand même droit à un joli plan dénudé sur son divin postérieur. On attendra donc un autre film et pourquoi pas la sortie d'Hannibal le 7 février prochain pour retrouver le magnétisme de Gaspard un peu éclipsé par la mise en scène lourdaude de Laurent Boutonnat.

Têtu, n°118, janvier 2007.

 

 
 

 

T.S. Le Monde, 16 janvier 2007.

 

Jacquou le Croquant, trahi et défiguré

    Laurent Boutonnat, réalisateur des clips de Mylène Farmer, signe une adaptation déshonorante par sa bêtise et sa violence

    Sur les routes de Dordogne, ces dernières semaines, le promeneur est accueilli par de grandes affiches du film Jacquou le Croquant, avec les vœux du conseil général pour 2007. C'est dire si la sortie de ce long métrage (600 copies à travers la France) était attendue et qu'une partie du prestige qu'on lui prêtait devait rejaillir sur la région où il a été (un peu) tourné.

    Jacquou le Croquant, le roman d'Eugène le Roy, continue, plus d'un siècle après sa publication, de structurer l'identité et l'imaginaire des habitants du Périgord. Il est leur héros. Précédé par la rumeur du tournage qui, l'été dernier, après de longs mois en Roumanie, enveloppait le Périgord, on guettait avec curiosité ce que Laurent Boutonnat, connu pour avoir été le Pygmalion de Mylène Farmer et le réalisateur de ses clips, allait en faire.

    Colère, rage, indignation. Voilà dans quel état son film laisse le spectateur, au terme d'un très long et très pénible bombardement d'effets spéciaux et de castagne. Cette adaptation indigente qui se veut à grand spectacle, détruit sans vergogne le livre auquel elle s'est attaquée, piétinant sa subtilité.

Mise en scène à gros sabots

    On ne sait par quel bout prendre ce désastre. Les scènes grotesques ? Les situations invraisemblables ? La mise en scène à gros sabots avec ralentis appuyés ? Les mouvements de caméra ? Les chromos de calendrier (lavandières au bord de l'eau, filmées dans la même lumière que les publicités pour les yaourts) ? Le caractère gothique de sa description de la misère ? La nuit de Noël où Jacquou et sa mère traversent la noire forêt, cernés par les loups, morceau de bravoure du livre, traité comme une nouvelle version de Dracula dans les Carpathes ? Jacquou jeté aux oubliettes du château du comte de Nansac, filmé comme un rat dans les égouts ? La scène de bal au village où Laurent Boutonnat a voulu copier Les Portes du Paradis de Michael Cimino, sommet du manichéisme primaire qui baigne le film de bout en bout ? Les péripéties de l'histoire d'amour qui tiraille le héros entre la brave paysanne et la fille du comte, tentatrice perverse, affligeantes de niaiserie ? L'affrontement final entre Jacquou et le comte de Nansac, piégé dans son château en flammes, apothéose de mauvais goût cinématographique ? L'hyperviolence complaisante ? La bande-son à décorner des bœufs ? La musique qui ne laisse aucun répit ? Le montage ? La distribution ? Mais que diable Olivier Gourmet est-il allé faire dans cette galère ?

Vision grossière et simpliste

    Rarement, il nous a été donné de voir un film présenté comme ambitieux et s'attaquant à un monument du patrimoine populaire, d'une stupidité aussi intense, aussi appliquée. Le réalisateur explique, à longueur d'interviews, qu'il a "imité" Millet, Géricault, Greuze, Le Nain et même (mais si !) Rembrandt.

    Si seulement, Laurent Boutonnat s'était inspiré d'Eugène Le Roy au lieu de mutiler son œuvre, de la défigurer, d'en ignorer la portée historique, politique et symbolique, de s'en emparer pour y plaquer sauvagement sa vision grossière et simpliste, l'outrance de sa mise en scène et ses dialogues d'une bêtise abyssale.

    Au générique de fin, sous une chanson de Mylène Farmer, le réalisateur a pris soin d'indiquer : "Aucun animal n'a été blessé, ni maltraité." Cette précaution, hélas, ne s'étend pas aux spectateurs.

Jean-Claude Raspiengéas, La Croix, 17 janvier 2007.

 

 

Axelle Ropert, Les Inrockuptibles, 16 janvier 2007. 

 

Un grand film d'aventures

    Casting prestigieux, acteurs confirmés, jeunes talents et révélations, figurants par centaines, le réalisateur Laurent Boutonnat (les clips de Mylène Farmer, c'est lui !) n'a pas lésiné sur les moyens. Et pas davantage sur l'esthétique. Beauté des paysages des Carpates roumaines et de la Dordogne (lieux du tournage) ; lumières, costumes et décors, sont autant de références aux peintres du XIXe. Et, on ne voit pas qui d'autre que Gaspard Ulliel aurait pu incarner le croquant du Périgord. Un grand film d'aventures, au souffle épique, romanesque et magique.

Viviane Pescheux, Télé 7 jours, 16 janvier 2007.

 

L'Union, n°19224, 17 janvier 2007.

