Il y a quelques années, bien après Giorgino,
Laurent Boutonnat aurait été sur l'écriture d'un thriller sur la recherche de Joseph Mengele, médecin
nazi expérimentant ses trouvailles sur les enfants juifs. Rumeur. Il s'est en revanche déjà
lancé, plus profondément, dans un autre projet lourd à monter : Une Passion
selon Satan ;
qu'il aurait parait-il tourné en Amérique du Sud, en Uruguay exactement. Il entreprend
même la composition de son équipe technique en faisant appel à Ricardo
Aronovich, chef-opérateur argentin. Il abandonnera la
préparation du film pour se consacrer au remake d'une série populaire
(peut-être plus alléchant pour des producteurs), Jacquou le Croquant
(Stellio
Lorenzi - 1969). Il expliquera que c'est lors d'un week-end avec une amie et son fils de six ans
qu'il serait tombé sur une cassette du vieux feuilleton leur appartenant, et
que de retour à Paris, il se serait plongé dans le roman original d'Eugène Le
Roy, avant d'en tomber amoureux. Ces révélations, confiées lors du tournage
à J.P. Lavoignat et publiées dans le magazine Studio d'avril 2006,
auront sans doute pour but de faire taire les mauvaises langues qui voyaient
dans le Jacquou le Croquant de Boutonnat un simple film de commande, une
opération de sauvetage d'un réalisateur sur lequel peu osent parier. Il le
confirmera six
mois plus tard dans le dossier de presse, où il expliquera avoir revu la
série de Stellio Lorenzi puis d'avoir acheté dans la foulée le roman. Il
précisera également lors de la promotion au Journal Du Dimanche que
c'est en essayant de faire fonctionner un magnétoscope pour cet enfant de 6 ans
qu'il est tombé sur la série.
A cette époque là il est prévu de faire deux films de deux heures chacun, devant sortir à un mois et demi d'intervalle. La première partie sera consacrée à l'enfance de Jacquou et la seconde à son âge adulte. Laurent Boutonnat émet même l'idée d'un diptyque, deux films indépendants et aux titres différents, avec chacun leur fin propre. Trop risqué financièrement pour Pathé, qui refusera. Il sera finalement décidé de rassembler l'action en une seule partie, inférieure à 2h30. Pourtant le scénario est peu modifié et c'est bien l'intégralité des deux épisodes que Laurent Boutonnat tournera, et à l'intérieur desquels il devra élaguer au montage.
Le tournage en lui-même se déroule en deux temps. Le
premier en Roumanie, du 1er février à avril 2005, lui permettra d'obtenir les plans
d'une nature vierge, et tous les plans d'intérieur qu'il cherche, aux studios MediaProPictures.
Mais parce qu'il faut bien toucher les aides cinématographiques
européennes, le deuxième temps du tournage, au mois de mai, sera consacré aux
quelques autres plans dans le Périgord près de Sarlat, puis en juin à Senlis,
non loin du lieu d'habitation du réalisateur. Fin du tournage le 15 septembre
2005 aux Studios Sets à Stains. Une première photo de tournage est envoyée à
la presse le 28 novembre 2005. La bonne humeur aurait été au
rendez-vous malgré les manières peu orthodoxes de Laurent Boutonnat pour
mettre en scène. Jocelyn Quivrin notamment sera déboussolé par la
demi-douzaines de caméras tournant simultanément certaines scènes, dont un
grand angle qui obligera le dispositif à se mettre en retrait par rapport aux
acteurs.
"Je n'ai pas fait que des chefs-d'œuvre, mais je revendique Jacquou le Croquant car c'est un grand film populaire. Du cinéma que j'aime voir comme spectateur, le genre de film qui m'a fait rêvé quand j'étais petit."
Jocelyn Quivrin, iCinéma, iTélé, 21 janvier 2007.
Quivrin ne sait plus quand il est filmé, et par où. Gaspard Ulliel lui est au départ plus à l'aise avec Laurent Boutonnat et le vanne régulièrement sur ses coiffures ! En revanche il déclarera dans la presse (à Pierre Vasseur dans Le Parisien du 17/01/07) que les rapports auront été difficiles avec Léo Legrand, à partir du travail duquel il ne pourra pas s'inspirer. En effet, Laurent Boutonnat refusera de lui montrer les rushes de Léo Legrand, ce qui aura créé une différence de composition entre les deux acteurs sensés interpréter le même rôle. Les journées de tournage s'écoulent de 12h00 à 19h30, les matinées étant consacrées au montage des décors. Au total, 150 km. de pellicule furent tournés par 6 cadreurs, dont Laurent Boutonnat.
