Le clip : contexte et histoire

             Suite au meurtre du réceptionniste de Polydor, Mylène Farmer part aux États-Unis (officiellement pour passer son permis de conduire !?!). Elle fuit en fait les réactions qu'a pu provoqué l'acte de cet homme vexé de ne recevoir aucune réponse à ses lettres. Laurent Boutonnat, lui, commence a préparer pendant ce temps le tournage de Giorgino qui commencera exactement dans un an. A cette période il est en plein repérage dans le Jura avec le décorateur du film : Pierre Guffroy. Il prendra toutefois quatre jours pour tourner le clip de Je T'aime Mélancolie. Après quelques jours de préparation pour la construction (sur mesure) du grand ring de boxe, deux jours de tournage sont consacrés aux scènes de combat.  Les deux autres jours de tournage sont eux réservés à la chorégraphie orchestrée par Mylène Farmer.  On note que les dix (remarquables) danseuses derrière Mylène sont les mêmes que celles de la promotion de Désenchantée, neuf mois plus tôt. Mis à part Sophie Tellier qui, pour la première fois, n'assure plus la coordination des ballets. Elle a décidé juste avant le clip de cesser momentanément sa collaboration avec Mylène et Laurent pour se consacrer à sa propre carrière. Elle attend le tournage de Giorgino pour revenir...  On pressent déjà la fin proche de l'univers de Laurent Boutonnat pendant Je T'aime Mélancolie.  L'histoire se fait mince, la durée se fait courte, et on succombe de plus en plus à l'esthétique du clip. Ses derniers véritables courts-métrages  n'ont visiblement pour unique but d'en arriver à l'œuvre ultime : Giorgino. Après ce film, d'ailleurs, comment ne pas comprendre qu'il n'est pas la peine de faire autre chose ?... Qu'aurait pu faire Laurent l'année suivante qui n'aurait pas paru comme fade ? Il ressemble tellement à un aboutissement que l'univers semble difficile (voir impossible) à prolonger. Vu de cette façon, Je T'aime Mélancolie peut être lu comme un avant goût de "l'après-Mylène" chez Laurent Boutonnat . Des clips comme Populaire se rapprocheront d'ailleurs plus de ce film que de mises en scène plus ambitieuses telles Tristana ou Sans Logique

    Un homme est à la corde à sauter. Mylène, elle, ne s'entraîne pas et semble se concentrer, comme pour entrer sur scène. Nous sommes dans un  gymnase sombre, juste avant un combat. Des voix masculines se font entendre en bruit de fond, comme si dans une autre pièce, on pariait sur quelqu'un. Nous sommes en fait dans un vestiaire. L'entraînement de l'homme est intensif. La personne qui lui fera face ne devra pas compter sur sa pitié. Mylène, elle montre son absence d'attendrissement en éteignant par la seule force du poing la flamme d'une bougie. La partie peut commencer... Nous sommes au bord d'un ring de boxe aux dimensions irréelles. L'espace l'entourant est quand à lui plongé  dans l'obscurité. Les cris lointains d'une foule font penser à des spectateurs placés trop loin pour assister correctement au combat. Les seuls intéressés sont les 2 adversaires et nous même qui sommes placés idéalement aux premières loges d'un affrontement souvent évoqué au sens figuré, mais jamais au sens propre : la  guerre homme-femme, la guerre des sexes. Comme elle aime à le dire la même année que le tournage : Mylène "a encore ici quelques comptes à régler avec la gente masculine", comme précédemment dans Pourvu Qu'elles Soient Douces et Pas de Doute.