 

Reconstitution soignée

    Le feuilleton a pris des couleurs depuis sa diffusion en 1969... Dans l'inconscient collectif, Jacquou le Croquant est avant tout une série télé qui a fait les beaux jours de l'O.R.T.F. , alors qu'il s'agit à la base d'un roman signé Eugène Le Roy. Alors qu'y a t-il a voir au programme ce soir ?

    Un orphelin qui s'est promis vengeance, des aristocrates sanguinaires et de bons hommes d'Église, un jeune homme qui combat l'injustice... Bref, tous les éléments d'un récit picaresque, portrait d'un rebelle entre Dumas et Maupassant. Cette fresque à regarder en famille offre une reconstitution particulièrement soignée de la France profonde au début du XIXe siècle, dans des paysages, des costumes et une photographie travaillée avec minutie. La marque de Laurent Boutonnat, complice des clips de Mylène Farmer.

I.G. Kinémag, janvier 2007.

 

Plein les mirettes

    Héros d'un livre d'Eugène Le Roy puis d'une série télévisée culte en 1969 (ressortie en DVD chez TF1 Vidéo), Jacquou le Croquant, trouve une nouvelle jeunesse dans une fresque épique signée Laurent Boutonnat. C'est Gaspard Ulliel, l'amoureux amnésique d'Audrey Tautou dans Un long dimanche de fiançailles, qui interprète avec charisme ce paysan résolu à venger ses parents dont la perte a été causée par un noble félon. Ses aventures dans le Périgord du début du XIXe siècle permettent au réalisateur des premiers clips de Mylène Farmer, comme Libertine ou Tristana, de s'imposer dans son genre de prédilection, le film d'aventures historique à grand spectacle.

    Loin du désastre de Giorgino, son précédent long métrage, Laurent Boutonnat enchante par la beauté plastique d'une oeuvre fleuve servie par d'excellents comédiens, Albert Dupontel en papa bonapartiste ou Olivier Gourmet en curé bon vivant. « Je crois que cette histoire contient des éléments qui peuvent toucher tout le monde », déclare le cinéaste qui insiste autant sur l'enfance malheureuse de Jacquou que sur ses amours tumultueuses avec une amie d'enfance ou la fille de son pire ennemi. Et on comprend que le cœur du jeune homme puisse balancer entre Judith Davis et Bojana Panic, nouvelles venues au physique irréprochable. L'aspect bucolique, romantique et belliqueux des péripéties de Jacquou est savamment dosé. Rien que l'époustouflant duel dansé sur une estrade au décor champêtre permet d'oublier les baisses de rythme du milieu du film, tant cette production luxueuse en met plein les mirettes.

C. Vié, 20 Minutes, 17 janvier 2006

 

 

non signé, L'Est Éclair, n°19634, 17 janvier 2007.

 

Jacquou, le Che en sabots

    Qui l'eut cru ? Laurent Boutonnat a refait un film ! Cette surprise est à la hauteur du bouillon pris par l'auteur-compositeur-producteur-Pygmalion de Mylène Farmer en 1994 avec son premier long métrage, Giorgino . Le duo, déjà alors au top niveau des ventes de singles et d'albums, à l'avant-garde du clip costumé ruineux, avait dépensé et instantanément perdu 12 millions d'euros de fonds propres dans cette fresque tournée dans les neiges de Slovaquie, flop historique et revers cuisant pour la chanteuse qui se rêvait star de cinéma. Boutonnat aura attendu une douzaine d'années avant de se remettre à façonner un nouveau grand oeuvre inspiré de ses passions cinéphiles (Bergman, Tarkovski...) ou picturales (Géricault, Rembrandt, Millet...).

    Vermines. Cette fois, exit Mylène (excepté pour une chanson de générique de fin) pour une adaptation du roman d'Eugène Le Roy, Jacquou le Croquant, à l'occasion d'un double anniversaire : centenaire de la mort de l'écrivain-percepteur périgourdin (1836-1907) et presque quarantenaire de la diffusion du feuilleton traumatique de Stellio Lorenzi (en 1969). A part cette actualité relativement peu brûlante, pourquoi Jacquou aujourd'hui ?

     Ce petit paysan orphelin en lutte contre l'hégémonie dépravée d'un comte et de sa suite de nobliaux crottés au début du XIXe en pleine Restauration après les grandes saignées napoléoniennes est-il moderne ? Boutonnat semble le croire, même si sa mise en scène déploie des splendeurs paysagères habituellement réservées aux pubs pour le yaourt au lait de ferme ou le shampoing à l'avoine. Standing ovation assurée au prochain festival international du film en sabots, Jacquou réinvente la France profonde dans des extérieurs tournés en Roumanie, mobilisant frusques, fourches, fouets, boue, bourrins, cochons, couvées, curés, vermines et tout ce qu'on veut qui fasse vrai. Le kitsch paysan n'en franchit pas moins pour autant plusieurs paliers figuratifs tandis que le récit fulmine contre les injustices faites aux gueux. Bien que les assises historiques de cette «reféodalisation» de la France prête à discussion, le roman, et son adaptation, carburent à la bonne vieille lutte des classes.

