Critiques IV

 

Spectacle en toc

    Quand il réalisait des vidéo-clips pour Mylène Farmer, Laurent Boutonnat les emballait d'une apparence de vrais films. C'était sa spécialité : donner l'illusion du cinéma. Maintenant qu'il tourne pour le grand écran, l'illusion se révèle impossible à tenir : la mayonnaise lyrique ne prend plus, le spectacle fait toc.

    Après Giorgino (1994), sacré flop, Jacquou le Croquant étale une pauvreté visuelle crasse. Nous voilà gavés de laideur, de fadeur et de mauvais goût : le petit Jacquou, paysan rebelle dans le Périgord de 1815, est filmé comme la grande Mylène, avec des cheveux en bataille précieusement coiffés-décoiffés-recoiffés par une armée de visagistes. C'est d'un kitsch déplaisant. Ca s'arrange quand Jacquou grandit et prend les traits de Gaspard Ulliel, un acteur assez spontanément héroïque qui met un peu d'entrain dans cette suite de tableaux académiques.

    Même l'O.R.T.F. faisait mieux, il y a plus de trente ans, avec un feuilleton resté dans les mémoires. Sûr que ce nouveau mais vieillot Jacquou ne fera qu'y passer.

Frédéric Strauss, Télérama n° 2975, 20 Janvier 2007.

 

Dominique Borde, Le Figaro, 17 janvier 2007, p.28.

 

Pas crédible, pas attachant

    Si vous aviez aimé la série de Stellio Lorenzi en 1969, restez sur votre bon souvenir. La version 2007 de Laurent Boutonnat n'en finit plus d'être interminable. La campagne de Dordogne est pouilleuse à souhait. Rien ne manque, si ce n'est une histoire crédible et des personnages attachants. Gaspard Ulliel dans le rôle titre sauve les meubles mais la vengeance de ce jeune paysan contre un infâme notable des années 1820 vous attirera au mieux des fous rire au pire un bâillement.

Stéphane Boudsocq, RTL, 17 janvier 2007.

 

Jacquou est-il croquant ?

    Répondons de suite à cette question métaphysique essentielle : Jacquou est-il croquant ? La réponse est positive. Laurent Boutonnat aura mis plus de dix ans avant de reprendre la caméra suite à l'échec de Giorgino sorti en 1994 dans l'indifférence quasi-générale du public et une mise à mort des critiques. Et pourtant, ce film inclassable est enfin reconnu comme un oeuvre forte et incomprise.

    Gageons que pour Jacquou le Croquant, adaptation du livre d'Eugène Le Roy, l'issue en sera moins dévastatrice. Boutonnat y distille tous les ingrédients de l'univers qu'il a commencé à bâtir avec La Ballade de la Féconductrice (son premier long réalisé en 1979 à 18 ans) et renforcer avec les clips de Mylène Farmer (la chanteuse interprète ici Devant soi au générique de fin). On y retrouve donc l'enfance, thème central de son oeuvre, mais aussi la violence sous-jacente qui éclate soudainement, le sang sans cesse répandu, l'amour naïf pris dans les tourments de la vie.

    On redécouvre une nature sublimée, une neige esthétisée, des champs à perte de vue où la caméra aime se poser, prendre son temps et capter les émotions. Le film est certes long, mais l'œil en redemande, se goinfre d'images somptueuses, se perd parfois dans des ralentis clipesques, se rassasie de décors naturels ou reconstitués, foisonnants et majestueux. Boutonnat a depuis toujours le sens du détail, parfois jusqu'au malsain et au nauséeux. Mais il a aussi retenu les leçons de Giorgino : le temps ne se suspend jamais assez pour enliser le film et l'action est toujours en train de poindre à chaque scène. Dans cet écrin, on retrouve un casting composé de joyaux, même si l'on aurait souhaité davantage de profondeur de la part de Gaspard Ulliel qui mise plus sur son physique que sur son jeu. Quant à la musique, entêtante, elle s'impose comme un personnage à part entière. On ne peut qu'espérer que ce Jacquou de maître permettra de retrouver la caméra de sieur Boutonnat avant 2016.

Julien Wagner, Evene, 17 janvier 2007.

 

Jacques Goffinon, Le Courrier Picard, 17 janvier 2007.

 

En tant que clip, c’est réussit

    Ils l’auront attendu ce film, les fans de Mylène, presque treize ans... Et bien ils ne seront pas déçus. Laurent Boutonnat leurs sert du concentré d’univers farmerien, à grand renfort de loups, de cimetières embrumés et de pleines lunes menaçantes... Enfin, du concentré... disons plutôt un clip version extended, soit 2h35 d’agonie ! S’il y avait bien un écueil à éviter en tant que clippeur en reconversion, c’est le montage en rafale, réglé sur la bande-son. C’est raté. Boutonnat y est allé à la hache. Les plans que l’on aurait bien vu prendre de l’ampleur sont amputés, quand d’autres passablement ennuyeux n’en finissent pas de s’étaler.

    Il y avait du charme suranné dans l’œuvre Eugène Leroy, la série des années 60 en avait largement tiré parti. Il eut certainement été de bon ton de passer à autre chose. Parce que le filtre jaunâtre sur des panneaux de champs moissonnés, ça sent le téléfilm qui a mal vieilli. Et que dire des ralentis à la “Royal Canin” et des scènes de fête au village ? ... Difficile de porter un jugement sur le jeu des acteurs tant le film les dessert. Disons seulement que Gaspard Ulliel - une fois encore - semble y croire autant que nous, et que le jeune Léo Legrand, qui interprète Jacquou enfant, manque un peu de crédibilité sous son brushing à la Jennifer Aniston. Reste la musique, réellement prenante et soignée. La preuve que Laurent Boutonnat est sans conteste un bon musicien. Au fond, en tant que clip, c’est réussit, mais peut-être un chouïa trop long. Les nostalgiques des produits du terroir, le troisième âge et les fidèles torturés devraient cependant y trouver leur compte.

 Thomas Flamerion, Evene, 17 janvier 2007.
 