 

    Boutonnat et une assistante pour le tournage des chorégraphies

 

    Chaque combattant à son propre coach (tous deux des hommes), un arbitre vient sur le ring donner le coup d'envoi du combat (un homme aussi). Les regards sont cruels et promettent une haine réciproque qui semble aller bien au delà des  cordes d'un ring... On pense évidemment au jeu de regards entre Libertine et son adversaire duelliste, lorsque l'issue du combat penchait autant d'un côté que de l'autre partie. Après le coup d'envoi, les deux corps se tournent autour durant tout le premier couplet de la chanson. Les deux personnes sont très sérieuses et ne laissent rien transparaître, contrairement aux sourires pervers entre les adversaires de Libertine et Sans Logique. C'est là où intervient la folie de Boutonnat, éternel adepte du décalage et de l'inversion. Parallèlement au sérieux, à la dureté et la 'virilité' du combat, Mylène, toute souriante danse avec dix danseuses derrière elle sur la même musique qui rythme les coups des deux adversaires, sensés être sur le même ring. Sa tenue est légèrement différente, s'étant vêtue d'un porte-jartelle sous une guêpière faisant étrangement référence au sado-masochisme.  Contrairement au départ de Thierry Rogen pour le mixage un an plus tard, on ne regrettera pas (du moins pour les chorégraphies) le départ de Sophie Tellier du clan Farmer-Boutonnat. La chorégraphie de Je t'aime Mélancolie est d'une grande élégance et d'une très haute tenue. De plus, elle est une des plus rythmées et dansantes qu'ai inventé la chanteuse.

 

 

 

    Tous deux sont déterminés à gagner. Une brève coupure entre les deux rounds ne fera que relancer les regards haineux à défaut de les calmer. Le combat reprend de plus belle, et la tension montant de plus en plus, le combat commence à dégénérer. Les coups bas se multiplient, et le soudain acharnement de l'homme sur la femme pour la mettre K.O. oblige l'arbitre à intervenir. il se recevra rapidement un coup de poing dans le nez donné par l'homme qui le rendra K.O. se faisant ridiculement évacué par les entraîneurs. Désormais plus de pitié, plus personne ne peut arrêter le match qui dégénère. Les deux combattants s'affronteront jusqu'à la mort. Ils enlèvent même leurs gants de boxe pour se livrer à un véritable combat d'arts martiaux. Alors la chorégraphie s'accélère et les danseuses derrière Mylène Farmer ont à présent des gants de boxe aux mains pour exécuter la chorégraphie qui devient infernale. Dans le combat, les hauts coups de pied fusent, au bord de l'épuisement, l'issue du combat est proche et la femme est en faible posture... Elle utilisera les dernières forces qui lui restent pour tournoyer sur elle-même et envoyer à son malheureux adversaire un coup de pied dans la tête qui le fera passer par-dessus les cordes du ring. Et comme tous ceux qui ont passé cette limite, l'homme ne reviendra pas. Seule la jeune combatante restera comme enfermée dans ce carré de cordes, dans un néant que le hurlement d'un loup nous rend  encore plus impressionnant. Elle se laissera tombée, épuisée d'avoir affirmé qu'elle pouvait se maîtriser seule et désespérée d'avoir été obligée d'en arriver là. Sa tête bascule en arrière, comme pour chercher dans la lumière des projecteurs la même purification que dans la pluie de Sans Logique, qui devait la laver de sa victoire pitoyable sur l'Autre.

    Beaucoup verront dans ce combat l'affrontement entre la chanteuse populaire et la critique, le texte de la chanson y faisant plus ou moins référence. Ce serait plutôt un mélange de réaction vindicative contre une critique  douloureuse, de masochisme (la tenue) face à l'homme croyant détenir tous les pouvoirs, et de double emploi (toujours récurent dans le cinéma de Boutonnat) entre le bourreau (elle gagne) et la victime (l'issue du combat ne lui apportant absolument rien).

 

Jodel Saint-Marc.

Influences ?

    La mélodie et les accords de Je t'aime Mélancolie, tel qu'ils ont été utilisés dans le clip, rappellent le titre Vacances j'oublie tout, du groupe français Elégance, sorti en 1982.

 

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