    Entre l'exploiteur aristo et la masse asservie, aucune entente possible et Jacquou (Gaspard Ulliel) emprunte au style du Che. Chacun pourra y voir une illustration de l'ancienneté de la fracture sociale. Le film est surtout si moralement simplet qu'il rappelle les riches heures du cinéma de propagande communiste, russe et chinois confondus. Gothique. Boutonnat est plus à l'aise dans la veine gothique qui a fait le succès de Farmer, comme dans cette séquence où Jacquou enfant, après avoir grignoté une bougie pour son dîner, s'allonge torse nu sur une tombe en pleine nuit glacée. Exactement le genre de chose que Mylène aime faire.

Didier Péron, Libération, 17 janvier 2007.

 

Ariane, Allard, La Provence, n°3505, 17 janvier 2007.

 

Paysan sous la Restauration

    A l'origine, Jacquou est un roman d'Eugène le Roy (1836-1907), républicain et anticlérical actif, publié en 1900. Jacquou fut un feuilleton télévisé à succès en 1969 (disponible en DVD), signé Stellio Lorenzi, un grand réalisateur de l'ORTF. C'est aujourd'hui un film de deux heures vingt-cinq minutes, un peu long, un peu mélo, mais une belle fresque historique, émaillée de scènes de cape et d'épée et de jolies romances signée Laurent Boutonnat. Un film à voir en famille un dimanche brumeux d'hiver.

E.H. Les Échos, 17 janvier 2007.

 

 

Florence Chédotal, La Montagne, 17 janvier 2007.

 

Adaptation Libre

    En choisissant, dans le film, de mettre l'accent sur les deux principales périodes de la vie de Jacquou, l'enfance et l'âge adulte, le réalisateur a voulu construire la figure du révolté.

La première partie du film nous montre Jacquou enfant.

    Si le réalisateur en a fait un être moins seul que dans le roman d'Eugène Le Roy - Touffu et Bigleux sont ses compagnons de route - le film montre bien comment peu à peu il est exclu de la communauté villageoise, après avoir perdu son père puis sa mère. Cette exclusion conditionne son instinct de vengeance à l'encontre du Comte de Nansac, qui est à l'origine de ses malheurs. A l'âge adulte, cette haine se transforme, grâce à l'éducation du Curé Bonal et du chevalier, en une soif plus réfléchie de justice et en une forme de conscience politique, qui va le mener à rassembler toute la communauté villageoise dans la révolte contre le Comte. Il devient alors l'héritier de ses ancêtres et notamment de son père, véritable grognard qui luttait contre les Ultras. Il est intéressant de noter que cette conscience le conduit, non pas à tuer Nansac, mais à le ruiner en incendiant son château, pour qu'il connaisse, comme lui, la pauvreté et la solitude.

    Le film accentue la figure héroïque du personnage : dans le roman, Jacquou est avant tout un paysan travailleur, alors que le film le montre dans la deuxième partie de sa vie essentiellement dans l'action et l'organisation de la révolte. Ce personnage héroïque présente une pureté d'âme et de cœur : il reste fidèle à Lina, face à la fille du Comte, la Galiote. Son lieu de vie est la forêt de la Barade, avec laquelle il entretient un lien quasi fusionnel.

Une adaptation libre du roman d'Eugène Leroy

    Jacquou le Croquant s'inspire du roman d'Eugène Leroy pour en donner une adaptation riche d'émotions et d'actions. Les personnages ont été épurés, stylisés, parfois même caractérisés de manière plus pittoresque, pour les besoins d'une narration ramassée, et pour clarifier un récit dont le propos doit être immédiatement compris de tous, petits et grands. Ainsi, chaque personnage remplit une fonction narrative et dramatique clairement identifiable et représente, sur l'échiquier des tensions politiques des années de la Restauration (1815-1830), une tendance propre, un stéréotype politique ou social.

    D'ailleurs, les personnages entretiennent bien souvent des relations d'opposition et de symétrie : Nansac et Jacquou sont tous deux bons danseurs et hommes de pouvoir. Jacquou s'affirme comme le chef charismatique des paysans, méritant son surnom de Croquant, face à Nansac, seigneur tyrannique du village entouré de sa garde armée, cristallisant tous les travers de l'aristocratie d'Ancien Régime. Ils incarnent ainsi chacun les stéréotypes de leur classe sociale dans l'imagerie républicaine : Jacquou, le paysan droit et travailleur, Nansac, le noble abusif et libertin. De même Bonal et le jésuite marquent l'opposition entre clergé républicain et clergé réactionnaire, le Chevalier et le baron Vallière l'opposition entre l'aristocratie éclairée, héritière des Lumières, et celle, dégénérée et obscurantiste, campée sur ses privilèges.

Jean-Michel Braud, Fiftiz, Mercredi 17 Janvier 2007.

 

Laurent Dérouet, Paris Normandie, n°28204,17 janvier 2007.

 

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