 

 

Mise en bouche

    De Jacquou le croquant, adapté du Roman D'Eugène Le Roy (à moins que ce ne soit du feuilleton télévisé des années 1960), on ne retient qu'une chose : Gaspard Ulliel. Car, à tout bien parler, le film de Laurent Boutonnat (le réalisateur des clips de Mylène Farmer) ne restera pas dans les mémoires. Les bonnes intentions du réalisateur et son soin à reconstituer la campagne du XIXe siècle n'y peuvent mais : les aventures du petit paysan orphelin après que son père et sa mère sont morts, l'un injustement condamné au bagne, l'autre de chagrin, prêtent plus à sourire qu'à s'émouvoir.


    Jacquou le croquant comporte néanmoins un atout essentiel : son interprète principal, Gaspard Ulliel. Parce que, voyez-vous, cet acteur français de 22 ans a été choisi par Peter Webber ("La jeune fille à la perle") pour être le héros de "Young Hannibal", qui retrace l'adolescence et l'éducation d'Hannibal le cannibale. Troquant la fourche de paysan révolté contre le scalpel de chirurgien d'Hannibal Lecter, son charisme très charnel devrait faire merveille. De là à considérer "Jacquou le croquant" comme un amuse-gueule...

Le Matin Bleu (Suisse), 17 janvier 2007.

Bons sentiments

    Réalisateur de Giorgino (1994) et clippeur de Mylène Farmer, sa femme, Laurent Boutonnat signe ce film certes lyrique, mais pétri de bons sentiments dégoulinant. Et les dialogues sonnent si faux que la longue vision de cette adaptation du roman d'Eugène Le Roy en devient quasiment pénible.

Le Matin Orange (Suisse), 17 janvier 2007.

 

Une Grande saga paysanne et romanesque

    Plus de trente ans après le succès populaire du feuilleton télévisé, Laurent Boutonnat renoue avec la tradition du mélo à grand spectacle et tout public.

En 1969, l'Audimat n'existait pas. Sinon, il aurait probablement explosé devant l'engouement des téléspectateurs pour les aventures mélodramatiques de Jacquou le Croquant, un jeune paysan périgourdin dont les exploits ont traversé le siècle et qui deviendra un héros régional.

    Adapté d'un livre écrit, en 1900, par Eugène Le Roy, un romancier du terroir dont on célébrera cette année le centenaire de la mort, cette saga romanesque est d'abord et avant tout une peinture sociale dénonçant la terrible condition de la paysannerie à l'époque de la Restauration. Fasciné par cette histoire qui berça son enfance, Laurent Boutonnat (auteur des clips de Mylène Farmer et réalisateur de Giorgino, en 1994) a décidé de renouer avec la tradition du grand mélo historique et d'aventure en signant ce deuxième film à grand spectacle.

    L'action commence en 1815. Battu à Waterloo, Napoléon est exilé à Sainte-Hèlène tandis que Louis XVIII monte sur le trône. Dans les campagnes, la révolte paysanne commence à gronder. Le père de Jacquou (Albert Dupontel) est en tête des contestataires. Traqué par les hommes de main du cruel comte de Nansac (Jocelyn Quivrin), le seigneur des lieux, il meurt sous les yeux de son fils (Léo Legrand. Jacquou à 10 ans.) Il perd ensuite sa mère (Marie-Josée Croze). Orphelin, il est alors recueilli par le brave curé Bonal (Olivier Gourmet), sa soubrette (Dora Doll) et le chevalier (Tchéky Karyo), l'ami du prêtre. Devenu adulte, Jacquou tombe amoureux de Lina (Judith Davis) tout en poursuivant sa mission : lutter contre les inégalités sociales et l'injustice.

« Le sujet ne me semblait pas éloigné de nos préoccupations d'aujourd'hui, explique Laurent Boutonnat. La précarité, le fossé qui se creuse entre les différentes classes sociales sont toujours d'actualité. L'image de Jacquou, cet enfant triste au grand chapeau que je voyais dans mon enfance, m'est alors apparue. J'ai revu pendant tout un week-end cette série culte de la télé. Puis, j'ai lu le roman d'Eugène Le Roy. Il contenait tous les ingrédients d'une intrigue forte avec un parfait mélange d'action, d'émotion et d'humanisme. J'y ai aussi trouvé des thèmes que j'avais envie de traiter : l'enfance malheureuse, la nature, la solitude, la perte des êtres chers, l'initiation à la vie. »

Des décors naturels

    Alors, il n'en faut pas plus à Laurent Boutonnat pour se mettre au travail avec le scénariste Franck Moisnard, son fidèle complice sur Giorgino, son premier long métrage. « L'adaptation fut longue et difficile, avoue t-il. Elle s'est étalée sur plus de deux ans. Nous voulions peindre la vie quotidienne et le climat de l'époque sans fausses notes. Nous nous sommes donc beaucoup documentés. La trame du roman est forte mais aussi très noire. Il évoque le destin d'un homme, de sa petite enfance à sa mort tardive. Il a donc fallu réduire, élaguer, supprimer des scènes, resserrer. On a gardé que ce qui nous semblait essentiel et le plus spectaculaire, fondu plusieurs personnages en un seul et on en a inventé carrément d'autres. » La gageure fut aussi de trouver des décors naturels proches de ceux décrits dans le roman.

    « Nous avons filmé en Dordogne sur les lieux mêmes de l'action, précise Laurent Boutonnat. Mais seulement certains paysages bien précis comme le château du comte de Nansac ­perché sur son piton rocheux. Nous avons aussi fait quelques prises de vues dans la vieille ville de Sarlat. C'est en Roumanie, dans les Carpates, que j'ai trouvé les décors grandioses sans pylones électriques ni antennes de télé : des forêts magnifiques, de grands espaces sans trace de civilisation et des ­villages du XIXe siècle ­parfaitement restaurés. » ­Laurent Boutonnat a fait appel au décorateur Christian Marti pour reconstituer l'atmosphère de l'époque. « Nous sommes partis d'iconographies, des peintures de Jean-François Millet et de ­Géricault qui ont su si bien montrer la beauté et la dignité des paysans malgré leur total dénuement. Il fallait retrouver les ­couleurs, les ambiances, des tonalités. Nous avons peaufiné les lumières en nous inspirant des tableaux de Le Nain, Greuze, Giacomo Ceruti et surtout Rembrandt pour les ­scènes d'intérieur. Je voulais aussi de superbes costumes. J'ai donc demandé à Jean-Daniel Vuillermoz, le célèbre costumier d'opéra, remarqué dans La Reine Margot de Patrice Chéreau, de créer les costumes. »

    Même exigence pour le choix de acteurs. «Gaspard Ulliel a une force, un charisme, une présence. Il crève l'écran !, renchérit Laurent Boutonnat. Il dégage aussi une grande fragilité et beaucoup d'émotion. » À ses côtés, on trouve un beau casting où chacun excelle dans son rôle : Albert Dupontel, Olivier Gourmet, Dora Doll et Tchéky Karyo.