On notera que beaucoup de retakes seront nécessaires avant d'achever définitivement le tournage en septembre 2005, creusant un budget -paraît-il- déjà largement dépassé. Gaspard Ulliel, à son grand mécontentement, bouscule son emploi du temps pour se plier à ces retakes sur fond vert, qui auront lieu aux très boutonniens studios Sets à Stains (en Seine-Saint-Denis, où furent tournés la plupart des scènes d'intérieur des clips du réalisateur). Le 1er février dans un article publié dans Le Point (n°1794, Page 97) et intitulé "Tout le monde craque pour Gaspard", on révèle que l'acteur principal, contrairement à ce qu'il dit en promo, n'a toujours pas vu le film terminé. Boycotte ?
La durée convenable du film est aussi dépassée, comme le budget. Et c'est en accord avec
le distributeur que Laurent Boutonnat enlèvera la séquence de l'incendie de la
Forêt du conte Jacquou l'évoquera tout de même en s'en vantant face au curé
Bonal lors de leur premier entretient, et on en verra des images dans la Bande
Annonce.
Le moment où Martin, le père de Jacquou, lui offre un jouet est également coupée de la première scène du film, ainsi que la séquence ou Jacquou adulte retrouve le jouet et se remémore son père. Plusieurs autres séquences pourtant utiles à la bonne compréhension du récit sauteront de la même façon. La durée finale du long-métrage est de 2h25.
Sous la menace du spectre Giorgino, la sortie du film est d'abord prévue en août 2006, puis repoussée en septembre. On parle rapidement d'octobre avant de choisir finalement le 17 janvier 2007 pour sortir le film sur 600 copies sans blockbuster en face de lui. On est loin des lourds concurrents de Giorgino mais ce n'est pas pour ça que le film écrasera la concurrence... Jacquou devra aussi faire avec la sortie la semaine précédente de Breaking and Entering (avec Jude Law et Juliette Binoche) et surtout le dernier film de Clint Eastwood, Lettres d'Iwo Jima. Déception au niveau des entrées le premier jour d'exploitation, le mercredi 17 janvier sur Paris et sa périphérie. Le film n'arrive que deuxième derrière Truands, un film à objectifs commerciaux plus modestes.
1- Truands - 9 230 entrées sur 33 salles
2- Jacquou Le Croquant - 7 668 entrées avec 46 salles
- 1- Jacquou Le Croquant - 44 099
2- Truands - 22 654
Le lendemain jeudi, le film perdra des parts face à Truands et L'Illusionniste, se plaçant même troisième sur Paris-périphérie. Du mercredi au dimanche, le film totalisera 55 000 entrée sur Paris-Périphérie, région un peu particulière, car il y marche beaucoup moins qu'en province. Sur sa première semaine, le film totalise 378 651 entrées en France, ce qui fait une moyenne de 571 entrées par copie, soit 15% de parts de marché.
En deuxième semaine le film fait 250 908 entrées sur 576 copies en France et chute de seulement 34%. Dans le classement à Paris et sa périphérie en revanche, le film disparaît après la dixième place. Sur 2 semaines, on observe un cumul de 629 559 entrées.
En troisième semaine, le film est 8ème du box-office avec 123 820 entrées, ce qui donne un cumul de 753 379 entrées.
En quatrième semaine, le film sort des 10 premières places du box-office avec 81 061 entrées (12eme place), ce qui donne un cumul de 834 440 entrées.
En cinquième semaine, le film n'est plus projeté que dans 85 salles en France. Il attire 37 330 spectateurs supplémentaires pour un cumul de 871 770 entrées.
En sixième semaine, le film attire 19 517 spectateurs supplémentaires pour un cumul total de 891 287 entrées sur toute l'exploitation. Le mercredi d'après, lors des vacances de février, le film restera à l'affiche dans 40 salles en France, puis 23.
Jacquou le Croquant n'atteindra pas son seuil de rentabilité des 2,5 Millions d'entrées sur son exploitation. Le CD de la Bande Originale du film, quant à elle, s'est écoulée à 6000 exemplaires.
(source : Le Film Français/CBO-Box office)
Une grosse promotion est mise en place, avec des partenariats (SNCF, Banques Populaires) et l'affiche du film conçue par la société Déjà est placardée dans toute la France. Coté radio et télé, si Laurent Boutonnat se remet à parler à la presse, il envoie volontiers Gaspard Ulliel dans les émissions les plus populaires. C'est habillés de costumes, chemises et cravates noirs qu'avec Jocelyn Quivrin il promouvront le film sur M6 dans T'empêches tout le monde de dormir (Marc-Olivier Fogiel) : "le look Boutonnat!" se justifieront-ils.
Une conférence de presse pour la 4e édition du Panorama du cinéma français s'est tenue le 26 avril à l'hôtel Novotel Peace de Beijing. Elle a réuni des réalisateurs, acteurs et producteurs français, dont Laurent Boutonnat qui y présente Jacquou le Croquant.
Six mois plus tard, le 10 octobre 2007, le Double DVD de Jacquou le Croquant sort dans le commerce avec un making of de 45 mn. mais toujours sans piste commentaire audio. Précédemment, Boutonnat aura tenté la chance de Jacquou (sous-titré en anglais) au festival du Film de Tremblant, au Quebec à la mi-juin (sans résultats), et aura permis l'organisation de plusieurs projections en plein dans le Périgord, notamment à Bergerac le 20 aout, et à Rouffignac, Saint Cernin, Sainte Aulaye et Saint Astier.