Brigitte Baudin, Le Figaro et vous, 17 janvier 2007, p.28.

 

 

Le Télégramme, 18 janvier 2007.

 

Croqué par son narcissisme

    Douze ans après Giorgino, Laurent Boutonnat installe son univers symbolique (biches, loups, cimetières, neige, clairs de lune...) au cœur du roman historique d'Eugène Le Roy. Sur fond de complot ultra-royaliste, il imagine un western paysan alliant le romanesque au social, à travers une magnifique reconstitution du monde rural du Périgord noir et de la société provinciale de la Restauration. Mais bercé par sa propre création musicale (redondante au possible), le cinéaste s'égare entre les paysages façon toiles de Millet et les intérieurs à la Rembrandt. Il en oublie l'aspect épique d'une saga qui s'étire sur deux heures vingt-cinq d'un récit esthétisant, mal rythmé, pauvre en action et servi par des comédiens diversement inspirés. On regrette qu'un artiste aussi talentueux se soit laissé croquer par son narcissisme.

Paris Match, 18 janvier 2007.

 

Sans souffle mais sans ennui

    Ce qu'il y a de plus étonnant avec Jacquou le Croquant, c'est finalement qu'il n'ait pas été réadapté, refait avant. Laurent Boutonnat, vidéaste et compositeur usinant d'habitude pour les clips de Mylène Farmer, tente d'exporter l'univers naïf, paysan et teinté d'une mythologie médiéviste (pourtant, l'intrigue se déroule en 1815, juste après la chute de Napoléon Ier) dans son monde, plus technique et froid. Du moins visuellement.

    Pour filmer cette histoire de vengeance, il dispose de grands moyens, d'un imposant budget décors et costumes, d'un casting correct (quelques fausses notes, certes, et le choix de Gaspard Ulliel dans le rôle-titre par instants discutable) et d'une équipe technique rodée. A l'arrivée, manque pourtant le plus important : le souffle. Celui qui emporte le récit vers des rivages un peu plus vertigineux.

    A la décharge des auteurs et producteurs, on ne s'ennuie pas en voyant leur film, pourtant très long - près de deux heures trente - et le rythme se maintient malgré des séquences plus faibles que d'autres (ou plus fortes, c'est selon). C'est bien la moindre des choses.

Pascal Gavillet, La Tribune de Genève, 18 janvier 2007.

 

Jacquou, sans contrefaçon

    Plus de douze ans après le flop ruineux de Giorgino, Laurent Boutonnat ressuscite Jacquou le Croquant. Et tombe dans les mêmes pièges.

    Douze ans que Laurent Boutonnat n'avait plus touché au cinéma. Et pour cause : croquer le fruit convoité lui a valu de tomber dans les pommes durant près de... douze ans. Période durant laquelle le complice attitré de Mylène Farmer n'a plus signé les clips de sa muse à la tignasse carotte, trop occupé à éponger, jusqu'au dernier sou, le flop historique de Giorgino. Un film qu'il préfère enterrer. Pas de sortie en DVD programmé, rien de rien, il regrette tout.

Un clip de 2h25

    Pourtant Giorgino ne lui a pas servi de leçon. Avec Jacquou le Croquant, rebelote, il se fend d'un orgeuilleux mégaclip historico-bucolique de 2h25 mn. qu'il aurait aisément pu ramener à une durée comestible s'il avait guillotiné les trois quarts des ralentis.

Mieux ou pis

Boutonnat avait en tête d'étaler l'adaptation du romane d'Eugène Le Roy sur deux films de trois heures, mais des conseillers lucides de Pathé l'ont heureusement ramené sur Terre. Reste que Jacquou le Croquant est, sans contrefaçon, un film de Laurent Boutonnat : une immense fresque avec de la neige, des loups, de la vengeance, une fille qui s'habille en garçon, des lavandières qui frottent des linges plus blancs que blancs, des bourgeois décadents et poudrés, des paysans édentés mais vêtus de gracieux haillons, et surtout de la musique comme s'il en pleuvait. Tellement de musique que lorsque ce David Hamilton de la paysannerie met en place une scène de bal, une sorte de bourrée-battle où les couples qui tombent sont éliminés, il zappe sans complexe la musique d'ambiance et la remplace par sa propre production. Si le film se plante, il se remboursera au moins sur la B.O. ! Créateurs de belles images, ce David Hamilton de la paysannerie et de la noblesse, s'autorise aussi des raccourcis à faire tousser les historiens. Jacquou se déroule au début du XIXème siècle mais il choisit des costumes de l'Ancien Régime, habits dits à la française et autres perruques poudrées, plus photogéniques.

Le petit Legrand

    Le résultat est forcément plaisant à l'œil mais inutile, puisque le spectateur doit sans cesse bailler contre le repli fatal de ses paupières trop lourdes. Gaspard Ulliel, d'ordinaire ambigu, est lisse comme un long dimanche de sieste. Olivier Gourmet, Marie-Josée Croze, Albert Dupontel ne font que passer. Jocelyn Quivrin, dans un rôle de méchant bourgeois deux fois plus âgé que lui a tellement de tétines dans les narines et dans les joues (pour faire vieux) qu'on ne comprend pas un traître mot de son dialogue. Quand au petit Jacquou, Léo Legrand, il lance les hostilités avec cette réplique prophétique : "Ah putain, ça commence bien". Le moins que l'on puisse dire.

Le Progrès de Lyon, 17 janvier 2007.

 

Adaptation craquante

     Dans la lignée des récentes Brigades du Tigre, cette adaptation d’un classique de la télévision populaire affiche des ambitions esthétiques et narratives qui méritent d’être défendues. Sans jamais prendre le spectateur pour un imbécile, le film déroule le fil de sa puissante histoire avec une ampleur spectaculaire, une violence et un lyrisme souvent payants. On espère que le grand public se laissera emporter. 

« le film à recommander », VSD n° 1534, 17 janvier 2007, p. 64

 

Honorable

    C'est une fusée à deux étages. Le premier, qui prend le temps de l'enfance, repose sur la personnalité du jeune Léo Legrand mais aussi sur l'énergie et la solidité du duo albert Dupontel - Josée Croze, qui efface une direction d'acteurs visiblement timide. Le film prend toute sa dimension dans sa seconde partie et gagne honorablement en dépit de quelques longueurs (la scène de danse) ses galons de grand spectacle.

P.V. Le Parisien, 17 janvier 2007, p.28.

 

 

Le Quartier Lorrain, 20 janvier 2007.

 

Crunchy Jack

    Ce qui surprend dans ce Jacquou le Croquant, c’est avant tout son rythme. Cette histoire de petit paysan qui monte une révolte contre le pouvoir en place, mille fois vue, se permet néanmoins une construction langoureuse qui, en lieu et place de la traditionnelle "enfance de Jacquou", normalement expédiée en deux scènes, s’offre le luxe d’une longue mise en place d’une heure avant que l’enfant ne devienne Gaspard Ulliel. Ce rythme ample, allié à de nombreuses scènes très étirées, donne tout de suite au film une certaine assurance et témoigne de la confiance que Boutonnat a en son sujet.

    Le réalisateur de Giorgino (trois heures déjà) a par contre plus de mal à mixer les origines littéraires du personnage avec son incarnation cinématographique et ne peut s’empêcher de laisser sa narration patiner un peu. La volonté d’intégrer une bonne part de background historique fait honneur au film, mais la gestion par exemple d’une sous-intrigue amoureuse plombe le déroulement de l’histoire. Ulliel, sans faire des étincelles, surprend néanmoins par son charisme dans un rôle finalement assez neutre, effacé, autour duquel gravitent des personnages secondaires plus intéressants. L’ensemble souffre avant tout de deux choses : d'une part la mise en scène de Boutonnat, qui rappelle par trop ses clips pour Mylène Farmer, via ses sur-enchaînements de mouvements de caméra / zooms / ralentis ; et d'autre part le décevant sur-jeu de certains acteurs, en premier lieu Jocelyn Quivrin, qui était pourtant un choix original pour incarner le méchant comte.

Liam Engle, Film de culte, 18 janvier 2007.

 

Sage

    Le premier « blockbuster » (près de 600 copies) français de l'année tourne le dos - c'est rare - à la grosse comédie pour jouer la carte du romanesque historique : en adaptant dans Jacquou le Croquant le roman écrit en 1900 par Eugène Le Roy, Laurent Boutonnat, connu surtout pour ses clips, reconstitue, avec de gros moyens, la France aristocratique et rurale de la Restauration, et raconte sagement la revanche d'un misérable petit orphelin périgourdin qui, recueilli par un bon abbé, parvient à mettre fin à l'arrogante dictature du cruel châtelain de la région. C'est beau comme de l'antique, léché, un peu froid, très loin, hélas, du beau feuilleton éponyme de Stellio Lorenzi diffusé à la télévision à l'automne 1969 (visible sur ina.fr). Mais honnête, et visible en famille.

Annie Coppermann, Les Échos, 19 janvier 2007.

 

Une ébauche imparfaite que le réalisateur n'a jamais réussi à achever

    L'œil contemplatif dont a choisi d'user Laurent Boutonnat nous révèle un Jacquou d'une fadeur telle qu'on peine à croire qu'il s'agit du même personnage que celui imaginé par Eugène Leroy. Si Léo Legrand s'en tire tant bien que mal, Gaspard Ulliel semble tellement absent qu'on s'évertue à trouver à travers son interprétation, ce caractère de meneur d'homme révolutionnaire, passionné et déterminé tellement emblématique du personnage de Jacquou. Les acteurs semblent perdus, au point pour certains d'être foncièrement mauvais, jouant la surenchère sans ne jamais parvenir à donner de réelle profondeur à leur personnage.

    Reste heureusement quelques scènes d'action réussies , où Laurent Boutonnat s'illustre : la condamnation du père de Jacquou au tribunal, la scène de Bal, ou le duel de fin. D'autres sont empreintes de ce style si singulier : le chien se faisant dévorer par les molosses, cet homme mort, pendu à l'étrier de son cheval qui le traîne dans la boue ou La Galiotte manquant de se faire dévorer par les cochons .

    Malheureusement, les scènes inutiles et sans saveur, sans portée dramatique, où Laurent Boutonnat fait preuve d'une béatitude agaçante, nous donne cette impression que tout est trop lisse, convenu ... Comme si, à l'inverse du personnage qu'il avait souhaité porter à l'écran , Laurent Boutonnat avait lui, choisi de ne prendre aucun risque si ce n'est peut-être, celui de passer complètement à côté de son sujet.

"Miss Ritchie", MFiscalled, 19 janvier 2007.

 

    Échec total

    Les aventures du valeureux Jacquou, aux prises avec le vilain comte de Nansac, cause de tous ses malheurs familiaux... Laurent Boutonnat, maître d'œuvre, entre autres, des clips de Mylène Farmer, se risque au film d'époque et exhume les figures du patrimoine télévisuel, les aventures de Jacquou, nul ne l'ignore, ayant servi de prétexte à un feuilleton télé kitsch il y a quelques décennies. Résultat ? Échec total. Durant deux heures trente de bout en bout interminables, Boutonnat multiplie les scènes d'action boursouflées, les saynètes intimistes maladroites et sombre dans tous les pièges académiques et pompiers qui lui tendaient les bras. Navrant.

Olivier De Bruyn, Le Point, n°1792, 18 janvier 2007, p.130.

 

Mélo indigeste

    Laissant de côté Mylène Farmer, Laurent Boutonnat, replonge dans l’expérience du long-métrage après l’échec de Giorgino pour signer avec Jacquou le croquant un bon gros mélo carabiné.