Jodel Saint-Marc.
Le Nouvel Observateur : "Jacquou le Croquant : gros budget et origines du projet"
Le paysan révolté Jacquou le Croquant revient sur grand écran. Rendu populaire par son adaptation télévisée à la fin des années 60, le héros du roman d'Eugène Le Roy va être incarné au cinéma par Gaspard Ulliel, dans un long-métrage de Laurent Boutonnat. Le réalisateur, connu pour les clips de Mylène Farmer, débutera le tournage en avril prochain.
«Le défi est avant tout de moderniser et dépoussiérer» Jacquou le Croquant, a-t-il expliqué lundi dans Le Parisien/Aujourd'hui en France. «Nous gardons la trame de l'histoire, l'affrontement de Jacquou et du comte de Nansac, mais nous voulons aussi montrer la nature, cette forêt, qui est aussi au centre de cette oeuvre». Remarqué dans Les Égarés aux côtés d'Emmanuelle Béart et récemment comme fiancé d'Audrey Tautou dans Un long dimanche de fiançailles, Gaspard Ulliel, 20 ans, incarnera le jeune paysan du Périgord qui, confronté à la misère, l'injustice et les brimades, se révoltera et cherchera à venger sa famille. Le film, dont le tournage durera quatre mois en France et en Roumanie, devrait sortir en salle en 2006.
Sud-ouest : "Le projet de Laurent Boutonnat"
Le 7e art se bousculerait-il au portillon du Périgord ? La Dordogne a déjà offert son décor à pas mal de films, mais le Conseil général n'a pas hésité lui-même à sponsoriser des oeuvres à grand retentissement comme « Les Visiteurs » ou à moindre impact hélas comme « Albert est méchant » et, dernièrement, « Les Gaous » (ex-« Jeunes, beaux mais détraqués »). Ces derniers temps, le Département tout comme la Ville de Périgueux ont été sollicités par d'autres cinéastes : ainsi Jorge Reyes qui souhaite tourner en Périgord un film sentimental autour des années de guerre, et surtout Juan-Luis Buñuel, fils de Luis, qui mettrait volontiers en scène Noë Chabot, l'étonnant curé-bristot du début du XXe au Coderc à Périgueux. Mais un autre projet, énorme celui-là, s'annonce avec une chance très raisonnable d'être attiré par la Dordogne : Jacquou le Croquant. D'après le roman d'Eugène Le Roy, ce film va être réalisé par Laurent Boutonnat, auteur de longs-métrages et de nombreux clips dont certains intéressant sa compagne Mylène Farmer. Il est produit par Laurent Boutonnat encore et Jean-Claude Fleury, producteur de La Leçon de piano et de plus de 50 films avec Almodovar, Bertolucci, Jugnot, etc.
Pointures
Co-produit par Pathé (Jérôme Seydoux) pour un budget de
25 millions d'euros, ce film va mobiliser des talents tels que ceux d'Emmanuelle
Seigner, Marie-Josée Croze (Prix d'interprétation féminine, Cannes
2003), Jocelyn Quivrin, Tcheky Karyo ou, héros du récent Un
long dimanche de fiançailles, Gaspard Ulliel et Albert Dupontel.
Côté lieux de tournage, ce film, à sortir au premier trimestre 2006, balance
entre France et Roumanie. Des repérages ont déjà eu lieu dans notre pays, y
compris en Dordogne avec le spécialiste sarladais de haut vol Pierre Salive.
Mais l'on a craint un moment que la Roumanie (où la main-d'œuvre est moins
chère) n'attire une part prépondérante du tournage. Elle n'aurait alors
laissé à la région que des miettes, malgré l'antériorité périgordine du
film-culte de Stellio Lorenzi (1967-68).
Tournage au printemps
On n'en est plus là aujourd'hui. Sous réserve que le département
puisse débloquer une subvention exceptionnelle de l'ordre de celle trouvée
pour Les Visiteurs-2 (on le saura début 2005), il est fort probable
qu'on tourne Jacquou le Croquant en Dordogne entre avril et juin
prochains. Y compris, sur Périgueux, des scènes incluant une cathédrale
Saint-Front recouverte en bois (grâce aux images numériques) comme au XIXe
pour éviter les infiltrations. La Roumanie, elle, accueillerait des épisodes
à grand spectacle : manifestations populaires, incendie du château de L'Herm,
etc. Soucieux de l'image de marque de la Dordogne, le Conseil général attache
une importance d'autant plus particulière à ce film qu'on lui promet une fort
belle audience : TF1 l'a déjà acheté pour deux diffusions en soirée, soit
dix millions de téléspectateurs à ajouter aux quatre millions en salles, plus
les acquéreurs de DVD.
Diffusion du film à la télévision Russejacquou-tvrusse.jpg :