    Malgré une constante recherche de perfection à recréer à l’image de la Dordogne du XIXème siècle, l’esthétisme de Boutonnat (notamment ses références au peintre Millet et ses Glaneuses) laisse de marbre tout comme sa capacité à nous narrer l’histoire de son croquant vengeur. Sous la plume d’Eugène Le Roy, Jacquou était une métaphore du combat des paysans, l’effigie des insurrections paysannes. Sous la caméra ampoulée de Boutonnat, il n’est plus qu’un vulgaire héros, à mi chemin entre le redresseur de torts et le vengeur impitoyable.

    Après une enfance bien remplie défiant le record des misères de Cosette (mort de son chien, condamnation puis mort de son père, agonie de sa mère, tentative de suicide,…), Jacquou renaît de ses cendres et se mute peu à peu en un dieu implacable. Kronos des paysans ou José Bové de notre époque, faucille à la main il surgit de sa campagne pour ébranler la bourgeoisie et se venger de celle-ci, à l’origine de ses malheurs. Pas de place pour une once de subtilité dans cette mission implacable. Tout est ici affaire de premier degré avec le ridicule qui sied à tant manichéisme. Cela faisait bien longtemps que la frontière entre les gentils et les méchants n’avait pas été aussi délimitée. À ce titre, rendons hommage au très mais alors super très méchant Comte de Nansac qui s’évertue à rendre la vie de notre Jacquou vraiment mais alors vraiment pénible.

    Dans ce croquis du Périgord mi-roumain mi-studio au découpage filmique affreux, aux flash-backs redondants et à la musique aussi omniprésente qu’insupportable, on sauvera la simplicité du jeu de Léo Legrand (Jacquou jeune) et l’apparition lumineuse de Bojana Panic, comédienne débutante qui apporte à La Galiote, unique personnage nuancé, tiraillé entre le bien et le mal, un charisme impressionnant.

    Jacquou le croquant vu par Laurent Boutonnat, c’est finalement une recette qui ressemblait à ça : une pincée de Rémi sans famille, un doigt de La Petite maison dans la prairie, on mélange bien, un soupçon de Lassie et un zest de La Mélodie du bonheur. Dans un moule de 35mm, laisser frémir durant 2h25, puis saupoudrer (ayez la main lourde) de mélo. Vos croquants seront fins prêts à déguster. Mais attention à l’indigestion, vous êtes prévenus.

Marjolaine Gout, Écran Large, le 22 janvier 2007.

 

Un loooong dimanche de représailles

    Premier gros film français de l’année, adaptation d’une série bien de chez nous à l’instar des Brigades du tigre il y a un an, Jacquou Le Croquant se veut un grand film d’aventures familial. Le résultat n’est pas honteux mais s’oublie illico à la sortie de la salle, ce qui est problématique pour en faire la critique…

    Y’a des jours comme ça… Des jours où on va au cinéma plus pour passer le temps un jour de pluie que par véritable envie. Des jours où on décide d’aller voir le film qui ne nous parle pas vraiment, la faute à un choix assez restreint dans la programmation du multiplexe. Des jours où, comme par hasard, votre rédac’ chef vous demande en plus de faire la critique de l’objet que l’on a regardé passivement. Des jours où l’on se retrouve donc devant son PC à contempler sa page Word vierge, en se demandant « damned, qu’est ce que je vais bien pouvoir dire sur ce film ? ». Des jours comme aujourd’hui. Que voulez vous, y’a des jours avec et des jours sans. Laurent Boutonnat a du avoir pas mal de jours sans, derrière sa caméra. Non pas que Jacquou soit filmé avec les pieds. Non, le film est correctement cadré, les mouvements sont jolis, la photo loin d’être désagréable, les acteurs pour la plupart convaincants, et le Périgord est une très belle région (oui, j’ai été voir Jacqou parce que le tournage a eu lieu sur mon lieu de vacances voila c’est dit). Mais il manque cette passion, cette hargne, ce souffle propre à rendre captivant et un minimum épique ce récit de paysans se soulevant contre la bourgeoisie. Alors on suit ces « aventures » sans trop ronchonner, mais sans aucune excitation, comme si on s’infligeait un épisode de Plus belle la vie sous prosac. Les yeux sur l’écran, la tête ailleurs mais la décence m’interdit de dire où.

Made in France

    Le bas blesse du coté du scénario. Non pas qu’il soit honteux (le niveau est plus haut que chez Besson quand même) mais témoigne d’une grande incapacité bien de chez nous à écrire un film de genre familial ET trépidant, et même un film de genre tout court me direz-vous (voir Truands). Que le récit s’articule sur l’enfance de Jacquou pendant la moitié du film est une chose (partie qui a au moins le bon ton de s’arrêter a temps avant que l’ennui poli devienne emmerdement pur), que la partie adulte se base sur deux événements principaux (une fête où les paysans et les nobles s affrontent à la danse, l’enfermement de Jacquou et son interminable évasion) et expédie à la va-vite la révolte et l’affrontement entre les clans, se limitant à 5 gardés blessés, et aucun mort pose problème. Sans parler de la psychologie limitée des personnages et du manichéisme ambiant (le méchant est en effet très méchant, les gentils sont pauvres… et gentils donc, voilà, voilà). 

    Jacquou est donc un objet vide, propre et admirablement formaté. La chanson du générique de fin, braillée par Mylène Farmer, vous indiquera la perte de temps et d’argent dont venez de faire l’expérience et vous invitera à sortir de toute urgence de la salle.

David Monmignot, iMédias, 24 janvier 2007.

 

Croquant jambes

    La Boutonnat's touch a pris du plomb dans l'aile depuis Pourvu qu'elles soient douces. Son Croquant se ramasse dans les grandes largeurs, au point d'être dépassé sur Paris par les Truands bas du front de Schoendoerffer.

non signé, Les Inrockuptibles, 24 janvier 2007.

 

Un Piètre Réalisateur

    Jacquou Le Croquant, c’est d’abord un roman devenu un grand classique, puis un feuilleton qui marqua toute une génération : une nouvelle adaptation était donc risquée, surtout que c’était le premier film de son réalisateur, Laurent Boutonnat, tout droit issu des clips. Au départ, le spectateur oublie ses a priori : les premières minutes sont très engageantes. Mais ça dérape très vite, et on se retrouve face à une succession maladroite de plans certes esthétiques mais d’une vacuité remarquable : rien ne se passe en dehors de la surface lisse issue d’une réalisation beaucoup trop inspirée des tableaux d’époque pour être honnête : si au début cette approche séduit, au bout de la cinquième scène champêtre (entre le blé blond, les rieuses lavandières, les enfants joufflus, le bal traditionnel…) on commence un peu à se lasser. L’œil avisé saura même reconnaître Les Glaneuses de Millet et quelques intérieurs estampillés « Rembrandt » : Laurent Boutonnat n’a pas fait que s’inspirer des tableaux, il les a carrément repris, par manque d’imagination probablement. On sent beaucoup trop qu’il vient des clips, et qu’il n’a pas su faire la transition ; la caméra s’attarde souvent là où il ne faudrait pas, et Jacquou le Croquant souffre d’innombrables longueurs qui l’alourdissent.

    Le film s’annonçait comme une grande fresque épique pleine d’aventures, mais il s’essouffle vite ; et on ne peut même pas dire que le réalisateur a préféré l’aspect historique et social de l’histoire, parce qu’il est bien négligé aussi : ce n’est pas une bande de gamins chapardeurs qui va nous montrer l’état de pauvreté de la France paysanne de l’époque. Et au niveau politique, en dehors de quelques évocations des Ultras et une allusion légère au combat qui déchirait le clergé de l’époque, conditionnant toute la position religieuse future, rien ne transparaît. On se retrouve donc avec un comte qui a un regard méchant, des bottes sonores (souvent un signe de méchanceté dans les films) et des filles décadentes. Il est loin, le terrible Nansac… on finit même par se demander pourquoi les paysans veulent se révolter : il ne reste plus que le motif de la vengeance, lui aussi bien atténué. De plus, ce genre de film, pour tenir debout, doit avoir une bande-son solide qui donne elle aussi le goût de l’aventure (Est-ce que Pirates des Caraïbes : La malédiction du Black Pearl serait aussi bien sans ses musiques ?). Mais Laurent Boutonnat s’en est chargé lui-même et, si en elle-même la musique n’est pas mauvaise, elle ne s’accorde pas tellement avec Jacquou Le Croquant et manque furieusement de souffle. Au passage, signalons que la chanson du générique est interprétée par Mylène Farmer, sur des paroles de Laurent Boutonnat qui y est allé très fort dans les clichés.

    Autre point négatif : les comédiens manquent franchement d’inspiration, ce qui n’aide pas le film. Mais comme plusieurs ont déjà fait leurs preuves ailleurs, on en revient là encore à incriminer le réalisateur qui n’a décidément pas non plus de talent dans la direction d’acteurs. Le plus marquant, c’est certainement Gaspard Ulliel : il campe un Jacquou bien fade ; les deux parties du film (Jacquou jeune et Jacquou vieux) sont très inégales, la seconde étant très inférieure à la première, tant dans le rythme que dans le jeu des acteurs : le jeune Léo Legrand s’en sort finalement mieux que son aîné. Le réalisateur a quand même fait l’effort de choisir deux actrices au physique agréable dirons-nous, et – on se console comme on peut – ça permet de faire passer la pilule. Petite découverte : Bojana Panic, qui a un joli accent et un tout aussi joli minois (mais elle est mannequin, ça aide), et un jeu somme toute plutôt bon.

Verdict
 
    Jacquou Le Croquant a de belles images mais strictement rien derrière ; et si certains (surtout les enfants) apprécieront l’aspect épique présent même si avorté, les plus critiques se lasseront de cette plasticité creuse. Une chose est sûre : Laurent Boutonnat est, à tous les niveaux, un piètre réalisateur.

Marie-Ambre Devanlay, Cinéma-France, 25 janvier 2007.

 

Boutonnat, la renaissance

    Le nouveau long métrage de Laurent Boutonnat, réalisateur du maudit et pourtant inoubliable Giorgino (1994), s’impose d’emblée comme un très beau film d’aventures populaire. Cette adaptation du roman d’Eugène Le Roy, qui avait fait en 1969 l’objet d’un feuilleton télévisé, possède la marque de son réalisateur, aussi bien dans le fond que dans la forme. (...) La reconstitution de cette période de l’Histoire est en tous points remarquable, en cela que l’on ressent le froid, la faim, la misère, en même temps que les personnages du film. La nature, magnifiquement filmée, donne lieu à des plans d’une beauté rare. Cette plastique visuelle, loin d’être vaine, participe de notre implication dans l’histoire, car reflétant les états d’âme des personnages. L’émotion naissant de cette implication ne se relâche pas un instant et trouve son point d’orgue dans deux scènes absolument superbes : la scène de danse, et celle, réellement poignante, où le petit Jacquou, ébranlé par la tristesse, revient au monde au contact de la petite fille dont il est amoureux.

    Laurent Boutonnat, réalisateur aimant les atmosphères mystérieuses, oniriques et hors du temps, nous gratifie de certaines scènes visuellement superbes faisant apparaître neige, loup et cimetière, marque indéniable de son univers pictural, comme l’avait déjà montrés Giorgino ou certains de ses vidéos clips.

    S’agissant du casting, le petit Léo Legrand est une véritable révélation dans le rôle de Jacquou enfant, Gaspard Ulliel, quant à lui, n’étant malheureusement pas toujours convaincant dans son incarnation du héros à l’âge adulte. Treize ans après le bide retentissant et totalement injuste de son premier long métrage, c’est avec un film bourré d’aventures, d’émotions et de larmes, à la patine irréprochable, que nous revient un réalisateur qui, souhaitons-le de tout cœur, n’attendra pas aussi longtemps pour retourner derrière la caméra. Si certains considéraient que Boutonnat était fini, ce Jacquou-là est sa renaissance.

non signé, Clap.ch, 1er février 2007.

 

La Légende Renaît

    Jacquou le Croquant c’est d’abord bien sûr le roman d’Eugène Leroy (1836-1907), publié en feuilleton dans La Revue de Paris sous le titre La Forêt Barade en 1899, avant d’être republié l’année suivante sous la forme qu’on lui connaît. C’est ensuite le célèbre voire culte feuilleton en six épisodes de l’ORTF réalisé en 1969 par Stellio Lorenzi. C’est en le revoyant il y a cinq ans puis en relisant le roman de Leroy que Laurent Boutonnat se dit que l’histoire ferait un excellent film : « une enfance malheureuse marquée par la perte d’êtres chers, la solitude heureusement brisée par de belles rencontres, la promesse de vengeance, puis, à l’âge adulte, l’amour et l’amitié, la juste revanche contre l’injustice, l’accomplissement d’un destin romanesque... et aussi les champs, la campagne, la nature ».

    Boutonnat va chez Pathé voir Richard Pezet, avec qui il avait travaillé sur Giorgino, et lui soumet un premier traitement - rédigé conjointement avec Frank Moisnard. Pezet donne son feu vert et Laurent Boutonnat met en place le projet avec Romain Le Grand et Dominique Boutonnat, son frère. En ce début 2005 le pendule balance de nouveau vers le cinéaste. Laurent Boutonnat filme en Roumanie (dans la région des Carpates) et en Dordogne, sur les lieux même de l’histoire, une distribution plutôt originale pour une grosse production française : le jeune Léo Legrand est extraordinaire dans le rôle de Jacquou enfant et Gaspard Ulliel apporte une touche de modernité à la figure feuilletonesque de Jacquou adulte. Jocelyn Quivrin est impressionnant dans le rôle du sinistre Comte de Lansac ; vieilli (il est né en 1979) il rappelle physiquement Daniel Day-Lewis dans Gangs of New York et partage alors une étrange ressemblance avec Boutonnat lui-même (s’il y a beaucoup du réalisateur dans Jacquou peut-être se reconnaît-il un peu en le comte ?

« Tout ça est si loin, et ces bêtes sont teigneuses. » (Le Comte de Nansac, de bonne humeur)

    Tchéky Karyo, touchant en chevalier, réussit à nous faire oublier sa période « frenchie de service » à Hollywood et Olivier Gourmet (le curé Bonal) rappelle Louis Seigner dans Les Misérables (1982). Albert Dupontel, fidèle de Laurent Boutonnat, est surprenant dans le rôle du père de Jacquou. Hormis Dora Doll (Fantille) le casting féminin semble parfois un peu « effaçé » : l’actrice québécoise Marie-Josée Croze (Les Invasions barbares, Munich) a l’air parfois un peu perdue dans un genre que les habitants de la Belle Province, nourris à des classiques tels Un homme et son péché, connaissent pourtant bien. Mais la première moitié du film - dont le sort de son personnage - est tellement prenante qu’elle contribue à nous donner la larme à l’œil. La nouvelle venue Judith Davis (Lina) est charmante mais sa présence est éclipsée par celle de la débutante Bojana Panic, mannequin serbe dont c’est le premier film, et qui interprète le très « farmerien » personnage de La Galiote, fille du comte de Nansac.

    Jacquou le Croquant version 2007 est clairement « vendu » par son distributeur comme un film d’aventures mais c’est beaucoup plus que ça. Laurent Boutonnat nous offre un grand film d’aventures romanesque et populaire sans céder une once de son sens et de sa sensibilité artistiques, bien au contraire. La photographie de Olivier Cocaul est superbe, les décors de Christian Marti sont très réussis et la magnifique musique, composée comme il se doit par Laurent Boutonnat lui-même - comme ce fut le cas avec Giorgino, est dirigée par le grand Nic Raine (que les fans de John Barry connaissent bien) et interprétée par l’Orchestre philarmonique de Prague.

"J" comme Vendetta

    Boutonnat poursuit à la fois sa quête esthétique et cinématographique amorcée il y a vingt ans, filme ses paysages comme si sa caméra caressait des ailes entières de tableaux du Louvre ou du Musée d’Orsay et se permet consciemment ou non des incursions dans des territoires inédits pour lui, tels que l’humour, le western (lorsque Jacquou défie le comte à la danse), où encore le film de super-héros façon Batman begins. Dans le puits Gaspard Ulliel ressemble à Christian Bale et lorsqu’il en sort, dans une salle d’armes du château de Nansac, l’endroit fait furieusement penser à la Batcave.

    Mieux, le sous-texte politique et social du film a des échos ravageurs en cette période de campagne électorale en France. La vendetta de Jacquou n’a rien à envier à celle de « V » et Laurent Boutonnat a ses rêves de cinéma devant soi, comme le titre de la très belle chanson du générique de fin interprétée par Mylène Farmer.

    Un film de genre à gros budget doté de qualités artistiques et cinématographiques. N’attendons pas qu’Hollywood fasse une offre à Laurent Boutonnat pour reconnaître ce qu’il est et souhaitons que lorsque le DVD de Jacquou le Croquant sortira, l’auteur acceptera enfin de libérer Giorgino de ses mauvais souvenirs pour le sortir dans la foulée.

Thierry Attard, Objectif Cinéma, 4 février 2007.

 

    « Méfiez-vous, la révolte des petits engendre des révolutions »

    Cette phrase du Chevalier (Tchéky Karyo) pourrait donner le ton à ce film épique et romanesque si l’accent avait été mis sur une réelle subversion du peuple. Mais, Jacquou, lui, il se bat bien contre l’injustice et contre le comte de Nansac ! me direz-vous. Effectivement, il sait lutter et on le voit à l’œuvre notamment lors de la dernière demi-heure du film mais on apprendra à le connaître dans la première partie où notre petit héros, le pauvre Jacquou (Léo Legrand), se retrouve orphelin, puis, grandit (Gaspard Ulliel) et ressuscite miraculeusement à trois reprises comme si une présence divine voulait le garder en vie. Jacquou restera bien en vie, je vous rassure et comme tout bon héros, vous imaginez bien sa destinée. Heureusement pour lui, il a une petite copine douce et compréhensive, Lina (Judith Davis) qui, à certaines scènes, cueille des fleurettes et se met à courir dans les champs avec son amoureux. On s’attendrait alors à voir apparaître Charles Ingalls, qui avec sa bonté et sa générosité que l’on connaît, adopterait le petit Jacquou pour lui donner tout son amour. Non ! Ce serait trop facile et le film ne durerait qu’une heure. Il faut que les choses se compliquent et que Jacquou mène une vie misérable, dure et sans pitié comme le héros du roman d’ Eugène Le Roy.

    Le cadre historique est intéressant ; les abus de pouvoirs de l’aristocratie du début XIXème siècle sont mis en avant d’où un dossier pédagogique sur le site du film (intéressera-t-il les professeurs, ça, c’est un autre débat !) Reste à savoir si chacun des spectateurs se sentira proche de la révolution paysanne et de la justice républicaine romancée dans Jacquou. On reste toutefois sensible à cet effet cyclique allant de la révolution au despotisme en passant par des périodes brèves de paix que l’Histoire nous laisse. Jacquou ressemblerait plutôt dans un tout autre registre, aux héros divins du roman de Naguib Mahfouz, les Fils de la Médina, qui soucieux de changer le monde, vont jusqu’à affronter leurs pires ennemis.

    Gaspard Ulliel est très peu convainquant ni convaincu dans le rôle de ce jeune paysan révolté ; Peu hargneux sauf lorsqu’il essaie de survivre ;on retiendra de lui plutôt son petit sourire à fossettes, sa voix cassée et ses quelques phrases complètes dites enfin à la fin du film. Albert Dupontel avec ses nattes de Viking brun est quelque peu pathétique ; seul le jeu de Jocelyn Quivrin en aristocrate despote nous touche parfois ainsi que le regard malicieux de Malik Zidi dans le rôle de Touffu.

    Laurent Boutonnat a crée 2 heures 35 de scènes sublimes et de mises en scènes picturales bibliques ou inspirées de Millet. On y voit un Jacquou portant dans ses bras un petit agneau (l’enfant Jésus est de retour !) ou évoluant dans d’autres scènes d’intérieur angéliques ou misérables. Une perfection technique de la photographie ; c’est certain mais tellement étrange parfois qu’elle devient ridicule tout comme ce pauvre Jacquou se réveillant un matin avec la peau rouge tel un indien dans la forêt et criant : « Maman, papa... ». On ne peut qu’apprécier le talent du maître du vidéo-clip sans pouvoir oublier ceux réalisés pour la chanteuse Mylène Farmer où là, également, la mise en scène était spectaculaire avec toute la symbolique romantique des animaux, de la lune et de la pluie. Oui, il pleut énormément dans le monde de Jacquou et la pluie est tellement torrentielle dans les pires moments qu’on se dit que le destin est vraiment cruel. Les fans de Laurent Boutonnant devaient lui répéter que ses clips étaient hors du commun qu’il fallait qu’il fasse un long métrage. Maintenant, c’est chose faite ; ne le lui reprochons pas ! Le courageux Laurent Boutonnat est avant tout un compositeur et musicien hors pair qui a su accorder de très belles musiques à un film ambitieux. On aurait presque envie de terminer comme dans les pièces de théâtre de vaudeville et remercier les stylistes et les maquilleuses qui ont réalisé un travail remarquable.

    Si vous n’êtes pas très tenté par ce genre de film, un petit conseil : consultez le site et écoutez la musique en regardant éventuellement les photos, c’est un bon moment assuré. Si vous détestez la musique de Laurent Boutonnat, là, je ne peux rien pour vous !

Soni, A voir à Lire, 27 février 2007.

 

 

Propos recueillis par R. Botte, Mon Quotidien, 18 janvier 2007.

pas de critiques dans Elle, Technic'Art, ni le Canard Enchaîné.

 

CRITIQUE DU DVD

C’est aujourd’hui un quasi sans faute que nous propose Pathé et les amoureux de l’univers de Boutonnat seront aux anges. Si l’on occulte de très légers artéfacts (très) occasionnels, le transfert fait preuve d’un remarquable soin. Non seulement le master est immaculé, mais le soin apporté à la restitution de la si belle photographie du film fait des merveilles.
Les teintes accusent un beau naturel et la saturation se révèle tout bonnement exemplaire. Les contrastes viennent parfaire un ensemble des plus vibrants et l’on bénéficie ainsi d’une fine profondeur de champs. A cela s’ajoute une image remarquablement piqué et une compression de premier choix nous faisant bénéficier d’une fluidité à toute épreuve. Un très beau travail !

Nous privilégierons une nouvelle fois la piste DTS pour un rendu certes tout aussi dynamique que celui de la piste Dolby Digital 5.1 mais au final plus soigné et plus harmonieux. La bande originale, élément toujours aussi important chez Laurent Boutonnat, se mêle chaleureusement aux différentes ambiances et cela sans jamais étouffer les dialogues. Ces derniers se détachent à merveille sur le canal central et évoluent dans un parfait souci de clarté. Le canal de basse se pose en parfait allié et sait se montrer particulièrement actif aux moments opportuns. Le relief proposé se montre des plus éloquents et nous délivre une très belle immersion tout au long du visionnage. L’ensemble alterne joliment entre finesse, subtilité et bel élan, et ce pour notre plus grand plaisir. La piste DD.1 n’est aucunement en reste et fait preuve d’une très belle agressivité, jonglant habilement avec le caisson de basse et nous livrant un éclat de premier choix.

Making of (45mn30) : Un sympathique documentaire qui revient entre autre sur les différentes thématiques du film et les différentes approches désirées par le réalisateur et son scénariste. Boutonnat nous parle de son adaptation et des libertés prises sur le roman, sur la période de la restauration, la place de l’histoire humaine au cœur de la Grande Histoire, etc…
Les différents protagonistes reviennent sur les personnages et de fil en aiguille sur les comédiens qui prêtent leur corps aux personnages. On aborde également le traitement des costumes, des effets spéciaux, les décors, le contexte historique, les partis pris de couleurs et des perruques qui pourront pour les plus historiens, refléter d’anachronismes… On aurait parfois aimé que la musique s’arrête et que les extraits du film arrêtent de défiler pour donner un peu plus la parole aux différents intervenants, mais quoiqu’il en soit, ce making of sait se faire complet et nous retracer le tournage dans les grandes lignes.
Si ce document s’avère être le seul vrai bonus de cette double édition, on trouvera également 3 galeries de photos (Costumes, Décors et photos du film), ainsi que le teaser et la bande annonce.

Caroline Leroy, DVDrama, le 20 septembre 2007.

 

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